« Les quatre jumelles »

Publié par olivier-seronet le 10.02.2009
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culture
L'affaire n'est pas sans paradoxes. Comment planter un huis clos dans l'immensité de l'Alaska ? En tordant la notion de temps, d'espace et de personnage de telle façon qu'on ne sache plus trop où on est, à qui on à faire et dans le pire des cas ce qu'on fait vraiment là. L'histoire parait pourtant simple (quoique...)
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Au cours d'une ruée vers l'or et sous une pluie de coke, les soeurs Smith rencontrent les sœurs Goldwashing. Entrevue sans pitié. Escarmouches verbales. Le tableau se fige alors sur un petit assassinat entre « amies » condamné à se répéter indéfiniment car les sœurs sont immortelles. Ritournelle absurde.

Ce canevas insensé dressé par Copi dans « Les Quatre jumelles », une pièce de théâtre à l'origine, fait aujourd'hui l'objet d'une adaptation en opéra de chambre. L'idée peut surprendre. Certains crieront au sacrilège en voyant le fantasque dramaturge, icône gay, militant du Fhar dans les années 70, accommodé à la sauce chic dans l'enceinte pince-fesses de l'Opéra de Massy. Ils auront partiellement tort. Partiellement car la mise en scène millimétrée, l'orchestration au cordeau donne une idée de l'application avec laquelle Régis Campo, le compositeur, s'est emparé de son sujet. Le minimalisme du décor laisse libre cours aux quatre sœurs de vampiriser l'espace. Tout sert leur présence obsédante : un subtil jeu de lumières par-ci qui laisse leur ombre dévorer le décor, des boucles orchestrales par-là soulignant le caractère délibérément hallucinogène de l'expérience. Car ici en Alaska rien ne se passe, tout respire la spirale sans fin, le non événement, la réalité sans échappatoire. Face à une telle impasse saugrenue, un éclair de lucidité peut traverser le spectateur. Et si les quatre sœurs ne faisaient finalement qu'une ? La pièce s'étirant autour des obsessions personnelles de Copi : la mort, les drogues (tout y passe : héroïne, cocaïne, amphétamines, morphine...) et l'exil. Le monde est condamné aux mêmes obsessions répétées à l'infini. Et pourtant, comme le déclare le compositeur, ces obsessions ne sont pas le signe d'une résignation mais le prétexte à un carnaval sous acide, à une célébration débridée de l'instant présent : « Copi c'est exactement ça : un argentin qui aime la fête, le travestissement, qui devient très religieux, très christique, avec une réflexion sur la mort. C'est très ambigu, deux facettes qu'on retrouve chez Mahler aussi... » souligne Régis Campo.

En résumé, cet opéra se veut « une folie organisée ». Malheureusement, il relève en pratique plus de l'organisation que de la folie. C'est toute la limite de la forme choisie : la mise en scène rectiligne, sans aspérités mérite d'être saluée mais elle tend à enfermer le jeu des acteurs et à atténuer l'improbabilité des situations. Le dénuement du tableau est également assez éloigné de la profusion festive et des exaltations « grande folle » que l'on peut attendre d'un tel spectacle. La joie manque un peu, la tragédie, elle, est bien là. Comme si un vernis brillant mais un peu lisse s'était plaqué sur Copi. Ce n'est pas la moindre des reconnaissances mais ce n'est pas là encore sans paradoxes.

« Les quatre jumelles », prochaines dates les 12 et 13 février au Théâtre Silvia Monfort, Paris (tél. 01 56 08 33 88)

Commentaires

Portrait de micheltlse

Pas de saupalain (encore ?) dans les profils... sauf erreur.