Les surprenants effets du confinement

Publié par jfl-seronet le 30.04.2020
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Mode de vieconfinement

La période actuelle apporte aussi son lot de surprises, d'infos iconoclastes, de nouvelles parfois amusantes. Ici, ce sont les animaux qui réinvestissent des territoires délaissés temporairement par l'homme. Là ce sont des médecins qui deviennent des stars et dont l'effigie orne des objets. Ailleurs, ce sont des villes qui organisent, en temps de confinement, des sorties à des jours différents pour les hommes et les femmes. C'est parfois léger, parfois plus signifiant qu'anecdotique.

Médecins en route vers le star système

Des années durant, on les a laissés à côté de leurs paillasses de labos, cintrés dans leurs blouses blanches, dans d'affreux bureaux passés de mode aux murs festonnés de diplômes sous verre... Les médias les snobaient ou presque. On les retrouve désormais sur tous les plateaux télé, dans les journaux, sur les réseaux sociaux. Ils-elles sont les nouvelles têtes de gondoles des JT et des plateaux bavards de Cnews, BFMTV, LCI et consorts. Ce sont les experts-es du moment, enchaînant les interviews, sollicités pour commenter la pertinence (ou pas) des décisions gouvernementales, pour donner leurs idées sur les conditions du déconfinement, dire du mal des recherches des autres, etc. On a donc vu et on voit encore beaucoup les professeurs-es Pialloux, Lina, Crémieux, Launay, Fontanet, Bricaire, Yazdanpanah, Constantin, Lacombe, Juvin, Caumes, etc.

Deux personnalités sont, pour des raisons diverses sorties du lot. En France, c'est évidemment le professeur Didier Raoult, le savant de Marseille, qui s'est fait connaître avec le traitement par hydrochloroquine. L'homme a un sens aigüe de la communication et sa propre TV sur Youtube. Il est désormais hyper connu et presque adulé par ses anciens-nes patients-es. Récemment, France Bleu expliquait que le Cabinet de Cire de La Ciotat (Bouches-du-Rhône), spécialisé dans les bougies parfumées fabriquées à la main, vient de créer la bougie « Saint Raoult ». Carole et David, ses créateurs, affirment qu’il s’agit avant tout d’humour et de commerce aussi puisque la bougie est vendue au prix unitaire de 20 euros. France Bleu explique que « la bougie, haute de 15 centimètres est entièrement réalisée et peinte à la main. Elle nécessite au moins 30 minutes de fabrication. Vingt exemplaires sont déjà réalisés mais 60 commandes de toute la France avaient déjà été passées » dans la foulée du lancement.

L'autre vedette scientifique du moment est le docteur Anthony Fauci. À 79 ans, le directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases, un des grands spécialistes mondiaux de la recherche sur le VIH, est devenu une star aux États-Unis, où ses interventions, claires, pédagogiques, sincères et sobres, tranchent avec celles de Donald Trump, dont il reste pourtant le conseiller, malgré des désaccords manifestes lors des conférences de presse où les deux hommes n'hésitent parfois pas à se contredire. Dans les sondages, une majorité d'Américains-es fait confiance au docteur Fauci. Il est devenu une telle vedette qu'un bar de New York a créé un cocktail à son nom, qu'un fabricant de beignets a lancé une série de Donuts à son effigie, qu'on trouve son portrait sur des gâteaux, des mugs, des cravates et même des chaussettes. Lui aussi a droit à sa bougie. Pour plus de détails, on vous recommande de vous reporter à cet article de CNN : « From cupcakes to candles, you can now find Dr. Anthony Fauci's face on everything ».

Du poil de la bête...

C'est une conséquence assez inattendue de la longue période de confinement qui nous est imposée et des restrictions de circulation qui en découlent. Les animaux reviennent où on ne les voyait plus. On signale des cas un peu partout. En Argentine, les otaries prennent leurs aises dans une station balnéaire. Habituellement, les vacanciers de la station Mar del Plata (côte Ouest de l'Argentine), ont l'habitude d'observer sur la côte de cette grande ville de 750 000 habitants-es ces fameux « lions de mer ». Ils profitent de cette situation inédite pour batifoler un peu plus loin que d'habitude. On les voit désormais s'alonger sur les parkings déserts ou devant les boutiques de souvenirs aux rideaux baissés. « En raison du confinement, il n'y a personne qui circule, donc les otaries s'aventurent un peu plus loin que d'habitude pour se mettre à l'abri du vent, explique à l'AFP Juan Lorenzani, président de la Fondation Fauna Argentina. Habitués à l'effervescence d'une ville qui accueille des milliers de touristes toute l'année, ces mammifères sauvages savourent un silence inédit depuis le 20 mars, date du début du confinement obligatoire pour les 44 millions d'Argentins-es. L'animal pèse entre 350 et 500 kilos, mais déteste le vent. Il vient donc se mettre à l'abri en ville.

Sinon, on signale que des ratons-laveurs se montrent de moins en moins farouches à Central Park à New York où on en voit de plus en plus dans les allées, monter sur les grilles... prendre leurs aises. Le 14 avril dernier, l'AFP indique que deux daims ont été filmés, déambulant dans une rue déserte de Boissy-Saint-Léger, en banlieue parisienne. « Ces deux cervidés appartiennent au domaine du château du Piple qui en compte une centaine », précise alors à l'AFP le maire de la commune, Régis Charbonnier. Selon l'édile, il n'est « pas rare d'en voir traverser la départementale la nuit mais jamais en pleine journée et dans le centre de la ville. C'est assez exceptionnel ! ». Il faut dire qu'aucun véhicule ne circulait et que tous les habitants-es étaient chez eux-elles. C'était très poétique. Les deux cervidés ont regagné le domaine en fin de journée sans causer d'encombres ni eu de problèmes. Dans le Val-de-Marne, des vidéos ont montré la présence d'un zèbre et de poneys dans les rues des communes de Champigny et Chennevières.

Erreur de calcul ?

Elle est bien maline cette conseillère de Donald Trump. Elle a suggéré, très sérieusement, que l'Organisation mondiale de la santé ne faisait pas son boulot et manquait de transparence... parce qu'on n'avait pas entendu parlé précédemment des autres coronavirus... puisqu'on en était déjà au Covid-19 ! Bon, c'est clair pour Kellyanne Conway, on a déjà eu 18 fois l'occasion de se préparer... et l'OMS n'a rien fait. Sur la chaine Foxnews, elle a, de tout son aplomb, expliqué : « C'est le Covid-19, pas le Covid-1, et vous pourriez penser que les gens (de l'OMS) chargés des faits et des chiffres étaient au point » pour le combattre, a-t-elle ajouté. Kellyanne Conway est une fidèle de Donald Trump... ce qui n'excuse pas tout !

Mal de crâne

En temps de crise, le rationnel ne nous gagne pas toujours. L'évêque de Limoges a exceptionnellement sorti en ostension dimanche 19 avril le crâne de saint Martial, saint patron de la ville, relique dont l'invocation aurait miraculeusement guéri des malades d'une épidémie au Xe siècle. Cette surprenante sortie serait, selon monseigneur Pierre-Antoine Bozo, destinée à contrer le Covid-19 par des « moyens surnaturels ». Lors d'une courte cérémonie à huis clos, monseigneur Pierre-Antoine Bozo a brandi le reliquaire, sans toutefois en extraire le crâne, en l'église Saint-Michel-des-Lions et sur le parvis et a béni la ville et le monde aux quatre points cardinaux, a constaté un correspondant de l'AFP... qui s'est empressé d'en faire une dépêche. « Cette épidémie appelle des moyens exceptionnels », a justifié l'évêque. « Les moyens humains exceptionnels sont mis en oeuvre par notre pays, par les citoyens qui s'engagent mais il faut aussi des moyens surnaturels exceptionnels et cette translation des reliques de saint Martial, grande figure d'Aquitaine et du Limousin, en fait partie ». Bon, pas de quoi s'inquiéter outre mesure. Il y a plus étrange ailleurs comme au Brésil où une église promet « d'immuniser » contre le Covid-19. Le crâne de saint Martial ne sort théoriquement que tous les sept ans lors des ostensions limousines, des processions de reliques de saints locaux organisées depuis le Moyen Âge et classées au patrimoine immatériel de l'Unesco. Les dernières avaient eu lieu en 2016.

Jours pairs et impairs

Le 8 avril dernier, le maire d'une petite commune de Lombardie, Canonica d'Adda, a décidé qu'hommes et femmes auront chacun leurs jours de courses, afin de limiter l'affluence dans les commerces et de lutter contre la pandémie, indique l'AFP. La municipalité a prévu des amendes pouvant aller jusqu'à 400 euros pour les contrevenants-es. Selon Gianmaria Cerea, le maire de cette commune de 4 400 habitants-es, le Covid-19 a tué une vingtaine de ses administrés en mars, même si elle n'est pas la plus touchée dans cette « zone rouge » de la pandémie. Cette « ordonnance » précisant quels jours hommes et femmes peuvent faire les courses, « a été faite pour protéger la santé publique. Je dois garantir la santé publique, même si cela doit m'attirer des critiques », a avancé l'élu. Évidemment, les femmes ont rapidement vu que les hommes avaient un jour de plus qu'elles pour sortir. Cette mesure, controversée, ne s'est pas limitée à cette ville italienne. Le Monde explique dans une article de Marie Delcas (avril) que la ville de Bogota a aussi adopté cette mesure. Pour limiter l’affluence dans les magasins, la capitale colombienne a instauré un droit de sortie « genré ». Une mesure qui suscite des critiques. « À Bogota, les femmes sortent désormais dans la rue les jours pairs, les hommes les jours impairs, et les personnes trans selon leur identité de genre », c'est ce qu'instaure un décret municipal. Comme l'explique le journal : « Les transgenres ont immédiatement dénoncé les risques que fait peser sur leur communauté cette discrimination genrée. Le Pérou, qui avait adopté une mesure du même type le 1er avril, a fait marche arrière une semaine plus tard ».

Fumer à se perdre

Les fumeurs des régions frontalières de l'Espagne ont l'habitude de s'y ravitailler en cigarettes, moins chères qu'en France. Malgré le confinement, l'un d'eux s'est perdu dans les Pyrénées alors qu'il était parti à pied acheter ses cigarettes en Espagne, indique l'AFP (5 avril). Dans un tweet, le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) des Pyrénées Orientales a dénoncé le manque de civisme de cet habitant de Perpignan, retrouvé « épuisé, grelottant de froid et perdu sur les hauteurs du Perthus ». Pour le secourir, les autorités ont dû mobiliser un hélicoptère de la Sécurité civile et « déployer les grands moyens ». « Ce jeune homme, parti de Perpignan en voiture, a été refoulé aux postes de contrôle entre la France et l'Espagne alors qu'il souhaitait se rendre à la Jonquère. Il a alors décidé de partir par un chemin de randonnée, espérant franchir la frontière par la montagne », ont raconté les gendarmes. Il est ensuite tombé dans un ruisseau, puis dans des ronces, avant d'appeler les secours. Après son hélitreuillage, il a été verbalisé, et devra s'acquitter de l'amende de 135 euros, pour non respect du confinement.

Port du masque, c'est du gâteau !

Si vous avez encore de l'appétit après les donuts à l'effigie d'Anthony Fauci, vous pourrez vous porter sur la création du pâtissier palestinien Eyad Abou Rezqa. Début avril, il a décidé de lutter à sa manière contre la pandémie de Covid-19 avec son « gâteau corona » qui décroche des sourires, mais promeut surtout le port du masque face au risque de la progression du nouveau coronavirus à Gaza. Eyad Abou Rezqa a posté une photo de son gâteau sur les réseaux sociaux et, depuis, les appels commandant « le corona cake » affluent, a indiqué l'AFP. « D'un seul coup, l'intérêt a décollé. Les consommateurs ont commencé à dire : je veux ce gâteau (…) Chaque jour, la demande augmente pour notre gâteau coiffé d'un masque », a expliqué l'artiste à l'AFP.

Alcools : une question de degré

C'est dur la vie en cette période de crise sanitaire mondiale. Fin mars, l'association australienne des magasins d'alcool a fixé à « maximum 12 bouteilles de vin et deux packs de 24 bières », les achats pour remédier à une razzia dans les rayonnages en raison d'une crainte de pénurie du fait de l'épidémie de Covid-19. Les Australiens-nes se sont rués-es sur les magasins d'alcool en raison de l'annonce de la fermeture des commerces dits « non essentiels », parmi lesquels les bars. Les "restrictions" retenues permettent qu'un client ne puisse ressortir d'un magasin avec, par exemple, plus de douze bouteilles de vin et deux packs de 24 bières, ou avec plus de dix litres de vin en cubis et deux litres de spiritueux. Des chiffres dévoilés par la Commonwealth Bank, une des plus grandes institutions financières du pays, ont montré que les dépenses en alcool dans les magasins avaient augmenté de 86 % la dernière semaine avant le confinement. Les Australiens-nes sont loin d'être les premiers consommateurs-rices d'alcool au monde. Dans un rapport en 2018 sur la consommation d'alcool dans le monde, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) indiquait que les Australiens-nes de plus de 15 ans consommaient en moyenne 10,6 litres d'alcool par an, contre 15,2 litres pour les Moldaves ou 15 litres pour les Lituaniens-nes. En France, des distilleries du Doubs et de Haute-Saône ont décidé, fin mars, de céder une partie de leurs stocks d'alcool pour permettre la fabrication du gel hydroalcoolique nécessaire aux professionnels-les de santé pour se protéger du coronavirus. La distillerie Armand Guy de Pontarlier (Doubs), capitale française de l'absinthe, a décidé de céder « au prix d'achat » 3 000 litres de son stock d'alcool à 96 degrés à des fabricants de gel hydroalcoolique et à des pharmaciens-nes, avec l'accord des douanes. À Fougerolles-Saint-Valbert (Haute-Saône), la distillerie d'eaux-de-vie et d'absinthe Paul Devoille a fourni de son côté depuis la fin de semaine dernière « à prix coûtant » 500 litres d'alcool à 96 degrés aux pharmacies. Les officines les transforment en gel ou en solution hydroalcoolique après avoir ramené la teneur en alcool « entre 70 et 75 degrés », a expliqué à l'AFP Hugues de Miscault, le dirigeant de la société.

La bonne combi...naison

Un site britannique de vente de tenues et accessoires fétichistes et de gadgets sexuels a annoncé, fin mars, avoir donné son stock de combinaisons médicales aux soignants-es d'un hôpital, « désespérés-es » face au manque d'équipements pour se protéger du nouveau coronavirus, indique l'AFP. « Nous avons donné tout notre stock de combinaisons médicales à un hôpital du NHS (service public de santé) », a annoncé la boutique fétichiste en ligne MedFet UK dans un message posté sur Twitter. « Il ne s'agissait que de quelques ensembles car nous ne disposons pas de gros stocks, mais les soignants étaient désespérés, donc nous les avons livrés gratuitement ». L'entreprise explique avoir été contactée par des « responsables des achats du NHS de tout le pays essayant de se procurer des équipements et des vêtements de protection de base ». MedFet précise sur son site internet ne vendre que des produits « destinés à être utilisés par des professionnels ou par d'autres personnes entraînées ».

Au bout du rouleau !

Un site internet en Allemagne propose à chacun d'estimer son besoin en papier toilette, dont les magasins sont dévalisés dans le pays depuis l'épidémie du coronavirus. « De combien de papier toilette avez-vous vraiment besoin pour survivre à la quarantaine ? », « Les stocks sont-ils suffisants ? », interroge le site internet Blitzrechner. En réponse, une calculatrice renseigne sur la « durée réelle » d'utilisation du papier hygiénique après avoir entré des renseignements de base comme le nombre de rouleaux en stocks, précise l'AFP. On peut ajouter le nombre de personnes dans le foyer, de passages aux toilettes par jour, jusqu'au nombre de feuilles utilisées par passage. La conclusion est que « dans la plupart des cas, (les) besoins propres sont massivement surestimés et le papier toilette dure étonnamment longtemps », soit bien au-delà d'une période de deux semaines en quarantaine, explique Tim Lilling, chef de projet du portail Blitzrechner. Cette initiative se veut une manière « humoristique » de ramener les consommateurs-rices à la raison, alors que des achats de panique ont parfois dégénéré en bagarres au rayon papier toilette dans des supermarchés du pays.