"Les troubles de la santé mentale sont prioritaires"

Publié par Costa le 20.04.2009
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santé gaie
Les problèmes de santé mentale étant particulièrement fréquents chez les homosexuels, les associations suisses Dialogai et Lestime ont lancé début mars le site Blues-out, la pierre angulaire d’un projet destiné à offrir aux gays et aux lesbiennes des informations adaptées à leurs problématiques propres et à les orienter vers des services et des professionnels de santé gay and lesbian-friendly. Les précisions de Michael Häusermann, de Dialogai.
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D'où vient l'idée du site ?
Le site Blues-out est né de la volonté de mettre 24h sur 24h à disposition des gays et des lesbiennes francophones des informations et des outils pratiques sur les thèmes de santé mentale qui les touchent plus particulièrement. Ce site n'est cependant qu'un des outils du projet. Une ligne d'écoute téléphonique gratuite a été ouverte, et des affiches et du matériel d'information sont régulièrement distribués dans tous les lieux fréquentés par les gays et les lesbiennes. La première campagne réalisée dans ce projet inédit concerne la dépression. D'autres campagnes sur d'autres thèmes, comme l'anxiété, les violences ou les dépendances, s'ajouteront au fur et à mesure du développement du projet.

Vous êtes-vous inspirés d’expériences similaires existant déjà à l'étranger ?
Avant de lancer le projet, nous avons réalisé des recherches dans plusieurs pays pour connaître les projets de promotion de la santé mentale efficients sur le plan communautaire, dont l'efficacité avait été évaluée. Peu de projets sont encore réalisés dans le monde pour promouvoir la santé mentale de la population. L'Australie étant une exception, nous nous sommes inspirés de son projet phare, le projet "beyondblue", ainsi que du projet européen "Alliance contre la dépression", lancé en Allemagne et déjà repris dans plusieurs pays européens comme la France et la Suisse. Nous sommes cependant les premiers à réaliser une adaptation de ce projet pour les communautés gaie et lesbienne.

Cette adaptation résultait-elle d’un constat ou d’une demande exprimée ?
Blues-out a été mis en place par Dialogai pour répondre aux résultats des enquêtes qualitatives et quantitatives, réalisées en 2001, 2002 et 2007 en collaboration avec l'Université de Zurich auprès des hommes gais de Genève. Ces différentes études ont montré que les hommes gays souffrent de manière disproportionnée de troubles de la santé mentale, en particulier d'anxiété, de dépression, de tendances suicidaires, de violences, et de dépendances à différents produits comme l'alcool et les autres drogues. Des études étrangères ayant démontré que les femmes lesbiennes souffrent également de manière disproportionnée de troubles similaires, nous avons décidé de collaborer pour ce projet avec Lestime, l'association de femmes lesbiennes de Genève.

La santé mentale avait-elle réellement besoin d'un site spécifique ?
Les problèmes de santé mentale sont les problèmes prioritaires des hommes gays. Leur prévalence est encore plus importante que le VIH. La dépression touche par exemple 20% des hommes gais chaque année, et près de 40% en souffrent au cours de leur vie. Près du double des chiffres enregistrés dans la population générale. Plus grave encore, environ 50% des hommes gais touchés par la dépression ne savent pas de quoi ils souffrent et, en conséquence, ne cherchent pas l'aide d'un professionnel de la santé.

Comment le site a-t-il été conçu ?
Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les webmasters et la graphiste pour élaborer un site performant et ludique à la fois, où les utilisateurs peuvent trouver rapidement les informations qu'ils cherchent. Le site est séparé en deux espaces, un pour les hommes, un pour les femmes, à la structure identique mais aux contenus spécifiques administrés séparément, par Dialogai pour la partie concernant les hommes, et par Lestime pour la partie concernant les femmes. L'idée est d'offrir aux gays et aux lesbiennes des informations adaptées et pertinentes au regard de leurs problématiques propres, de leur permettre d'évaluer leur état de santé mentale (notamment par des tests d'autodiagnostic validés par l'Alliance européenne contre la dépression) et de les diriger vers des services et des professionnels de santé adaptés à leur problématique et surtout gay and lesbian-friendly. Trop de gays et lesbiennes ne consultent pas parce qu'ils ne se sentent pas à l'aise pour parler de leur vie et de leur sexualité avec leur thérapeute. Nous leurs garantissons que les thérapeutes que nous proposons sont ouverts et sensibles à l'homosexualité.

affiche blues-out

Pensez-vous vraiment que le message "consultez un médecin au plus vite" après un autodiagnostic suffise à ce que les internautes le fassent ? N’est-ce pas un peu risqué de laisser les gens faire ces tests seuls devant leur écran ?
Un internaute, comme un appelant ou un patient, est toujours libre de faire ou de ne pas faire ce qui lui est conseillé. Nous ne forçons personne. Toute la stratégie de Dialogai repose sur la responsabilité individuelle des personnes que nous informons ou qui nous consultent. Les personnes passent de nombreux tests de toute sorte dans différents magazines, elles aiment ces outils et y sont habituées. Est-ce risqué ? En terme de prise de risque, les gays en prennent beaucoup d'autres. Est-ce que cela suffit ? Sûrement pas. Le test n'est qu'une partie du projet, la hotline offre la possibilité d'en parler en direct avec un répondant. Le test est un des outils et tous ces outils ont pour but de ne pas laisser les personnes qui souffrent dans l'ignorance et de les inciter à consulter et à se soigner.

Vous êtes-vous fixé des objectifs particuliers ?
Très concrètement, nous avons pour objectif d’ici deux ans : d’atteindre 30% du public cible par la campagne, de diminuer le nombre de dépressions non détectées et non soignées, d’améliorer les connaissances sur les symptômes et les traitements de la dépression, et de réduire la « suicidalité ». L’enquête de base sur la santé mentale des hommes gais de Genève réalisée début 2011 nous permettra de vérifier que ces objectifs ont été atteints.

Quelles sont les premières retombées en termes de fréquentation ou de pages consultées ?
Depuis le lancement de la campagne Blues-out dans les communautés gaie et lesbienne de Genève, le site reçoit en moyenne plus de 100 visites par jour, ce qui est un excellent début pour un projet de ce type.

Le site est-il appelé à évoluer ?
Oui, comme on peut le voir dans les menus verticaux, d'autres thèmes de santé mentale seront mis en ligne au fur et à mesure du développement du projet. Des informations sur que faire en cas d'agressions ou de violences entre partenaires seront ajoutées prochainement. Il est également prévu d'étendre notre liste de thérapeutes et services de santé gay and lesbian-friendly à d'autres régions de Suisse romande, avec la collaboration des associations homosexuelles locales.

Ecouter aussi l'interview audio de Michael Häusermann sur Fil Rouge.

Illustration : Chatty Ecoffey