L’Existrans : en genres et en nombre !

Publié par Mathieu Brancourt le 17.10.2018
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InitiativeExistrans 2018

L’Existrans, la marche pour les droits des personnes trans et intersexes, a battu le pavé parisien samedi 13 octobre. Très nombreux-ses malgré la concurrence de la marche pour le climat, les activistes et leurs alliés-es ont traversé Paris pour revendiquer l’autodétermination qui leur est toujours refusée, et demander la justice pour les violences, en souvenir de Vanesa Campos, femme trans assassinée en août dernier.

Place Stalingrad, lieu de rendez-vous de la marche, le soleil irradie bien fort pour un 13 octobre. Signe du temps, mais aussi triste symbole, jour également de la Marche pour le climat, non loin de là. Une météo douce et clémente, qui ne représente pas fidèlement les conditions de vie et le contexte politique dans lesquels la communauté trans et intersexe essaie de (sur)vivre. Il faut dire que les motifs de griefs sont nombreux.

« La France expulse, mutile et précarise les personnes trans et intersexes » : tel est le slogan de cette édition, qui illustre le fait que la France n’offre ni répit, ni amélioration des conditions de vie des personnes trans et intersexes en 2018. Pour sa 22e édition, l’Existrans a rassemblé plusieurs centaines de personnes samedi à Paris, pour réclamer notamment l’arrêt des interventions chirurgicales à l’enfance pour les jeunes personnes intersexes (Les personnes intersexes sont nées avec des caractères sexuels qui ne correspondent pas aux définitions binaires et normées des corps masculins ou féminins). Aujourd’hui, le monde médical garde une mainmise extrêmement forte sur les corps des personnes non-binaires ou des personnes transidentitaires. Le Défenseur des droits s’est pourtant publiquement rangé derrière les avis de l’ONU ou d’organisations non gouvernementales internationales pour demander l'arrêt des « traitements » hormonaux non consentis et des interventions chirurgicales, vécues comme des mutilations sur les enfants et adolescents-es intersexes devenus adultes.

En amont du rassemblement de l’Existrans, un groupe d’activistes s’est rendu devant les locaux de la SoFect (Société française d'études et de prise en charge de la transidentité), collectif de médecins autoproclamés experts-es des transidentités qui contribue à maintenir le changement d’état civil dans une démarche médicalisée et psychiatrisée, à l’opposé des revendications d’autodétermination des personnes trans ou intersexes. Le 10 septembre dernier, le Collectif « intersexes et alliés-es » a d’ailleurs lancé dans les médias une campagne publique pour la fin des mutilations liées aux opérations médicales non-consenties.

Sous l’actuelle présidence d’Emmanuel Macron, les choses ne se sont pas arrangées, malgré les discours « progressistes » revendiqués par le pouvoir et le gouvernement. Dans son communiqué, le collectif organisateur de l’Existrans évoque, pêle-mêle, le vote de la loi Asile et immigration qu’il considère comme « raciste » ; loi qui va précariser nombre de personnes en situation irrégulière ou en demande d’asile. Le Collectif réclame aussi une véritable lutte contre les violences transphobes, deux mois après l’assassinat de Vanesa Campos, femme trans et travailleuse du sexe, tuée sauvagement au bois de Boulogne et dont la mort cristallise la colère des militants-es pour les droits et la protection des personnes trans en situation de précarité. « Justice pour Vanesa », c’était ce qu’il y avait inscrit sur le tee-shirt de Giovanna Rincon, présidente de l’association Acceptess-T, collectif communautaire de personnes trans migrantes. Cette militante, ancienne travailleuse du sexe, a rappelé également l’impact du cadre juridique abolitionniste sur la santé et la vie quotidienne des personnes exerçant le travail sexuel. « Avec la pénalisation des clients, on oblige ces personnes à se mettre en danger en exerçant dans des lieux de plus en plus isolés », a-t-elle regretté devant les journalistes. Le 12 avril dernier, les organisations de droit à la santé avaient publié une enquête nationale pilotée par Médecins du Monde sur le bilan de la loi de lutte « contre le système prostitutionnel ». Dans ce rapport, 38 % des personnes interrogées rapportaient des difficultés accrues à imposer le port du préservatif, associées à une exposition aux risques de contamination au VIH et autres IST. De plus, 63 % signalaient des conditions de vie dégradées, tandis que 70 % déploraient une détérioration de leurs relations avec la police, de part l’utilisation d’arrêtés municipaux comme outils de répression de leur travail. Deux ans après la loi et malgré les chiffres accablants, aucune réforme ne semble pourtant poindre.

Le cortège, plus que jamais nombreux et gonflé à bloc pour changer les choses, s’est alors mis en marche pour traverser Paris et rejoindre la place de l’Hôtel de ville, aux cris de « Résistrans ». Une « Résistrans » qu’il faudra réussir à maintenir, peu importe les cieux au-dessus de nos têtes. Mais samedi, les 26 degrés au thermomètre signifiaient que ça chauffe et ça urge, aussi pour les personnes trans et intersexes.