Lien social des personnes vivant avec le VIH de 50 ans et plus

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Le lien social des personnes vivant avec le VIH de 50 ans et plus. C’est sur ce sujet que porte le premier focus réalisé par AIDES pour la conférence de consensus sur le vieillissement et le VIH organisée par l’association en avril 2013.

Le vieillissement peut signifier une accentuation de l’isolement et de la solitude

Le baromètre 2012 (1) des solitudes en France indique que l’isolement (c’est-à-dire la baisse du nombre de contacts sociaux) est toujours fort dans les tranches d’âge les plus élevées (surtout les personnes les plus démunies). Plusieurs facteurs peuvent participer au rétrécissement du réseau social (notamment amical et familial) avec l’avancée en âge. "Les collègues de travail se perdent de vue. La famille se réduit. Les amis s’éloignent. […] L’isolement est aussi la conséquence d’incapacités qui se cumulent […] Les ressources économiques enfin sont déterminantes et entrent pour une large part dans l’isolement des personnes âgées, surtout si elles sont atteintes d’une maladie chronique" (2). Il existe ainsi un sentiment "d’étrangeté au monde" dû au fait que les personnes ne se reconnaissent plus dans le monde dans lequel elles vivent (3), ceci étant également un facteur de solitude.

L’isolement se caractérise par le nombre de contacts sans présager de la nature des contacts : les personnes peuvent avoir un réseau social dense sans vraiment être satisfaites de la nature des contacts (soutien affectif, soutien matériel, sentiment d’exister et d’être important pour l’autre, etc.)

"Tu travailles très en profondeur avec les gens, et petit à petit ça devient des amis pour toi, tu les vois souvent, tu les invites chez toi. Et au bout d’un moment, c’est pas des amis, parce que si tu ne les recontactes pas, eux ne te recontactent pas. Souvent les gays sont comme ça. Je m'en suis rendu compte avec le temps". Yves, 50 ans, séropositif au VIH depuis 20 ans.

Par conséquent, si l’isolement s’accompagne souvent de solitude, la solitude ne signifie pas forcément un réseau social inexistant. Ce qui génère de réelles souffrances est le sentiment de ne pas exister. Selon le rapport de la Fondation de France (4) "13% des Français éprouvent en 2012 un sentiment d’abandon, d’exclusion ou d’inutilité". Cette solitude est également une solitude de la "routine" : les personnes qui ont de moins en moins de moins dans leur vie quotidienne ne compensent pas ce sentiment lors de rencontres familiales ou festives occasionnelles. C’est pourquoi, "agir contre la solitude, c’est renouer des liens faits de proximité et de routine" (5).

Enfin, l’isolement et la solitude accélèrent le vieillissement selon le Rapport sur le vieillissement paru en 1998 (6) : "Il y a là un véritable problème de société qui ne peut qu’aller vers l’aggravation, dans la mesure où la solitude, l’impression d’inutilité et la désinsertion sociale sont des facteurs d’accélération du vieillissement".

L’état du réseau familial et amical des PVVIH>50 ans et le sentiment de solitude

"Je pense que le VIH et le vieillissement sont deux facteurs d’exclusion". Michel, 57 ans, séropositif au VIH depuis 6 ans.

Dans l’enquête "VIH, hépatites, et vous ?" de 2010 (307 participants), on constate que 72,3 % des personnes vivant avec le VIH de plus de 50 ans se déclarent célibataires ou seul-e-s et 62,6 % vivent seul-e-s, 27,8 % avec un partenaire ou un conjoint. Or, en 2011, en population générale (7), 70 % des personnes de 45 ans et plus vivent en couple sous le même toit, même s’ils sont moins nombreux après 65 ans et beaucoup moins après 75 ans.

Au niveau des contacts avec la famille, 72,1 % des personnes vivant avec le VIH de plus de 50 ans ont eu des contacts avec des membres de leur famille autres que leur parents ou enfant(s) durant les six derniers mois. Cependant, avoir des contacts réguliers ou occasionnels avec la famille élargie ou des amis ne signifie pas un soutien matériel et affectif certain.

Ainsi, 61,1 % peuvent compter sur des personnes pour un hébergement de quelques jours en cas de besoin (contre 72, 6 % des plus jeunes) et 54,3 % sur une aide matérielle en cas de difficultés (contre 66,7 % des plus jeunes).

VIH, hépatites, et vous ? : quelques résultats
88,7 % ne peuvent pas toujours compter sur un tiers pour les amener chez le médecin.
38,1 % n’ont jamais personne qui comprend leurs problèmes.
34,3 % n’ont jamais personne avec qui faire une activité plaisante.
34 % n’ont jamais personne à aimer et qui les fait se sentir désiré-e.
32,4 % n’ont jamais quelqu’un à qui parler en cas de besoin.
32,3 % n’ont jamais personne à serrer dans leurs bras.
20,2 % ne peuvent jamais compter sur une personne, une aide ou un soutien si ils/elles sont obligé-e-s de rester alité-e-s.
20,1 % n’ont jamais personne pour les aider aux tâches quotidiennes.
18 % n’ont jamais personne avec qui partager leurs craintes et leurs peurs les plus intimes.
14,1 % n’ont jamais personne pour leur manifester de l’amour et de l’affection. 

Dans l’enquête qualitative (52 participants sur 307), seize personnes déclarent souffrir d’isolement (mais parfois s’y être habitué). Ce sont des personnes qui ont très peu de contacts avec leur famille et ont peu d’amis.

"Alors moi je suis complètement seule. A part les gens de AIDES et quelques personnes. Là je suis à mi temps, et on m’a demandé d’avoir un suivi avec un psychologue, parce que je suis toute seule ! Je suis toute seule malgré mon fils […] je suis toute seule dans la vie, j’ai pas de famille, voilà, point barre". Céline, 57 ans, séropositive au VIH depuis 28 ans

Quatre personnes déclarent êtres assez isolées mais ne pas en souffrir, se décrivant assez solitaires. C’est, selon les mots de Guy, "un isolement choisi", différent du sentiment de solitude, qui, lui, est subi. Avec l’avancée en âge, on observe également chez certains un recentrage des liens sociaux autour d’un noyau de personnes qui comptent vraiment pour l’individu et où la relation amicale fonctionne dans les deux sens.

Par ailleurs, plusieurs personnes signalent un réseau assez faible, au sein duquel les contacts sont peu nombreux, mais semblent se satisfaire plus ou moins de la situation et déclarent ne pas se sentir isolées. Au contraire, on observe des situations où les personnes se sentent seules alors qu’elles décrivent un réseau social assez dense. Il s’agit ici de différencier isolement et solitude. Plusieurs facteurs participent à ce sentiment de solitude dont l’inactivité. Ainsi, les personnes n’ayant pas d’activité professionnelle (situation d’invalidité ou de chômage) peuvent vivre leur temps libre comme un temps vide. La fatigue, le manque d’envie (parfois dû à un état dépressif) et le manque de ressources financières ne leur permettent pas de réinvestir ce temps dans des activités de loisirs. Ce temps est donc subi et les personnes ne retrouvent pas un sentiment d’utilité sociale. Or, on l’a dit le sentiment d’inutilité sociale participe au sentiment de solitude. De plus, les moments d’ennui sont générateurs d’inquiétudes : "angoisse de ne pas savoir quoi faire, angoisse de se sentir inutile, angoisse que le temps passe sans autre perspective" (8). Plus encore, l’idée même de vieillir seul(e) est une préoccupation majeure chez les personnes interrogées. Le besoin de partage, d’entraide et l’envie d’être entouré(e) motivent la volonté d’être en couple/avoir un partenaire.

Les ruptures du réseau social des PVVIH

Le réseau social des personnes est diversement dense pour différentes raisons. Il est cependant incontestable que le VIH, ou d’autres événements importants dans la vie des personnes, aient pu engendrer des ruptures ou renforcer l’éloignement avec le réseau social (familial et amical en particulier) qu’il faut alors reconstruire. Selon le baromètre des solitudes 2012, "74 % des raisons d’isolement citées renvoient à une rupture biographique, dans le cadre familial (31 %), amical (13 %), associé à un problème de santé (13 %), professionnel (10 %) ou résidentiel (7 %)". On remarque, à partir des entretiens menés, que plusieurs événements au cours de la vie des personnes vivant avec le VIH ont pu influer sur chacun de ces éléments.

L’éloignement avec la famille ou avec des amis peut être ancien et sans relation avec le VIH, mais parfois c’est l’annonce de la séropositivité qui a engendré l’éloignement. Plus largement, le stigma et la peur du rejet peuvent participer au repli sur soi ou tout au moins inciter à cacher sa séropositivité, ce qui peut être pesant pour la personne (9).

La migration génère un éloignement de la famille "restée aux pays". De plus, la possibilité de rentrer reste assez inabordable en fonction de la garantie des traitements antirétroviraux dans les pays d’origine.

Coming out : l’homosexualité n’est pas dévoilée pour plusieurs hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH). Cacher cette part de l’identité peut être un poids et éloigner de facto de la famille. D’autres l’ont dévoilée et ont été éloignés (cela ne concerne toutefois pas la majorité des HSH interviewés.

La toxicomanie (actuelle ou passée) génère souvent du rejet de la part des familles et certains amis. Un réseau restreint à la vie dans la rue est construit mais les contacts se perdent une fois que la personne abandonne la consommation.

L’absence d’activité professionnelle en raison du VIH prive les personnes concernées d’une sociabilité dans le lieu de travail et du contact avec des collègues en raison de l’arrêt de leur activité professionnelle (arrêts maladie prolongés, invalidité, chômage). De plus, le sentiment d’inutilité et l’ennui renforcent la sensation de solitude.

Les décès d’amis et des partenaires est un facteur important d’isolement, notamment chez les personnes vivant avec le  VIH appartenant aux premières générations de personnes touchées par le VIH. Elles ont perdu leurs réseaux amicaux et leurs partenaires dans la période où les traitements n’étaient pas aussi efficaces.

L’absence d’enfants, chez les HSH mais aussi chez certaines personnes hétérosexuelles qui ont renoncé à leur désir de maternité, fait qu’une partie importante des personnes interviewées vit seule à la différence de la population générale dont une part non négligeable des plus âgés vit avec un enfant (10). Dans l’enquête qualitative, seules quelques femmes abordent le sujet du renoncement à avoir un enfant mais ce fait est peut-être présent chez un nombre plus important de personnes, femmes comme hommes. Les données montrent que les personnes avec plus de ressources économiques, plus de capital santé, et avec une famille qui soutient se sentent moins seules. Ceci n’est qu’un autre exemple de l’impact des inégalités sociales face à l’isolement et à la solitude.

Les associations de lutte contre le sida, une famille choisie

Les personnes rencontrées dans le cadre des entretiens sont rentrées en contact avec l’association AIDES de manière parfois réticente en raison de la peur de s’afficher en tant que personne vivant avec le VIH. Le contact se produit parfois par hasard, par l’intermédiaire d’une autre rencontre, par l’insistance d’un proche, ou encore par la volonté de s’engager dans la lutte contre le VIH/sida. Les personnes y ont trouvé, et y trouvent, des informations sur le VIH (traitements, parcours de soins, mutuelles, etc.), mais c’est surtout l’échange entre pairs qui les motivent à venir : échanger avec d’autres personnes séropositives qui vivent des choses semblables aide à ne pas se sentir seul-e. C’est ainsi à la fois un soutien psychologique et un échange d’informations pragmatiques qui se met en place. L’association est l’occasion de parler de ce que l’on vit et c’est parfois la seule occasion.

"Ça me fait du bien de pouvoir parler facilement, rencontrer des gens qui sont comme moi, et de penser que bien que je sois malade, il y a d’autres personnes qui sont comme moi mais qui prennent bien la chose". Inès, 56 ans, séropositive au VIH depuis 5 ans.

AIDES est aussi envisagée comme un lieu de sociabilité pour sortir de l’isolement et rompre la solitude. C’est ainsi le cas pour une femme qui a vécu plusieurs années à l’étranger et qui, à son retour en France, se dirige vers l’association qui devient son unique réseau social, sa "soupape de sécurité". AIDES est pour plusieurs personnes qui ont complètement (ou en partie) perdu leur réseau social l’occasion de reconstruire des liens.

"Je suis beaucoup moins isolé et je vais le dire franchement c’est grâce à AIDES que je m'en suis sorti un petit peu. C’est eux qui m’ont apporté beaucoup de choses au départ". Mathieu, 51 ans, séropositif au VIH depuis 20 ans

Le militantisme est également une raison de la venue des personnes dans l’association. Mener des actions de prévention, participer à la formation, se sentir utile sont des motivations rencontrées chez des volontaires et/ou salarié(e)s, parfois anciennement personnes accueillies. La moitié d’entre-elles avait déjà manifesté un engagement associatif et/ou politique dans d’autres structures (5/11). Pour plusieurs des personnes rencontrées, AIDES est devenue une "seconde famille", une famille élective centrée sur le VIH.

"Moi je suis entourée, j’ai des copines, j’en ai pas beaucoup, j’en ai 3, avec qui je peux discuter et j’ai ma famille. Bon là j’en parle pas trop parce que je veux pas qu’ils s’inquiètent, je préfère inquiéter mes copines. Et j’ai aussi l’association, pour moi c’est aussi ma seconde famille". Marge, 51 ans, séropositive au VIH depuis 11 ans.

"A AIDES en arrivant t’as l’impression… en tout cas dans le groupe prévention où j’étais, que tout le monde est une famille. La famille du VIH, avec qui tu peux parler de tout en toute liberté parce qu'à l’extérieur ça restait quand même compliqué d’en parler avec des amis classiques. Les gays séronégatifs ont plus de difficultés à comprendre, en tout cas à l’époque". Yves, 50 ans, séropositif au VIH depuis 20 ans.

Famille ou pas, l’association est ainsi créatrice de lien social, les personnes recréant ou densifiant leur réseau social. Des sorties dans le cadre de AIDES ou de manière autonome sont ainsi un moyen de consolider ce lien social.

Notes
1 : Rapport de la Fondation de France, Les solitudes en France
2 : Van Rompaey C., "Solitude et vieillissement"
3 : Campéon A., "Vieillesses ordinaires en solitude"
4 : Ibid. Rapport de la Fondation de France.
5 : Ibid.
6 : Cité dans Van Rompaey C., "Solitude et vieillissement", Pensée plurielle, n°6, 2003
7 : Renaut S., "Parcours de vie et vieillissement ordinaire : données de cadrage", Gérontologie et Société n°138, 2011
8 : Ibid., A. Campéon, 2011
9 : Sur la notion de stigma (VIH et vieillissement), Emlet C.A., "You’re Awfully Old to Have This Disease : Experiences of Stigma and Ageism in Adults 50 Years and Older Living With HIV/AIDS", The Gerontologist, 2006 ; Emlet C.A, "Experiences of Stigma in Older Adults Living with HIV/AIDS : A Mixed-Methods Analysis", Aids Patient care and, Volume 21, Number 10, 2007
10 : Ibid. Renaut S, 2011

Commentaires

Portrait de tondibi

bravo pour une telle initiative

oui par ces ecris je me rends compte le vih n'est plus une fatalité

oui moi je milite dans une association de lutte contre le vih au burkina faso denommée espoir et vie et je souhaiterais assister a une conference pour pouvoir experimenter les nouveaux exploits .

et en plus je suis un educateur de profession

tous unis pour un meme combat

Portrait de Philippe HAZOTTE

Bonjour,

ce que je ne comprends pas, c'est que plein de gens souffrent de solitude, mais quand on assaye de recontrer quelqu'un pour espérer vivre avec une personne ca ne marche jamais. Les plus âgés veulent être avec des plus jeunes et les plus jeunes aussi. Je pense que beaucoup ne cherchent que des plans Q

D'autre part, au travers de ce que je vois, j'ai l'impression qu'il n'y a que sur la région Parisiennequ'il y a du monde, moi je suis dans les Vosges et à part les parties de jambes en l'air rien n'intéresse personne, je me pose la question suivante : combien de gens on vraiment envie de connaitre une personne pour allez plus loin que le simple plaisir de baiser ?

Je commence à avoir raz le bol de cette vie, à quoi ca sert de vivre comme cela, pour ma part, sans être suicidaire, j'ai hate de quitter ce monde de merde la vie devient pour moi une contrainte plus qu'autre chose.

Moi je ne cherche pas l'impossible, simplement un homme de mon âge avec lequel pouvoir construire une vie mais cela semble relever de l'impossible.

Il existe des agences matrimoniales pour les hétéros, ce serait bien qu'il en existe une pour les gays

Portrait de elleseropo

comment je dois faire pour participer à des conférences ou autres avec le théme du vieillissement et VIH, facteurs cognitifs et VIH etc....quand o n ne fait pas partie de AIDES ????

merci pour une réponse

Nicole / Toulouse

Portrait de ours31

tres interessnt mais article trop long a lire

Portrait de Sophie-seronet

Bonjour,

On passe parfois des événements dans l'agenda quand il y a des temps spécifiques autour du vieillissement. De manière générale c'est une problématique qu'on suit et qu'on essaye de relayer de manière exhaustive.

Peut-être te renseigner aussi au niveau de l'hôpital où tu es suivie, ils organisent parfois des réunions thématiques.

Bonne journée. Sophie

Portrait de tondibi

vous savez vivvre avec le vih est un poids deja qulle strategie avez vous pour ceux de mon rang puissent participer aux rencontres importantes nous concernant

je suis burkinabé et je vis loin et je souhaite etre utile dans la vie

que faire et j'attends impatiemment votre reponse

Portrait de 685-10

bonjour c'est des bons conseils, bénéfiquent pour nous aui avons l'envi de vivre long sur terre

Merci ......