Loi "Asile Immigration" : nouveau round !

Publié par jfl-seronet le 16.04.2018
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Initiativeloi asile immigration

Un peu plus d’un millier de personnes se sont rassemblées dimanche 15 avril sur la traditionnelle place Edouard Herriot dévolue aux manifestations, près de l'Assemblée nationale, à Paris, pour dénoncer le très controversé projet de loi "Asile Immigration", à la veille de son examen en première lecture par les députés-es. Seronet y était.

Dans la rue Aristide Briand, qui jouxte l’Assemblée nationale, près de huit camionnettes de gendarmerie ont trouvé leur place. Des gendarmes avec leurs équipements façon carapace, certains avec boucliers défensifs, sont répartis dans les rues avoisinantes et interdisent l’accès aux abords de l’Assemblée nationale. C’est sur la petite place Edouard Herriot que se tient la deuxième manifestation parisienne d’importance (après celle de février dernier sur la place Saint-Michel, à Paris) contre le projet de loi "Asile Immigration" porté par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. La manifestation du jour a été lancée à l’initiative du Baam (Bureau d'accueil et d'accompagnement des migrants), rejoint par de très nombreux collectifs et associations. Ce n’est pas moins d’une cinquantaine d'organisations (Collectif 75 des sans-papiers, Collectif des sans-papiers d’Achères, Gisti, Cimade, Comède, CGT, Solidaires, le mouvement Génération.s de Benoît Hamon le  Parti communiste, des mouvements écologistes etc.) qui ont répondu à l’appel du Baam. C’est également le cas de plusieurs associations de santé et de défense des droits LGBTQI : AIDES, Sidaction, Act Up-Paris, Acceptess-T, l’Inter-LGBT, Ardhis, etc. venues en force. Les manifestants-es s’étaient donné rendez-vous à proximité du Palais Bourbon pour une manifestation d’abord fixe, puis un parcours qui les a conduits jusqu’au Sénat, où le projet de loi sera également débattu.

"Personne naît illégal"

Place Herriot, en attendant le gros des troupes, le Baam aligne une vingtaine de cartons ornés de briques grises qui figurent un mur… qui, pierre par pierre, mur par mur, sera détruit au démarrage de la marche comme un signe de refus du projet de loi. Les motifs de rejet du projet, on en comprend bien la nature en regardant les slogans sur la multitude de panneaux placés au sol que manifestants-es brandissent aux départ du cortège. "Refugees welcome", "No Borders", "Personne n’est illégal" ou sa variante "Personne naît illégal" ornent certains panneaux. Beaucoup mettent en cause directement Gérard Collomb : du classique "Loi Collomb, c’est non", au plus décalé et signifiant "Loi Colomb’-Loi rapace". Ils font aussi un sort au duo Collomb-Macron. Cette critique de l’exécutif prend la forme d’une équation : "Collomb + Macron = expulsions", d’un pied de nez : "Pour Macron et Collomb : une OQTF" (obligation à quitter le territoire français). Le parti majoritaire est également visé : "Loi Asile Immigration… En marche à reculons !"

Dans les discussions avec les militants-es, sur les panneaux, on sent bien qu’il est question de morale, d’éthique, d’une conception radicalement différente de la solidarité, de la fraternité, entre l’exécitif et les activistes. On rappelle ainsi, avec malice, que le pape, lui-même, a demandé à Emmanuel Macron d’accueillir les personnes migrantes. Il est même proposé un échange standard : "Les Migrants à l’Elysée ; Macron dans la Méditerranée". Parfois l’ironie se fait mordante : "Je suis pas venu en France pour souffrir, ok ?"

"Veni, Vidi, Vichy"

Reste que la colère est forte contre ce nouveau texte sur l’immigration ; un texte qui semble encore plus néfaste que les précédents. Dans la nuit de vendredi à samedi, la porte de l'Assemblée nationale a d’ailleurs été taguée avec l'inscription "accueil de merde", en référence au projet de loi, indique l’AFP. Et avec certains slogans, on comprend bien que la future loi, c’est un peu le mal incarné comme l’indique des slogans comme "Veni, Vidi, Vichy" ou "Collomb = Dark Vador". Evidemment, certains slogans jouent la carte de l’humour, de l’absurde parfois : "Drumbledore n’aurait pas laissé faire ça", "Des papiers, même pour maître Gims" et autre "Les CRA, c’est cra, cra !"

"Le texte va être discuté demain et il nous semblait urgent d'être là aujourd'hui pour appeler les députés LREM à rejeter cette loi. On sait que ce projet de loi a divisé au sein même du mouvement majoritaire [une vingtaine de députés-es a indiqué avoir déposé des amendements voire qu’elle s’abstiendrait au moment du vote), alors on veut encourager ces députés à ne pas le voter", expliquait à l'AFP Héloise Mary, présidente du Baam, lors de la manifestation. Ce n’est pas la première fois que les associations de santé et de défense des personnes LGBTQI participent à des manifestations et s’engagent contre les projets de ce type… mais ce texte mobilise particulièrement ces structures.

L’association Acceptess-T, présidée par Giovanna Rincon, est ainsi venue en force pour prendre place derrière une banderole où l’on pouvait lire : "la France renverra les migrants LGBTI vers la peine de mort, la prison, la torture". De nombreux militants-es de AIDES sont venus, dont des élus franciliens de l’association comme Cédric Daniel ou Alain Bonnineau. Les craintes sont de deux ordres pour ces associations, d’une part que les personnes LGBTI poursuivies dans leur pays ne soient plus protégées en France et ne bénéficient plus d’un droit d’asile dont elles auraient besoin ; d’autre part que les malades étrangers ne puissent plus avoir de titre de séjour pour soins et se voient renvoyés dans des pays où l’accès aux traitements comme à des soins de qualité ne soit pas assuré.

Un texte sous pression

L’examen du projet de loi "Asile Immigration" en première lecture à l’Assemblée nationale démarre lundi 16 avril, dans la soirée, pour une semaine. On s’attend à des débats tendus car le texte est controversé et l’objet de critiques, mais qui ne vont pas toutes dans le même sens. Ce texte met la majorité à l'épreuve puisque certains parlementaires y sont hostiles (fond comme forme). Toutes les oppositions vont monter au créneau. A gauche, on dénonce des mesures "dangereuses". Le député La France Insoumise Eric Coquerel était d’ailleurs présent à la manifestation de dimanche. Les parlementaires socialistes critiquent également le texte. Au centre, on souhaite un meilleur équilibre entre humanisme et fermeté. A droite et à l’extrême droite, on devrait faire dans la surenchère en critiquant des mesures jugées "laxistes". Plus d'un millier d'amendements sont au menu jusqu'au vendredi 20 avril, dont 200 de la part des députés-es LREM, un record qui traduit un vrai tangage sur ce texte.

Le projet de loi "pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif" (son vrai nom) prévoit notamment de réduire à six mois les délais d'instruction de la demande d'asile, pour entamer rapidement le travail d'intégration des personnes réfugiées, et à l'inverse de faciliter la reconduite à la frontière pour les personnes déboutées.  Le texte rogne sur les délais de recours et allonge les délais de rétention. Sa philosophie est clairement de contraindre, restreindre les droits des personnes étrangères, une fois encore et donc d’abonder dans le sens des formations politiques qui ne voient la question de l’immigration que comme un problème. Lorsque les manifestants-es ont entonné le slogan : "On est chez nous !", "On est chez nous !", "On est chez nous !"…. On a pu apprécier l’ironie et la force de ce détournement d’un slogan qui agite habituellement les meetings d’extrême droite.

Le Baam a adressé, début avril, une lettre à tous les députés-es leur enjoignant de s’opposer au projet de loi "Asile Immigration". Le Baam y fait part de ses observations sur le texte en lui-même et sur le contexte dans lequel il s’inscrit. Il appelle "celles et ceux qui auront à voter bientôt ce projet de loi liberticide et dangereux à s’y opposer".