Loi bioéthique : le Sénat fait sa loi, hélas !

Publié par jfl-seronet le 08.02.2020
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Politiquebioétique

Le Sénat vient de voter l’adoption du projet de loi bioéthique, rendant ainsi un avis favorable à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes seules. Une bonne nouvelle ? En apparence seulement car la mouture sénatoriale est largement entachée par les reculades conservatrices des sénateurs-rices.

Le Sénat en a fini récemment avec le projet de loi bioéthique en première lecture. Sur différents points, le texte est ressorti de la chambre haute passablement modifié. Les sénateurs-rices se sont ainsi prononcé contre le remboursement de la PMA aux couples de femmes et femmes seules par la Sécurité sociale. Ils-elles ont refusé de reconnaître pleinement le droit des personnes trans à accéder à la PMA. Par ailleurs, la loi bioéthique est aussi l’opportunité pour le gouvernement d’encadrer l’usage de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé, mais dans le flou le plus total, ce qui inquiète les associations de patients-es.

Dans  un communiqué, AIDES revient sur ces différents points qui fâchent. Du côté de la PMA, l’association considère l’ouverture comme « factice ». C’est même « une belle démonstration d’hypocrisie », estime-t-elle. Alors que l’Assemblée nationale votait l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules en l’accompagnant de la prise en charge par la Sécurité sociale, suivant ainsi les recommandations du conseil d’État, le Sénat a choisi de faire marche arrière en ne votant pas le remboursement. « Un choix délibérément discriminatoire qui revient à empêcher toutes les femmes d’accéder au droit qui leur est accordé ! L’absurdité est justifiée par le maintien d’un critère d’infertilité qui est irrecevable car non applicable et non appliqué ». Avec l’inscription dans le Code civil que « Nul n’a de droit à l’enfant », l’obligation de subir des évaluations supplémentaires sur le plan social et psychologique, l’instauration d’un régime de filiation de seconde classe, entre autres, les sénateurs-rices se sont évertués-es à maintenir des différences de traitement pour limiter l’accès à la PMA et ainsi « hiérarchiser » les femmes, analyse l’association.

Autre point qui pose un sérieux problème : les droits des personnes trans et des personnes intersexes sont toujours niés. Invisibles dans la loi, le texte adopté n’apporte pour les personnes trans aucune garantie quant à leurs possibilités d’accès à la PMA et la filiation. « À nouveau, l’égalité prônée n’en est pas une et nous refuserons l’expression mensongère de « PMA pour toutes » tant que le projet de loi n’inclura pas l’ensemble des personnes en capacité de procréer », avance AIDES. Enfin, les droits fondamentaux des enfants intersexes, malgré les condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme et les recommandations du conseil d’État, sont encore sacrifiés.

Le projet de loi traite aussi de l’intelligence artificielle. AIDES constate que « malgré quelques avancées sur les contours de l’usage de l’intelligence artificielle, le texte voté ne garantit toujours pas la sécurité, la confidentialité, la transparence quant à l’usage de nos données de santé ».

Le projet de loi va revenir en débat à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture. « La réouverture prochaine des débats à l’Assemblée nationale doit être une occasion d’établir une égalité de droits pleine et entière », conclut le communiqué de AIDES.

Les 10 modifications majeures du Sénat

Couples de femmes et femmes seules : le Sénat a donné son aval à cette mesure emblématique, mais il a limité le remboursement par la Sécurité sociale à la procréation médicalement assistée à "caractère médical".
Double don : il s'est prononcé contre « le double don » de gamètes, mesure défendue par le gouvernement pour autoriser le recours à la fois à un don d'ovocyte et à un don de sperme dans le cadre d'une PMA.
Filiation : pour les couples de femmes, le gouvernement souhaite que celle qui n'a pas porté le bébé soit reconnue comme parent à égalité avec sa compagne qui accouche, par le moyen d'une reconnaissance anticipée de l'enfant devant notaire. Le Sénat a lui proposé d'établir la filiation de la mère d'intention, celle qui n'a pas accouché, par voie d'adoption.
Accès aux origines : les sénateurs-rices ont distingué d'un côté l'accès aux « données non identifiantes », accepté de manière irrévocable par les futurs donneurs de gamètes préalablement au don. Et d'un autre côté, l'accès à l'identité qui devrait faire l'objet d'un consentement du donneur au moment où l'enfant majeur né d'un don en fait la demande. Le Sénat a aussi prévu que les anciens donneurs, sous le régime actuel d'anonymat, puissent être recontactés sur leur volonté ou non de communiquer leurs informations personnelles.
Autoconservation des ovocytes : le Sénat a supprimé l'article autorisant l'autoconservation des gamètes (ovocytes et spermatozoïdes) hors raisons médicales (cancers, endométriose...).
GPA : le Sénat a exclu la transcription à l'état civil des actes de naissance établis à l'étranger mentionnant deux pères ou mentionnant comme mère une femme autre que celle ayant accouché. Le gouvernement proposait que la « réalité » d'un acte d'état-civil étranger soit « appréciée au regard de la loi française » et non pas de la loi du pays où a été réalisée la gestation pour autrui.
Recherche sur l’embryon : les sénateurs ont porté à 21 jours le délai autorisé pour la culture d'embryons in vitro, alors que les députés l'avaient augmenté à 7 à 14 jours.
Chimères : le Sénat a rétabli l'interdiction de tout embryon chimérique, alors que le gouvernement souhaitait encadrer l'insertion de cellules souches humaines dans un embryon animal. Il s'est opposé à la modification génétique des embryons à des fins de recherche scientifique et médicale.
Bébé médicament : les sénateurs ont réintroduit la technique du double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA) connue aussi sous le nom de « bébé médicament » ou « bébé du double espoir ».
Corps données à la science : le Sénat a voté un amendement du gouvernement visant à encadrer les conditions de dons du corps à la science.