Loi HPST : c'est pas gagné !

Publié par tofo le 29.04.2009
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manifestationloi HPST
La manifestation du 28 avril contre la loi Hôpital Patients Santé et Territoires a connu le succès. Elle a montré que la fronde des personnels hospitaliers et des grands pontes de l'hôpital se poursuit. Une façon de faire pression sur l'examen du projet gouvernemental au Sénat, le 11 mai. Il semble d'ailleurs qu'on s'achemine vers un "compromis", des modifications importantes du texte et même des reculs. Surprise, des responsables de l'UMP attaque le texte du gouvernement. Un texte qui divise aussi le monde associatif.
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Comme d'habitude, la manifestation du 28 avril à Paris contre la loi HPST a fait l'objet d'une guerre des chiffres. Du côté de la police, on avance 8 000 manifestants. Du côté des participants, on parle plutôt de 20 000 personnels hospitaliers, médecins, infirmier(e)s, aide-soignant(e)s. Une participation inédite. Fait rare, quelques grands pontes de l'hôpital public comme Bernard Debré (professeur de médecine et député UMP de Paris) les professeurs René Frydman, André Grimaldi ou  Marie-Germaine Bousser… ont défilé aux côtés des syndicats et des personnels. Comme le rapporte Libération, Gilles Pialoux, chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital parisien Tenon, un des spécialistes du VIH en France, a participé à cette manifestation avec, accroché dans son dos, un panneau où l'on pouvait lire : "Chef de service de maladies non rentables". Des rassemblements plus modestes se sont déroulés à Marseille, Lyon, Lille ou Caen.

 

Si cette fronde intervient tardivement,  la loi est dans les tuyaux depuis des mois et a déjà été votée en première lecture à l'Assemblée nationale, elle n'en semble pas moins efficace. D'autant, que le mouvement semble plutôt populaire et que le gouvernement est manifestement à la peine pour vendre son projet dans l'opinion. Il est vrai que le texte est complexe et ses champs multiples : de l'interdiction de la vente de l'alcool aux mineurs à la gouvernance de l'hôpital public, de la création des agences régionales de santé à l'éducation thérapeutique, de la sanction des refus de soins aux déserts médicaux, etc. La ministre a beau répéter qu'elle est en lien constant avec la "communauté hospitalière" ou que : "C’est la communauté médicale qui prépare le projet stratégique de l’établissement (…) Le directeur arrête le projet et ne peut mettre en oeuvre qu’un projet élaboré par la communauté médicale. Le pouvoir médical est donc éclairé, renforcé, sanctuarisé", personne ne semble la croire, même dans son propre parti.

 

Ainsi à l'UMP, on entend de très fortes critiques. Interviewé dans Le Monde (25 avril), l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin affirme que "le texte voté par l'Assemblée nationale est trop confus. On mélange la gouvernance de l'hôpital, les questions de démographie médicale et de santé publique. Il faut un texte à part sur la santé publique et recentrer le projet de loi sur ses objectifs". Et d'enfoncer le clou en affirmant :  "En l'état actuel, la gouvernance de l'hôpital ne me paraît pas satisfaisante (…) On ne peut considérer le directeur de l'hôpital comme un PDG, il faut rééquilibrer les responsabilités entre l'administration et la médecine au sein de la gouvernance." Même son de cloche avec Bernard Debré, professeur de médecine, député UMP de Paris, et farouche opposant au texte. Le président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer (UMP) a, lui aussi, apporté ses critiques. "Il va y avoir maintenant une lecture au Sénat. Je sais que le Sénat doit apporter un certain nombre de modifications dans la concertation. En tant que médecin, je le souhaite", a expliqué Bernard Accoyer sur Canal+  "La santé et l'hôpital sont des domaines essentiels pour les Français et il vaut mieux travailler de telle façon qu'il n'y ait pas d'opposition entre ceux qui mettent en œuvre une politique et ceux qui en décident", a précisé le président de l'Assemblée nationale. Bref encore un désaveu sur le fond comme sur la méthode.
Bon, il ne faut pas être naïf. Ces désaveux en cascade sont autant de signes que l'UMP envoie à une corporation (les médecins) qui vote majoritairement pour elle. C'est aussi la traduction politique du rendez-vous présidentiel accordé à quelques grands pontes de l'hôpital public, il y a quelques jours.  Une tentative de faire baisser la pression et le signal qu'on se dirige donc vers un "compromis" et quelques renoncements.

Des renoncements, des reculs, c'est bien ce que craint le Collectif interassociatif sur la santé (CISS). Le Collectif soutient le projet de loi même s'il en conteste quelques dispositions… ou du moins ce qu'il en reste après l'examen à l'Assemblée nationale. Il en va ainsi de la question des sanctions des refus de soins, un enjeu important. Le texte du gouvernement prévoyait que c'était au médecin d'apporter la preuve qu'il n'avait pas refusé des soins et donc discriminé une personne malade.  En lieu et place, les députés ont créé (sur pression du lobby médical) une commission, au fonctionnement inadapté, qui ne permettra pas de résoudre ce problème.

 

Le CISS est aussi critique sur le recul du gouvernement (annoncé par Roselyne Bachelot elle-même) concernant les dépassements d'honoraires. Mais le CISS ne réserve pas ses critiques qu'au gouvernement. Le Collectif se demande ainsi si les "Les compromis avec les médecins se font sur le dos des usagers." C'est certain que les discussions entre politiques d'un côté et médecins de l'autre pour savoir qui aura le vrai pouvoir à l'hôpital n'accordent pas une place démesurée aux premiers concernés : les personnes malades. C'est ce qui agace le CISS. Cette confiscation du débat sur la gouvernance de l'hôpital alors que personne ne semble préoccuper par la question des dépassements d'honoraires dont chacun sait qu'ils sont une entrave, réelle, au "principe constitutionnel de l’égalité d’accès aux soins pour tous."
"Plus la date de l'examen au Sénat du projet de loi Hôpital Patients Santé Territoires se rapproche, plus le landerneau médical se mobilise pour conserver ses pouvoirs (…) Les vrais sujets ne sont pas dans les querelles de pouvoir dont les usagers n’ont rien à faire. Ils entendent plutôt sauver la qualité des soins (…) Les usagers sont aussi préoccupés de sauver l’hôpital public", avance le CISS. Le Collectif demande à ce qu'on ne "dynamite" pas une loi qui a "de nombreuses vertus" (la prise en compte de l'éducation thérapeutique notamment).

 


Du côté d'Act Up-Paris, on voit les choses différemment. D'abord, on estime que la fronde lancée par les médecins hospitaliers contre le projet de loi HPST n'est pas l'expression d’un "corporatisme médical" et que la contestation est aussi le fait de personnes malades. Preuve en est, Act Up est contre le texte. Dans un communiqué du 28 avril, Act Up explique que "les dernières discussions (…) tant sur le refus de soin que sur la question des dépassements d’honoraires, nous ont clairement montrés combien nos intérêts pouvaient souvent diverger de ceux défendus par les syndicats de médecins.". Pour autant, l'association juge dangereux que le texte vise principalement à remplacer le pouvoir médical par une direction forte, à la fois administrative et gestionnaire. "C’est bien l’équilibre des pouvoirs [au sein de l'hôpital] qu’il faut d’abord rechercher. Or, ce n’est pas l’esprit de la loi HPST", avance l'association. Pour Act Up-Paris : "Ce texte ouvre la voie à la privatisation de l’hôpital et au renforcement d’une gestion purement comptable de l’offre de soins (…) Pour nous qui subissons quotidiennement la pénurie budgétaire et à la désorganisation de l’hôpital public, il paraît évident que la prise en charge médicale hospitalière en France doit être réformée. Mais nous pensons qu’elle doit l’être autrement."

Commentaires

Portrait de Zagadoum

Tout français est un patient potentiel , la sécurité sociale et son sort concerne tout le monde. Nous autres patients avec une affection de longue durée sommes directement concernés par cette loi et ce texte. A moins que vous ne souhaitiez être uniquement suivi par votre médecin généraliste et ne pouvoir compter sur un spécialiste qu'une fois par an , que vous ne connaîtrez peut être pas , que vous ayez la capacité de supporter de longues attentes avant de bénéficier d'une prise en charge spécialisée et adaptée si vous avez un problème de santé important , restez chez vous, et laissez la loi passer. Si vous vous sentez concernés , faites passer le mot à vos connaissances , venez avec d'autres patients arpentez les parcours de manifestation en compagnie de nos amis soignants qui se battent aussi pour nous , vous n'êtes pas obligés de répondre à un appel ou a un non appel d'une association , c'est votre suivi qui est en jeu ! Donc à la prochaine manifestation venez nombreux , seul une mobilisation forte de nous autres , toutes pathologies confondues nous apportera la remise en question de ce texte que le Gouvernement Sarkozy souhaite faire passer à vitesse grand V à l'assemblée. A la prochaine manifestation venez , quoi que vous fassiez , cela ôtera l'argument du réflexe corporatiste de la bouche de ceux qui veulent une médecine à deux vitesses !!!!