Loi Santé : le tiers payant, AIDES et MdM défendent leur position

Publié par Adeline Toullier le 12.09.2015
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Droit et socialtiers payant

Le 14 septembre prochain, le projet de loi Santé arrive au Sénat. A l’issue de son examen, le texte devrait y être voté vers le 6 octobre. Comme c’était le cas lors du passage à l’Assemblée nationale, il y a fort à parier qu’un des sujets qui sera le plus débattu sera celui de la généralisation du tiers payant (article 18 de la loi). Le sujet a donné lieu à de vifs échanges entre syndicats de médecins et gouvernement. On a peu entendu les positions des associations. Voici celle de AIDES qui a pris une part très active aux débats à l’Assemblée nationale et entend poursuivre au Sénat.

AIDES est favorable à la généralisation du tiers payant, position qu’elle défend d’ailleurs avec Médecins du monde, parce qu’elle considère que cette mesure à une "plus-value". Il n’en demeure pas moins que cette mesure peut induire quelques risques. Reste que l’association confirme ainsi son "attachement à la logique solidaire" de notre système de santé et à "l’indépendance des médecins". Voici donc la contribution de AIDES à ce débat aux enjeux complexes.

Les six bonnes raisons de soutenir la généralisation du tiers payant

1 - Un avantage certain pour les patients
Le tiers payant permet d’une part, de ne pas avoir à avancer de trésorerie et d’autre part, de ne pas avoir à demander les remboursements à l’Assurance maladie et aux complémentaires santé, le cas échéant. C’est ainsi une réponse aux renoncements et reports de soins pour raisons financières.

2 - Une contribution à l’égalité dans l’accès effectif aux soins
Une étude du Credes (Centre de recherche, d'études et de documentation en économie de la santé, devenu aujourd’hui Irdes) d’avril 2000 montre que le tiers-payant agit plus chez les ménages pauvres que chez les riches. Il y a ainsi moins un effet inflationniste (qui augmenterait tous les coûts de soins chez tous les assurés), qu’un rattrapage par les personnes pauvres du volume de soins que consommaient déjà les ménages non concernés par la contrainte de liquidité. Le tiers payant contribue ainsi à l’égalité.

3 : Le tiers payant : une pratique répandue bien au-delà du cadre légal actuel
Le tiers payant est pratiqué depuis longtemps en pharmacie et pour les bénéficiaires de la CMU-C, de l’AME (aide médicale d'état), les victimes d’accident de travail et de maladie professionnelle et dorénavant pour les bénéficiaires de l’ACS (aide à la complémentaire santé).

Il est également pratiqué par certains médecins hors de ces cas, parce qu’ils sont conscients de faciliter ainsi le recours aux soins de certains patients (non seulement les bénéficiaires de la CMU-C mais aussi les personnes disposant de faibles ressources au-dessus du seuil de la CMU-C : retraités, étudiants…), et parce que cela leur permet de faire honorer les "petits actes" comme les actes plus lourds. Ainsi actuellement, hors de tout cadre légal, des médecins pratiquent systématiquement le tiers payant pour des patients en ALD, invalidité ou pour les enfants (100 % maternité).

A ces pratiques, s’ajoute celle du "tiers payant social"qui est aujourd’hui permis sur la part obligatoire, par le médecin traitant en faveur de patients qui seraient confrontés, par exemple, à des difficultés financières (l’appréciation de ces dernières relevant du seul médecin traitant, l’Assurance maladie ne pouvant vérifier leur réalité). Ainsi, aujourd’hui, certains médecins généralistes appliqueraient d’ores et déjà le tiers payant dans 80 % voire 90 % des cas. Alors que la modification législative de l’article 18  légalise ces différentes pratiques, il est paradoxal que des médecins militent contre…

4 : Un outil qui ne pousse ni à la surconsommation ni à la déresponsabilisation
Certains prétendent que le tiers payant déresponsabiliserait ou pousserait à la consommation des dépenses en santé. Pourtant, les dépenses de santé ne sont pas des dépenses pour le plaisir. En outre le recours au tiers payant depuis des années nous permet de tirer les leçons d’une pratique concrète plutôt que de procéder à des projections hypothétiques : aucune des études menées depuis des années n’a mis en évidence que le tiers payant pousserait à la consommation de soins par des patients considérés comme irresponsables. Cela ne banalise pas l’acte médical et n’altère pas la relation soignant-soigné.

5 : Une simplification pour l’Assurance maladie et les complémentaires santé
Certes, il est, a priori, plus simple de traiter des remboursements avec quelques centaines de milliers de professionnels de santé qu’avec des millions d’assurés. Mais cette simplification allant de pair avec l’automaticité, il est probable que des remboursements jusqu’alors non réclamés, le soient désormais et augmentent les dépenses effectives de l’Assurance maladie et des complémentaires.

En outre, aujourd’hui, plus de cinq millions de bénéficiaires de la CMU-C se voient pratiquer le tiers payant intégral. Depuis le 1er juillet 2015, le million de bénéficiaires de l’ACS (aide à la complémentaire santé) en bénéficie également. La coexistence de plusieurs dispositifs (les uns avec tiers payant intégral et d’autres sans ou pour la seule part obligatoire) ne serait-elle pas de nature à compliquer la pratique des médecins ?

6 : Un moyen d’endiguer le recours aux urgences hospitalières
Il est établi qu’une part des patients recourant aux urgences hospitalières le fait en raison du tiers payant qui y est pratiqué. La généralisation du tiers payant en ville pourrait ainsi inciter les patients à s’orienter vers la médecine de ville et par suite, permettre de désengorger les urgences et de réduire les coûts globaux, une part des patients n’ayant pas besoin de recourir au plateau technique de l’établissement hospitalier.

Les points de vigilance à ne pas perdre de vue

La compatibilité du tiers payant avec le périlleux "parcours de soins" ?
Depuis la mise en place du parcours de soins, les remboursements des soins se sont complexifiés. Ainsi, les patients qui n’auraient pas déclaré leur choix de médecin traitant ou ceux dont le médecin cesse son activité sont susceptibles de payer des pénalités. Ces retenues et pénalités n’apparaissent pas aujourd’hui nettement en raison des décalages temporels entre paiement et remboursement.

Les médecins qui pratiquent aujourd’hui le tiers-payant sont conscients de ces pénalités puisque c’est eux qui subissent les erreurs et approximations des caisses (hors les cas de non déclaration de médecin traitant), qu’ils imputent le plus souvent en pertes pures et simples. Le coût du recouvrement de ces erreurs n’est pas nul : une étude sur les centres de santé l’a chiffré à près de 4,38 euros par acte, soit un coût de gestion des rejets et actes impayés à hauteur de 5 % du chiffre d’affaires de la structure (1). Nous demandons donc au gouvernement de mettre en place un système simple et clair qui garantisse le paiement aux professionnels de santé.

Vers un transfert des charges de l’Assurance maladie obligatoire aux complémentaires santé ?
La mise en place du tiers-payant pourrait viser à habituer le patient à ne plus payer le professionnel de santé directement et à perdre de vue la part de remboursement prise en charge par l’Assurance maladie et celle couverte par les complémentaires. Cette opacité pourrait permettre un désengagement progressif et invisible de la Sécurité sociale au profit des complémentaires.

Cette lecture appelle deux remarques. D’abord, là où il existe déjà un tiers payant généralisé à l’hôpital, ce transfert de charge ne s’est pas opéré : il a même été gelé. Ensuite, la question de la répartition des charges entre public et privé est fondamentale et interroge la dimension solidaire de notre système de santé. Elle se pose globalement et ne saurait être soulevée par le seul biais du tiers payant généralisé. L’Ani (Accord national interprofessionnel) de 2013, généralisant la complémentaire Santé pour tous les salariés, et la loi dite "Le Roux",  permettant aux complémentaires de créer leurs propres réseaux de soins, ont particulièrement ouvert le marché des soins de ville aux assureurs privés et changé la donne. Nous alertons donc sur les risques qui pèsent sur l’accès à la couverture complémentaire pour les personnes les plus démunies et sur la qualité des contrats qui sont proposés par les organismes complémentaires.

Un risque de mise sous tutelle des médecins ?
On peut se demander si ne sont pas en jeu l’indépendance professionnelle et la liberté de prescription du soignant, mises à mal par l’assureur-payeur. Ces principes de déontologie médicale seraient en cause. Aujourd’hui, l’entente directe protège d’une certaine manière le médecin contre une éventuelle ingérence administrative du tiers payeur. Pour limiter ces risques, la généralisation du tiers-payant devrait se faire avec un payeur à guichet unique, l’Assurance maladie, qui règlerait le professionnel de santé directement puis se retournerait vers les complémentaires (on en dénombre 600 aujourd’hui).

Nos organisations, AIDES et Médecins du Monde, soutiennent la disposition du projet de loi relatif à la santé prévoyant la généralisation du tiers payant. Cette généralisation devra être accompagnée d’une simplification des démarches administratives apte à garantir le paiement des professionnels de santé ainsi que la mise en place d’un guichet unique piloté par l’Assurance maladie.

(1) : "La place des centres de santé dans l’offre de soins parisienne", Richard Bouton

Commentaires

Portrait de IMIM

le tiers payant est passé....

Alors certains généralistes facturent  55e la consult. Donc, 55e -25e= 30e a charge pour le patient Plus cher que la consult à 25e...Bravo!!!!!!!!!!

Il serait temps de réguler les dépassements d'honoraires et puisque j'y suis ceux des prothésiste dentaires et audio........

En fait de tt ce qui concerne la santé et ses malades

Cessons de parler d'"égalité sanitaire" qui n'existe que sur le papier......