Loi santé : les ONG revendiquent

Publié par jfl-seronet le 18.03.2019
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Politiqueloi santé 2019

Le 18 mars, l’examen du projet de loi « relative à l’organisation et à la transformation du système de santé » démarre à l’Assemblée nationale. Le gouvernement a demandé la procédure accélérée pour ce texte (1). Le projet de loi porte sur trois axes : réformes de la formation des professionnels-les de santé, structuration de l'offre de soins dans les territoires avec notamment la généralisation des projets territoriaux de santé et la mise en place de nouveaux outils numériques en santé.

À cette occasion, AIDES entend porter un certain nombre de mesures que l’association défend de longue date et qu’elle a proposées à l'ensemble des députés-es afin qu’ils-elles déposent des amendements à ce sujet.

Concernant les personnes migrantes, la demande est celle de leur accès à l'Assurance maladie pour les personnes étrangères en situation irrégulière aujourd'hui cantonnées à l'Aide médicale d'état (AME). Cette revendication est ancienne et assez largement partagée. On le sait, l’accès effectif aux soins des personnes en situation de précarité est entravé par un phénomène persistant de non-recours et des ruptures de droit à la couverture maladie. La complexité des démarches administratives et la coexistence de plusieurs dispositifs (AME, régime général de la sécurité sociale, CMU-C) ont des conséquences négatives sur les plans humains, administratifs, économiques et de santé publique. De plus, les personnes en précarité qui ont des droits potentiels à l’AME rencontrent de multiples obstacles pour l’ouverture et le maintien de ce droit, et leur accès à la prévention et aux soins est difficile, alors mêmes qu’elles cumulent de nombreux facteurs de vulnérabilité. La demande est donc de « rendre plus simple le dispositif d’accès à la couverture maladie et à la part complémentaire pour garantir son effectivité ». De nombreuses institutions recommandent depuis plusieurs années d’inclure l’AME dans le régime général de sécurité sociale, dont l’Inspection générale des Finances ou l’Inspection générale des Affaires sociales ou encore le Défenseur des droits). En juin 2017, c’est l’Académie nationale de médecine qui recommandait cette réforme. « Elle permettrait une grande simplification administrative œuvrant pour un accès facilité de tous aux droits, à la prévention et aux soins. Ce serait une mesure de santé publique majeure améliorant la prévention et la promotion de la santé ainsi que l’accès aux soins des étrangers-ères en situation de précarité, même quand ils/elles sont en situation irrégulière, avec un bénéfice induit sur la santé de l’ensemble de la population », note AIDES. Par ailleurs, elle constituerait également un avantage pour les finances publiques en favorisant un accès aux soins moins tardif et en supprimant le coût de gestion du dispositif spécifique de l’AME. Concernant cette mesure, il est probable que les parlementaires renverront cette disposition à la prochaine loi de finances (à l’automne prochain), mais défendre d’ores et déjà cette mesure peut être utile pour convaincre de nouveaux et nouvelles députés-es du bien-fondé de cette demande.

Autre sujet, les discriminations dans l’accès aux soins. Il s’agit, là, d’un renforcement des dispositions contre les refus de soins. Dans leur argumentaire, les organisations de santé qui demandent ce renforcement, rappellent que les refus de soins, les violations du droit et de la déontologie attachée aux professions de santé, sont un phénomène constaté par nombre d’enquêtes et rapports associatifs ou institutionnels comme le montrent notamment l'enquête de 2016 du Défenseur des droits sur les difficultés d’accès aux soins pour les personnes bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) et de l’aide médicale de l’état (AME). La dernière synthèse de l’observatoire des refus de soins de la Fédération des acteurs de la solidarité le confirme. Ces refus de soins affectent en premier lieu les personnes en situation de précarité et génèrent des conséquences sérieuses pour la santé individuelle (renoncements ou retards de soins, aggravation des pathologies, prise en charge en urgence avec complications, …) et la santé publique. La loi de modernisation de notre système de santé (2016) a remis aux ordres des médecins la responsabilité d’organiser des commissions visant à évaluer et agir contre les refus de soins. Les associations représentant les personnes usagères du système de santé ont été associées à ces commissions. Aujourd’hui, ces dernières, ainsi que les associations de lutte contre les inégalités de santé, constatent que le dispositif n’est pas suffisant pour lutter efficacement contre les refus de soins. L'absence de financement dédié pour effectuer les études, tests et les enquêtes envisagés par la loi et l'impossibilité de statuer sur les situations individuelles limitent fortement les capacités de ces commissions. Le dispositif né de la loi HPST (Hôpital Patient Santé et Territoire) (2) instaurant une procédure de conciliation devant l’organisme d’assurance maladie puis une procédure contentieuse devant le Conseil de l’Ordre n’est pas non plus suffisant d’où cette demande. Récemment, dans une interview accordée à Remaides et Seronet, le défenseur des droits, Jacques Toubon, expliquait : « Le projet de loi Santé qui sera discuté au parlement prochainement [il a été présenté en Conseil des ministres le 13 février dernier, ndlr] devrait réaffirmer l’importance de lutter contre les refus de soins. Pour ce faire, il devrait prévoir des mesures en faveur de la lutte contre les refus de soins. À cette occasion, il pourrait être proposé de réviser le dispositif de signalement spécifique en matière de refus de soins créé par la loi HPST qui s’est malheureusement révélé inefficace en raison de sa complexité. À ce jour, les instances compétentes pour traiter les saisines sont multiples (Caisses primaire d’assurance maladie, Ordres des professionnels de santé et Défenseur des droits). De plus, les personnes méconnaissent cette procédure. Peu de saisines sont ainsi traitées dans ce cadre. »

En matière de démocratie sanitaire, il est proposé l'intégration de l'information sur les associations usagers-ères à l'ensemble des nouveaux outils numériques. L’idée est assez simple à comprendre. Les associations de personnes usagères du système de santé agréées sont des actrices majeures en matière de prévention, d’éducation thérapeutique, d’accompagnement des malades dans leur accès à la santé et aux droits et dans leur maintien dans le soin. De plus, elles œuvrent et permettent, à travers les instances de démocratie sanitaire, de rapprocher les personnes usagères du système de santé. La logique voudrait donc qu’elles soient mentionnées explicitement et ainsi faciliter leur sollicitation par les usagers-ères de la santé, à travers l’espace numérique de santé.

Concernant les prix des médicaments, des propositions ont été faites pour que soient créées des dispositions pour la transparence sur les prix des médicaments négociés par l'État et les hôpitaux.

AIDES et d’autres associations partenaires souhaitent aussi que le texte soit l’occasion de renforcer les principes de réduction des risques et des dommages pour les personnes consommatrices de drogues, notamment par injection. Ces principes sont d’ailleurs rappelés et soutenus dans le tout récent Plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022, conduit par la Mildeca (3). Le plan mentionne cette question comme sa « priorité 7 » dont l’objectif est d’ « améliorer l’offre en matière de réduction des risques et des dommages ». Le plan vise notamment à « adapter le cadre de référence pour les acteurs de la réduction des risques » ou encore à « poursuivre l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque ».

Pour les propositions des associations dans le nouveau projet de loi santé, il s’agit d’une part de la sécurisation des lieux de réduction des risques (par exemple, les salles de consommation à moindre risque), en prohibant les opérations de contrôle policier à proximité ; contrôles qui peuvent constituer un frein dans l’accès à ces services et donc aux soins. Autre point, le refus de la complexification des règles financières et comptables des établissements médico-sociaux comme les Caarud (centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues).

Certains amendements sont portés conjointement par AIDES, Médecins du Monde, France Assos Santé, Fédération des acteurs de la solidarité, le Planning familial, etc.

(1) : La procédure accélérée est, en droit constitutionnel en France, le fait qu'un projet de loi ne fasse l'objet que d'une lecture par chambre du Parlement avant d'être adoptée : une à l’Assemblée nationale et une au Sénat. Cela réduit donc la navette parlementaire à une unique transmission du texte.
(2) : La loi HPST (hôpital, patients, santé, territoires), dite loi Bachelot, a défini une nouvelle organisation sanitaire et médico-sociale (modernisation des établissements publics de santé, création des Agences régionales de santé, politique régionale de santé, systèmes d’information, etc.). Elle a été promulguée le 21 juillet 2009.
(3) : Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.