Lopinavir, un intérêt dans le cancer du col de l’utérus ?

Publié par Renaud Persiaux le 01.06.2011
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lopinavirKaletraHPV
Des études in vitro suggèrent que cette molécule antirétrovirale largement utilisée contre le VIH pourrait prochainement s’inviter dans le traitement des complications liées au virus du papillome humain, plus connu sous le sigle HPV. Le mode d’action vient d’être décrypté.
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A forte dose, le lopinavir, l’antiprotéase contenue dans Kaletra, semble capable de déclencher la mort des cellules précancéreuses infectées par le HPV, tout en laissant indemnes les cellules normales. Si cette découverte date déjà de 2006, l’équipe de chercheurs dirigée par Ian Hampson, de l’Université de Manchester (Grande-Bretagne), vient tout juste d’en décrypter le mécanisme. Leurs travaux in vitro, publiés dans la revue "Antiviral therapy", suggèrent que le lopinavir est capable, par une cascade biochimique complexe, de réactiver un mécanisme de défense cellulaire anti-viral, normalement bloqué par le HPV (papillome humain).
Ces travaux ont été effectués avec des cellules du col de l’utérus, mais l’expérience n’a pas été encore réalisée avec des cellules rectales (anus), alors que le HPV peut également provoquer des cancers anaux, une des causes importantes de cancers chez les gays séropositifs.


10 à 15 fois la dose normale
Inutile à ce stade de se précipiter chez son médecin pour demander une prescription : selon les chercheurs, les doses efficaces sont 10 à 15 fois plus élevées que celles obtenues par l’ingestion des comprimés de Kaletra. Cela rendra nécessaire, avant tout essai clinique, le développement d’une formule à application locale. Un gel, par exemple. Interrogé par Seronet, Abbott confirmait réfléchir à cette possibilité, "sans avoir encore planifié quelque chose de précis".

Plus fréquent quand on vit avec le VIH
A l’échelle mondiale, le HPV provoque, chaque année, plus de 500 000 nouveaux diagnostics de cancer du col, et plus de 270 000 décès. La survenue de lésions précancéreuses liées aux HPV est plus fréquente et plus précoce chez les personnes vivant avec le VIH. Si avoir eu un faible nombre de CD4 est un facteur de risque, ces lésions apparaissent même lorsqu’on est sous traitement. Mais en cas de prise en charge précoce, les chances de succès thérapeutique sont bonnes. C’est pourquoi le groupe d’experts sur la prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH ("Rapport Yeni 2010") recommande, pour dépister le cancer du col, de réaliser un frottis vaginal annuel chez les femmes séropositives. Par ailleurs, il recommande de proposer systématiquement un examen proctologique aux hommes ayant des rapports anaux. Cet examen doit être réalisé annuellement chez les hommes ayant déjà eu des condylomes, ainsi que chez les femmes ayant des lésions du col de l’utérus. Le cancer anal est la 3e localisation de cancer chez les hommes vivant avec le VIH, et la 6e chez les femmes.
Source : G Batman, AW Oliver, I Zehbe, et al. Lopinavir up-regulates expression of the antiviral protein ribonuclease L in human papillomavirus-positive cervical carcinoma cells. "Antiviral Therapy" (abstract). May 3, 2011 (Epub ahead of print).