Louisiane et VIH : les autorités entretiennent l’épidémie

Publié par jfl-seronet le 17.12.2013
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Politiqueréduction des risquesaccès et droit à la santé

Les lois et les pratiques policières de l'Etat de Louisiane (Etats-Unis) qui interdisent aux personnes consommatrices de drogues "l'accès à des seringues stériles et pénalisent le travail dans l'industrie du sexe contribuent à la propagation incontrôlée de l'épidémie de VIH et au taux très élevé de mortalité due au sida", dénonce Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié le 10 décembre. Passage en revue des critiques.

"Le taux de décès liés au sida en Louisiane représente plus du double de la moyenne enregistrée aux Etats-Unis. La police de La Nouvelle-Orléans perturbe régulièrement les activités des travailleuses du sexe en confisquant leurs préservatifs, ce qui expose ces personnes et leurs clients au risque de contracter le VIH", voilà quelques uns des constats de ce rapport de 57 pages dont le titre est évocateur : "Exposés au danger : Le traitement par la Louisiane des travailleuses du sexe, des toxicomanes et des personnes atteintes du VIH à La Nouvelle-Orléans".

Des violations au droit à la santé

Ce rapport documente les "violations du droit à la santé et d'autres abus commis par le gouvernement à l'encontre des groupes à haut risque à La Nouvelle-Orléans", indique le HRW. Le rapport appelle à l’amendement de certaines lois de la ville et de l'Etat. Il recommande aussi "la modification de diverses pratiques qui stigmatisent et instaurent une discrimination à l'égard des travailleuses du sexe et des utilisateurs de drogues, facilitent les abus policiers à leur encontre et perturbent l'accès aux services de santé de personnes qui sont particulièrement exposées au risque de contracter le VIH".

"L'épidémie de sida à La Nouvelle-Orléans est l'une des pires aux Etats-Unis, et pourtant la municipalité refuse systématiquement d’adopter des stratégies de réponse qui ont fait leurs preuves ailleurs", a expliqué Megan McLemore, une chercheuse sur les questions de santé à Human Rights Watch et auteur du rapport, lors d’une conférence. "Les consommateurs de drogues ne peuvent pas se procurer de seringues propres, et la police confisque les préservatifs des travailleuses du sexe et de personnes soupçonnées de se livrer au commerce du sexe, telles que les femmes transgenres", explique le HRW.

De nombreuses personnes sans traitements

Le VIH se propage plus rapidement dans le sud des Etats-Unis que dans n'importe quelle autre région du pays, et le nombre de personnes qui meurent du sida y est également le plus élevé, notent les experts. Les deux plus grandes villes de Louisiane, Bâton Rouge et La Nouvelle-Orléans, ont respectivement le deuxième et le troisième taux de nouvelles infections par le VIH des Etats-Unis. "A La Nouvelle-Orléans, 40 % des personnes infectées par le VIH ne reçoivent aucun traitement. La Louisiane compte environ 45 000 consommateurs de drogues par injection, dont un quart vivent à La Nouvelle-Orléans. Et pourtant, la ville offre très peu de services, tels que les échanges de seringues, qui ont fait leurs preuves dans les efforts de réduction de l'incidence des infections par le VIH et des cas d'hépatite parmi cette population. Le seul point public d'échange de seringues ne reçoit aucun financement du gouvernement et n'est ouvert que deux heures par semaine. Etant donné que la loi pénale de l'État interdit la possession de seringues pour un usage non médical, ce point d'échange fonctionne dans un cadre juridique flou", détaillent les auteurs du rapport.

De larges auditions

Ce rapport est fondé sur des entretiens réalisés en 2013 avec 170 habitants de La Nouvelle-Orléans qui reconnaissent fournir des services sexuels en échange d'argent, de drogue ou de denrées de base. Un tiers des personnes interrogées étaient des femmes transgenres et les trois quarts étaient des Afro-américains. Les chercheurs ont également interrogé des policiers, des avocats commis d'office, des responsables municipaux et de l'Etat de Louisiane, des prestataires de services publics de santé et des spécialistes du plaidoyer en faveur des personnes séropositives. "La Nouvelle-Orléans et l'Etat de Louisiane devraient se porter à la pointe du combat contre le VIH/sida en finançant des programmes qui ont démontré leur efficacité dans la prévention de la maladie", a déclaré Deon Haywood, directrice de l’ONG Women with a vision.