Lutte contre le VIH : une riposte centrée sur la science et les individus

Publié par jfl-seronet le 26.08.2015
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ConférencesAids impact 2015

Les dernières découvertes de la science comportementale et psychosociale liées à la prévention du VIH, au traitement et aux soins. Voici ce qui a été présenté, fin juillet à Amsterdam, lors de la conférence Aids Impact 2015. Une occasion de lancer des appels pour "une meilleure intégration de la recherche scientifique comportementale et psychosociale dans la riposte au sida", mais aussi de réfléchir au niveau macro de la lutte contre le sida et de mettre l'accent sur les communautés spécifiques les plus touchées par l'épidémie.

Traditionnellement la conférence annuelle AIDS Impact fait la part belle aux sciences humaines et à leurs applications concernant la compréhension de la dynamique d’évolution de l'épidémie. Cette année, la conférence qui s’est déroulée à Amsterdam a mis en avant la nécessité d'une approche de la riposte au sida centrée sur la science et les individus. Il s’agissait surtout de voir ce que produisent les interventions biomédicales (par exemple : la prophylaxie pré-exposition) et l'augmentation des possibilités de dépistage du VIH (l’arrivée des autotests, par exemple) sur la prévention du VIH, notamment de voir si cela créait des avancées. Pour les experts, la clé du succès de la nouvelle prévention du sida réside pour une grande part dans la compréhension des "conséquences comportementales et psychosociales" desdits programmes, et dans l’examen des avantages de l'intégration de tel ou tel programme dans différents contextes mondiaux. Dit plus simplement, on a besoin d’outils de description, de compréhension et d’évaluation des programmes de prévention, notamment biomédicale pour savoir auprès de qui tel ou tel outil sera le plus adapté aux besoins individuels d’une personne ou collectifs d’un groupe d’appartenance.

A Amsterdam, il a beaucoup été question des groupes clés de la population les plus exposés, avec un accent particulier sur la communauté gay et les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes. Les participants de Aids impact ont entendu que la stigmatisation et la discrimination continuent d'être un obstacle majeur à la lutte contre le VIH. Ce ne sont pas des idées en l’air, mais le résultat de travaux scientifiques de sciences humaines qui le disent. De la même façon, différents travaux ont réaffirmé qu’Internet et d'autres nouvelles technologies sont désormais indispensables dans la riposte au sida, offrant des possibilités de programmes novateurs de prévention du VIH.

C’est, sans conteste, le directeur exécutif adjoint de l’Onusida, Luiz Loures qui a le mieux résumé la situation : "Si nous n'accélérons pas la riposte au sida dans les cinq prochaines années, nous ne mettrons pas fin à l'épidémie de sida d'ici 2030. Il ne suffit pas de se reposer uniquement sur la science biomédicale. Nous avons besoin de la science comportementale pour une approche centrée afin de garantir que personne ne soit laissé pour compte".

Mettre fin à l’épidémie de sida : les villes s’engagent

A l’Onusida, on appelle cela "l’approche d’accélération". De façon moins jargonneuse, il s’agit de l’engagement des villes à mettre fin à l’épidémie de sida fait le 1er décembre 2014 avec la fameuse Déclaration de Paris. C’est l’objectif du 90-90-90 que les villes signataires (Paris, Sao Paulo, Amsterdam, San Francisco, etc.) s’engagent à soutenir et/ou à mettre en place. 90-90-90, c’est 90 % des personnes séropositives qui connaissent leur statut sérologique ; 90 % des personnes qui connaissent leur séropositivité reçoivent des traitements antirétroviraux ; 90 % des personnes sous traitements antirétroviraux ont une charge virale indétectable.

90-90-90 : des essais scientifiques montrent que c’est faisable

Le 22 juillet dernier, l’Onusida est revenu sur cet objectif 90-90-90. En effet, en marge de la conférence de Vancouver, des travaux scientifiques ont été publiés. Ils examinaient les stratégies pour atteindre cet objectif. Ces premiers résultats concernent plusieurs essais cliniques menés en Afrique subsaharienne et permettent d’ores et déjà d’indiquer (même provisoirement) que les modèles de prestation de services innovants permettent d'obtenir des résultats dans la cascade du traitement du VIH qui approchent ou dépassent  90-90-90. Autrement dit, dans le cadre de ces essais, les programmes (souvent innovants) entrepris permettent d’approcher ou de dépasser : 90 % des personnes séropositives qui connaissent leur statut  sérologique ; 90 % des personnes qui connaissent leur séropositivité reçoivent des traitements antirétroviraux ; 90 % des personnes sous traitements  antirétroviraux ont une charge virale indétectable.

Ces études sont en cours de réalisation dans plusieurs pays d'Afrique subsaharienne très touchés par le virus, à savoir Botswana, Kenya, Malawi, Afrique du Sud, Swaziland, Ouganda et Zambie, explique un communiqué de l’Onusida. "Ces résultats d'essais cliniques exceptionnels montrent une nouvelle fois à quel point l'innovation fait progresser la riposte au sida", a expliqué Michel Sidibé. Ce qui satisfait le directeur exécutif, c’est que ces premiers résultats démontrent que l'objectif 90-90-90 est bien plus qu'un rêve. Il est parfaitement réalisable". Prenons un exemple, celui de l’essai Search. Cet essai a été mené auprès de plus de 30 communautés rurales du Kenya et de l'Ouganda. Impliquant plus de 334 000 participants, il évalue un programme à plusieurs composantes, notamment l'usage de campagnes de dépistage de plusieurs maladies centrées sur les communautés, visant à proposer le dépistage du VIH et à mettre en relation les personnes testées séropositives au VIH avec le lancement immédiat d'un traitement antirétroviral. Au niveau d'une population, le programme Search a permis d'atteindre un taux de connaissance de l'état sérologique vis-à-vis du VIH de 90 %. Parmi les participants vivant avec le VIH, plus de 90 % des Ougandais et 83 % des Kenyans bénéficient actuellement d'un traitement antirétroviral. Au bout de 24 semaines, 92 % des participants à l'essai qui avaient entamé un traitement antirétroviral présentaient une suppression de la charge virale, comme l’a expliqué Diane Havlir, de l'Université de Californie à San Francisco, présentant les résultats provisoires de cet essai.

Autre exemple, celui de l'essai PopArt mené par Richard Hayes de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. PopArt est conduit auprès de 21 communautés. Il évalue un ensemble combiné de prévention du VIH incluant des campagnes répétées de dépistage du VIH à l'échelle communautaire et un lancement immédiat du traitement antirétroviral pour toutes les personnes diagnostiquées séropositives au VIH. Parmi plus de 115 000 membres des communautés visés dans l'essai, 90 % de tous les hommes vivant avec le VIH et 92 % de toutes les femmes vivant avec le VIH étaient au courant de leur état sérologique à la suite du programme PopArt. Chez les personnes diagnostiquées séropositives au VIH, 62 % des hommes et 65 % des femmes ont été mis sous traitement antirétroviral, soulignant la nécessité de renforcer davantage la mise en relation avec les soins pour les personnes vivant avec le VIH. Les données sur les taux de suppression de la charge virale chez les participants au programme PopArt seront disponibles seulement en 2016.

D’autres résultats, présentés à Vancouver, vont dans le même sens. Comme le précise l’Onusida, les chercheurs ont mis l'accent sur l'importance et la valeur de l'engagement et de la collaboration des communautés locales dans le développement d'approches programmatiques qui correspondent aux besoins et aux conditions locaux. La plupart des études ont aussi adopté des approches pluridisciplinaires en matière de développement, de suivi et d'évaluation des programmes, impliquant des experts en sciences sociales, des économistes et des représentants des communautés, de même que des médecins et des biostatisticiens.