Malades étrangers : bonnes et mauvaise nouvelles

Publié par Alain Bonnineau le 06.04.2017
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Droit et socialmalades étrangers

Dans cette période où les lendemains sont incertains, les propos de campagne parfois inquiétants, les espoirs de progrès minces,  il est bon de faire un point sur ce qui s'est passé et ce qui se passe aujourd'hui en direction des personnes migrantes. Selon le résultat de l’élection présidentielle en mai 2017, les choses vont bouger. On ne peut aujourd’hui préjuger de rien ! Voici quelques actualités au regard des personnes malades étrangères et du droit au séjour pour soins.

Se mobiliser et plaider pour l’accès à la santé et aux droits des personnes migrantes

La mobilisation de AIDES et des autres associations de lutte contre le sida a joué un rôle considérable dans la création d’une protection des malades étrangers-es en France à la fin des années 1990. AIDES s’est depuis engagée à défendre ce droit, régulièrement remis en cause — comme en 2011, avec une action militante devant le Sénat — par l’accompagnement dans l’accès aux droits et aux soins, par le plaidoyer que mené grâce à l’Observatoire Etrangers Malades (EMA) créé par AIDES et au moyen d’actions publiques. C’est le sens de la participation de l’association à l’ODSE (Observatoire du droit à la santé des étrangers-es).

La lutte pour le droit au séjour est, en effet, importante pour la lutte contre le sida : parmi les demandes de cartes de séjour pour soins en 2014, 14,4 % concernaient des personnes vivant avec le VIH, soit 6 290 personnes et 8,7 % des personnes vivant avec une ou des hépatites virales, soit 3 800 personnes. Avec le vote de la loi du 7 mars 2016, entrée en application au début de l’année 2017, de nouvelles mesures quant à l’examen et l’accès au séjour pour soins sont entrées en vigueur, certaines ayant répondu aux demandes que nous formulons depuis des années, d’autres non…

Les bonnes nouvelles d’abord

Il y a le rétablissement dans l'évaluation médicale de la notion de bénéfice effectif du traitement approprié dans le pays d'origine, par opposition à la notion "d'absence de traitement approprié" introduite par la loi Besson de 2011, par le gouvernement dirigé par François Fillon. Le retour à cette notion, permis grâce à la mobilisation de l’ODSE Observatoire du droit à la santé des étrangers-es) et de AIDES, implique que les traitements soient non seulement disponibles, mais aussi accessibles, efficaces et adaptés.

Il y a aussi la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail aux deux parentsd'un-e enfant gravement malade (et non plus un seul, comme auparavant).
La possibilité d'obtenir une carte pluriannuelle au terme d'une première année de séjour régulier. Pour les personnes malades étrangères, la durée de cette carte pluriannuelle sera "égale à celle des soins" (mais de quatre ans maximum).

ll y a le rétablissement del'accès de plein droit à la carte de résident-e, qui est d’une durée de dix ans. Dès lors que les conditions d'accès à cette dernière sont remplies (cinq années de séjour régulier, des ressources stables, régulières et suffisantes, ainsi qu'une assurance maladie), une carte de résident-e devrait être automatiquement délivrée par la préfecture. La condition de "ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins" n'est pas applicable aux personnes titulaires de l'allocation aux adultes handicapés-es (AAH) ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité.

La mauvaise nouvelle

Désormais, l’évaluation médicale des demandes de cartes de séjour pour soins est effectuée par un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), rattaché au ministère de l'Intérieur. Jusqu'au 31 décembre 2016, les médecins des Agences régionales de santé (ARS), sous la tutelle du ministère de la Santé, étaient chargés de cette évaluation. La crainte de l’ODSE est, qu’avec ce transfert,,les préoccupations de contrôle migratoire prennent le pas sur celles de santé publique. Ces craintes se confirment en ce début d’année, avec la publication des textes d’application de la loi. Les décrets, arrêtés et circulaires relatifs à cette nouvelle procédure utilisent à outrance la rhétorique de la lutte contre les fraudes, et le gouvernement tente de sensibiliser les médecins à la gestion des frontières. Certains territoires d’actions de AIDES ont d’ailleurs déjà interpellé par courrier Ofii et préfectures suite à des dysfonctionnements.

AIDES continue de revendiquer l'indépendance de l'équipe médicale par rapport au ministère de l'Intérieur, et la mobilisation des militants-es est fondamentale pour faire primer la santé publique et la protection des malades sur les contrôles migratoires.

A cette fin, une nouvelle version de l’observatoire EMA de AIDES va bientôt être disponible : elle sera adaptée à la réforme et permettra de mesurer ses effets et de dénoncer d’éventuelles atteintes à l’indépendance des médecins. De son côté, l’ODSE est en train de préparerune brochure expliquant la nouvelle procédure de demande de séjour pour soins. A suivre.

Remerciements à Caroline Izambert et Nicolas Klausser