Médecine et convictions religieuses : un débat au Canada

Publié par Rédacteur-seronet le 13.02.2019
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Quelle place peuvent avoir les convictions religieuses personnelles des médecins dans leur pratique ? Cette question de fond a récemment été posée au Canada dans une affaire qui est montée jusqu’à la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Plusieurs associations de santé : le Réseau juridique canadien VIH/sida, l’Association professionnelle canadienne pour la santé transgenre (APCST) et la HIV & aids legal clinic Ontario (Halco) ont tenu à rappeler (18 janvier dernier) à cette occasion que les « convictions religieuses ne doivent pas interférer avec le droit des patients à des soins de santé accessibles ». Les trois structures sont d’ailleurs intervenues lors des audiences devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario (21 et 22 janvier).

Le jugement n’a pas encore été prononcé, mais il est très attendu concernant une affaire phare visant à déterminer si les convictions religieuses personnelles des médecins peuvent l’emporter sur le droit aux soins de santé des patients. « Certains médecins soutiennent que la charte canadienne des droits et libertés leur donne le droit légal de refuser à leurs patients un accès significatif à des services de santé légaux, et souvent médicalement nécessaires, au motif que la prestation de ces services enfreindrait leurs convictions religieuses personnelles, rappelle un communiqué du Réseau juridique, de l’APCST et de l’Halco.

Dans un jugement de 2018, la Cour supérieure de justice de l’Ontario (Cour divisionnaire) a rejeté ces arguments. À l’heure actuelle, lorsqu’un médecin s’oppose à un service médical en raison de ses convictions religieuses, l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario l’oblige à fournir un « aiguillage efficace » vers un-e autre praticien-ne disposé à offrir ce service. « Cette obligation représente ce que l’on devrait exiger au plus strict minimum de la part des médecins », estiment les trois organisations non gouvernementales.

« Permettre aux médecins de prioriser leurs convictions religieuses au détriment de l’obligation de fournir ou d’assurer à leurs patients un accès non discriminatoire et en toute dignité à des soins de santé est inacceptable et contradictoire au principe fondamental de l’autonomie du patient », rappellent-elles. Cette « autorisation juridique de discrimination compromettrait l’accès aux soins pour des populations vulnérables qui rencontrent déjà de la stigmatisation et de la discrimination dans le milieu des soins ». Et le communiqué des trois ONG de citer : les femmes, les personnes LGBTQ, les personnes vivant avec le VIH, celles qui consomment des drogues et les personnes handicapées ; personnes qui seraient « parmi les plus durement touchées par tout refus ou délai dans l’obtention des soins ».

« Dans certaines régions du Canada, y compris les régions nordiques et éloignées et les villes plus petites où les médecins et autres professionnels de la santé se font parfois rares, l’« aiguillage efficace » vers un médecin raisonnablement accessible au patient pourrait s’avérer très difficile, voire impossible – ce qui multiplierait les obstacles aux soins », indique le communiqué. Pour les trois ONG : « Les convictions religieuses ne devraient pas l’emporter sur l’accès significatif à des soins médicaux vitaux ».