Médicaments : la HAS a ses principes

Publié par jfl-seronet le 11.11.2018
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ThérapeutiqueMédicamentSMRASMR

La commission de la transparence (CT) de la Haute autorité de santé (HAS), est chargée de rendre aux pouvoirs publics un avis scientifique sur le remboursement des médicaments. Cette commission rend annuellement entre 500 à 800 avis, dont environ 200 concernent des nouveaux médicaments ou de nouvelles indications de médicaments existants. La CT analyse les données médicales disponibles selon les principes explicités dans sa doctrine. Face aux nouveaux enjeux — beaucoup plus de produits innovants, des données cliniques parfois incomplètes, ne levant pas toutes les incertitudes, des stratégies thérapeutiques rapidement évolutives — la commission a souhaité actualiser sa doctrine et l’expliciter au plus grand nombre.

Comment cela se passe-t-il ?

Après avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM), les médicaments sont évalués par les experts-es de la commission de la transparence (CT), commission spécialisée de la HAS, en vue de leur remboursement par l’Assurance maladie et leur prise en charge à l’hôpital. Pour chaque médicament, la commission rend un avis qui inclut deux éléments : d’une part le service médical rendu (SMR) qui répond à la question : « Ce médicament a-t-il suffisamment d’intérêt clinique pour être pris en charge par la solidarité nationale ? » et d’autre part l’amélioration du service médical rendu (ASMR) qui répond à la question : « Quel est le progrès apporté par ce médicament par rapport aux thérapies existantes ? ». Le SMR permet de décider du remboursement du médicament et de son taux de remboursement et l’ASMR contribue à la fixation de son prix.

Quels critères sont pris en compte ?

Les critères qui servent à apprécier le SMR et l’ASMR des médicaments ainsi que les principaux fondements du raisonnement scientifique et méthodologique de la commission sont décrits dans la doctrine de l’agence. En s’expliquant, la CT entend « apporter un éclairage sur la manière dont elle raisonne et ce sur quoi elle s’appuie pour rendre ses avis ». Ce n’est pas du luxe car ces derniers temps, notamment dans le domaine du VIH, certaines de ses décisions ont été incomprises et contestées y compris par la Société française de lutte contre le sida (SFLS).

Par ailleurs, note la CT, cette « démarche s’inscrit dans la continuité de plusieurs travaux menés ces dernières années en France dont le rapport sur la réforme des modalités d’évaluation des médicaments (1), ainsi que les conclusions du CSIS (2) qui ont souligné la nécessité de rendre l’évaluation des médicaments plus lisible, plus reproductible et plus prévisible.

Quel est le raisonnement de la CT concernant l’ASMR ?

Si les critères d’évaluation du SMR (service médical rendu, qui permet de répondre à cette question : « Ce médicament a-t-il suffisamment d’intérêt clinique pour être pris en charge par la solidarité nationale ? ») sont définis par voie réglementaire, ce n’est pas le cas pour l’ASMR (amélioration du service médical, qui permet de répondre à cette question : « Quel est le progrès apporté par ce médicament par rapport aux thérapies existantes ? »

Pour apprécier l’ASMR, plusieurs éléments sont ainsi pris en compte, explique la HAS : le ou les médicaments de comparaison (« les comparateurs ») considérés comme cliniquement pertinents et disponibles ; la qualité de la démonstration du progrès apporté par le médicament : quelle méthode de démonstration a été utilisée ? Permet-elle d’avoir confiance dans les résultats ? ; la quantité d’effet supplémentaire par rapport au comparateur en termes d’efficacité, de qualité de vie ou de tolérance : le médicament est-il plus efficace ? En quoi et dans quelle proportion améliore-t-il la qualité de vie des patients ? A-t-il moins d’effets indésirables ? ; la pertinence clinique de l’effet supplémentaire : le gain supplémentaire d’efficacité, de qualité de vie ou de tolérance démontré dans les essais cliniques est-il pertinent du point de vue des patients ou des professionnels de santé ? ; le besoin médical : y a-t-il un manque de thérapies pour traiter la maladie concernée ? D’autres traitements sont-ils déjà disponibles ? Viennent-ils combler efficacement le manque de thérapies ?

La commission de la transparence souligne « que ses exigences et ses appréciations peuvent s’adapter au contexte (besoin médical non couvert notamment). La quantité d’effet est appréciée différemment selon la présence ou l’absence d’alternative thérapeutique, la qualité de la démonstration et l’importance du besoin médical. Ses exigences en matière de démonstration sont élevées mais s’adaptent au contexte clinique et tout écart à ses exigences peut se concevoir, à condition d’être justifié ».

Dans cette nouvelle version de sa doctrine, la CT précise ses attentes pour chacun des niveaux d’ASMR (de I à V) et les critères permettant de reconnaitre l’innovation, explique le communiqué du 15 octobre. « Le SMR est évalué, indication par indication, et repose sur cinq critères définis par décret : l’efficacité et les effets indésirables, la gravité de la maladie, le caractère préventif, curatif ou symptomatique du médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique eu égard aux alternatives, ainsi que son intérêt de santé publique (ISP). »

Dans son actualisation, la CT explicite comment elle apprécie l’intérêt de santé publique. Elle rappelle « qu’il dépend de la gravité de la maladie, de l’importance du besoin médical, du gain en morbi-mortalité ou en qualité de vie apporté par le médicament, de l’impact sur le parcours de soins ou de vie. Il est modulé par la taille de la population qui sera susceptible de recevoir le médicament ».

Par ailleurs, constatant l’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments avec des études cliniques préliminaires, la commission a souhaité « préciser comment elle gère l’incertitude qui pèse sur des médicaments ayant un potentiel non encore totalement démontré, mais qui répondent à un besoin médical non couvert ». L’objectif de la CT est alors de « recommander un remboursement encadré en s’assurant que des données probantes en vie réelle seront générées à court terme afin de combler l’incertitude ». La CT entend ainsi « poursuivre son rôle en faveur d’un accès rapide des innovations en devenir aux patients-es, sans pour autant négliger les enjeux de sécurité et d'efficacité.

Autre information, la commission de la transparence « réaffirme sa volonté d’intégration de la perspective des patients-es et des usagers-ères à ses évaluations ». Elle rappelle que « les associations de patients-es et d’usagers-ères sont invitées à contribuer à chacune des évaluations de nouveaux médicaments, nouvelles indications et aux réévaluations ».

(1) : Rapport sur la réforme des modalités d’évaluation des médicaments de Dominique Polton, novembre 2015.
(2) : 8e Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), 10 juillet 2018.