Melbourne 2014, c’est parti !

Publié par jfl-seronet le 20.07.2014
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Conférencesaids 2014

Dimanche 20 juillet, à Melbourne, en Australie, s’ouvre la 20e conférence internationale sur le sida (Aids 2014). Comme à chaque édition, le plus important événement de lutte contre le VIH/sida sera l'occasion de réfléchir aux enjeux de cette lutte, aux avancées obtenues et à toutes celles qu’il reste à obtenir, aux obstacles à franchir, aux stratégies à conduire pour espérer une fin de l’épidémie dans quelques décennies. Il y a fort à parier que cet espoir sera de nouveau porté à Melbourne. En attendant l’ouverture de la conférence, c’est la tradition, l’Onusida a rendu public (16 juillet) son rapport sur la situation mondiale en matière de VIH/sida ; on y trouve des signes d’espoir et la preuve que d’énormes progrès doivent encore être fournis… pour envisager sérieusement une fin de l’épidémie.

L’Onusida au rapport !

Il fait un peu plus de 420 pages… Il n’est, à ce jour, disponible qu’en anglais (mais une version française suivra) et fait le point sur la situation mondiale en 2013 concernant le VIH/sida. Ce nouveau rapport Indique que les décès liés au sida dans le monde ont chuté de plus de 30 % en 10 ans, tout comme le nombre de nouvelles infections par le VIH, laissant espérer que l'épidémie puisse être vaincue d'ici à 2030. Le nombre de décès dus au sida dans le monde a nettement reculé en 2013, avec 1,5 million de morts (- 11,8 % en un an), soit la plus forte chute depuis le pic de l'épidémie en 2005, indique l’Onusida. Cela s’explique par une meilleure mise à disposition des médicaments anti-VIH qui bénéficient à un plus grand nombre de personnes. C’est vrai, mais cela ne doit pas faire oublier qu’on reste encore loin des besoins réels : 22 millions de personnes n’ont pas accès aux traitements. Si l’accès aux traitements joue un rôle déterminant, il ne faut pas pour autant minorer celui de la prévention. L’Onusida estime que les campagnes en Afrique subsaharienne pour promouvoir la circoncision masculine ont aussi un impact.

Les souvenirs de Michel Sidibé… et ses espoirs

"Il est facile d'oublier où nous en étions il y a 30 ans — des hôpitaux débordés par le sida, très peu de financement et encore moins pour la compréhension du VIH", soulignait à l'AFP (17 juillet) Michel Sidibé, directeur exécutif de l'Onusida. "L'épidémie du sida a dévasté les familles, les communautés et a eu un impact majeur sur les pays où l'épidémie s'est implantée. Mais ces quinze dernières années, il y a eu de remarquables progrès, et nous sommes passés du désespoir à l'espoir", a-t-il souligné. L’espoir, Michel Sidibé veut y croire à l’horizon 2030. Lors de la conférence de presse de présentation du rapport 2014 de l’Onusida, il a expliqué : "Mettre fin à l'épidémie de sida est possible". Et cela bien que le nombre de personnes vivant avec le virus ait encore légèrement progressé l'an dernier, passant à 35 millions, contre 34,6 millions en 2012, un chiffre qui comprend à la fois les nouvelles infections, mais aussi du fait que de plus en plus de personnes vieillissent avec le VIH. "Si nous accélérons l'ensemble de la mise à niveau en matière de VIH d'ici à 2020, nous serons sur la bonne voie pour mettre fin à l'épidémie d'ici à 2030. Sinon cela peut prendre une décennie voire davantage", a-t-il relevé. Avec la fin de l'épidémie d'ici à 2030, le monde éviterait 18 millions de nouvelles infections et 11,2 millions de décès liés au sida entre 2013 et 2030.

Le nombre de morts en baisse…

En 2013, le nombre de personnes décédées des suites du sida a déjà nettement reculé (1,5 million de morts, - 11,8 % en un an), la plus forte chute depuis le pic de l'épidémie en 2005. Et le nombre de nouvelles infections est passé de 2,2 millions en 2012 à 2,1 millions en 2013. Le rapport de l’Onusida publie les chiffres par région. L’Afrique subsaharienne a, hélas, compté 1,1 million de décès des suites du sida en 2013, ce chiffre est de 250 000 pour l’Asie et la zone pacifique, de 47 000 pour l’Amérique Latine, de 27 000 pour l’Europe de l’ouest, l’Europe centrale et les Etats-Unis. Entre 2005 et 2013, le nombre de décès dans cette zone régionale a baissé de 2 %. En Europe de l’est et en Asie centrale, on dénombre 53 000 décès des suites du sida ; entre 2005 et 2013, le nombre de décès a cru de 5 % dans cette région où on a dénombré 110 000 nouvelles infections en 2013. La zone Caraïbes a dénombré 11 000 décès en 2013, 59 % de ces cas concernent Haïti. Quant au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord, l’Onusida dénombre 15 000 décès et une augmentation entre 2005 et 2013 de 66 % des décès dans cette région.

Généraliser le dépistage

Parmi les mauvais chiffres du rapport (il y en a encore beaucoup hélas), on trouve celui du nombre de personnes ignorant leur séropositivité. "Sur les 35 millions de personnes vivant avec le VIH, 19 millions ignorent qu'ils sont séropositifs (...) car ils sont marginalisés, criminalisés, discriminés", a déploré Michel Sibidé lors de sa conférence de presse à Genève. Le rapport cite expressément les travailleurs et travailleuses du sexe, les personnes en détention et les personnes consommatrices de drogues par injection. L'ONUSIDA souhaite que 90 % des personnes ne connaissant pas leur statut soient testées dans les cinq ans à venir. Michel Sibidé a loué les progrès réalisés en ce sens ces dernières années en Afrique du Sud, qui reste toutefois le pays le plus touché par l'épidémie. Mais un chiffre vient tempérer l’enthousiasme sur les progrès en matière de dépistage, on le trouve dans le rapport lui-même : En 2013, 54 % des femmes enceintes dans les pays à revenu faible ou intermédiaire n’ont pas eu accès à un test de dépistage du VIH, alors que c’est la clef pour accéder à la prévention, aux traitements et au suivi.

Les nouvelles infections

Pour l’Onusida, et il en sera sans doute question lors des débats à la conférence de Melbourne, quinze pays sont jugés prioritaires en matière de lutte contre le sida. Il s’agit de pays où la prévalence est forte, où, selon les cas, les politiques conduites en matière de prévention, d’accès aux traitements et aux soins, ont des lacunes voire s’avèrent mauvaises. A mots choisis, l’Onusida qui n’entend braquer personne se permet, via son rapport, d’insister sur la nécessité de "mettre l'accent" sur 15 pays (Afrique du Sud, Brésil, Cameroun, Chine, Etats-Unis, Russie, Inde, Indonésie, Kenya, Mozambique, Nigeria, Tanzanie, Ouganda, Zambie et Zimbabwe) représentant plus de 75 % des 2,1 millions de nouveaux cas survenus en 2013. En 2013, les nouvelles contaminations ont été, en très grande majorité, enregistrées en Afrique subsaharienne, région la plus touchée par le VIH, avec 1,5 million de nouvelles infections. Un chiffre en baisse de 33 % par rapport à 2005. Au total, dans cette région, 24,7 millions de personnes étaient séropositives en 2013, dont 2,9 millions d'enfants.

En Asie, comme en Afrique, les nouvelles infections ont reculé ces dernières années (- 6 % entre 2005 et 2013). Pendant la même période, elles ont baissé de 3 % en Amérique Latine, et ont, en revanche, augmenté de 8 % en Europe occidentale et centrale et en Amérique du Nord, et de 5 % en Europe de l'est et en Asie centrale.

Les discriminations, une cible de la conférence de Melbourne

Cette année, la conférence internationale entend aussi monter au front sur la question des discriminations. Parmi les sujets qui seront traités : l’impact des lois homophobes sur la prévention du VIH. On devrait donc y voir et y entendre de la colère contre les lois qui stigmatisent l'homosexualité en Afrique ou punissent les usagers de drogues injectables dans l'ex-Union soviétique, une répression étendue à la Crimée annexée par la Russie ou encore des lois homophobes dans ce même pays. Pour le professeur Chris Beyrer de l'université Johns Hopkins (Etats-Unis), un des pontes de la lutte contre le VIH, la preuve est faite aujourd’hui que "lorsque les séropositifs deviennent des proscrits, la maladie se répand". "En dépit de tous nos progrès scientifiques, en 2014, la nouvelle dans beaucoup, beaucoup de pays, c'est une vague de nouvelles lois et politiques répressives... et de déni de mesures scientifiquement prouvées" a-t-il déploré lors d'un point presse à Melbourne en amont de la conférence. "Nous sommes tous préoccupés par l'homophobie, les mesures répressives, et le manque de volonté politique quant à l'accès aux soins et aux traitements", a ajouté, à la même occasion, la Prix Nobel Françoise Barré-Sinoussi. "Nous devons faire pression autant que nous le pouvons sur les décideurs de ces pays... Nous devons faire en sorte qu'ils respectent les droits humains", dit-elle. C’est cet engagement que comporte la Déclaration de Melbourne.

La Déclaration de Melbourne

A quelques jours de l’ouverture de la Conférence, la Déclaration de Melbourne a circulé (on peut la consulter et la signer en ligne). Le Groupe sida Genève indique d’ailleurs sur Fil rouge (17 juillet) l’avoir déjà signée. Cette "Déclaration de Melbourne" défend avec vigueur les principes d'inclusion et de tolérance. Elle appelle à abolir les pratiques discriminatoires et de criminalisation envers les personnes vivant avec le VIH ou particulièrement vulnérables à l'épidémie. "En signant la Déclaration, le Groupe sida Genève se joint aux nombreuses personnes et institutions de par le monde qui réclament notamment la mise en œuvre urgente des mesures suivantes : Que les gouvernements révoquent toutes lois répressives et toutes politiques qui renforcent la discrimination et la stigmatisation et accroissent la vulnérabilité au VIH ; Que les décideurs cessent d'utiliser les rencontres et conférences internationales comme plateformes de promotion de lois et politiques discriminatoires qui nuisent à la santé et aux bien-être des populations ; Que soient exclues des programmes de soutien financier pour le VIH/sida toutes les organisations qui prônent l'intolérance et la discrimination envers des individus ou des communautés, y compris le sexisme, l'homophobie et la transphobie ; Que tous les personnels de santé démontrent la mise en place de politiques de non-discrimination avant de pouvoir bénéficier de financements pour leurs programmes VIH/sida ; Que toutes les restrictions aux financements, telles que les critères anti-prostitution ou qui excluent l'achat de seringues soient abolies".

La conférence de Melbourne endeuillée
Avant même son démarrage la Conférence Aids 2014 de Melbourne est endeuillée. Plusieurs chercheurs, responsables d’organismes officielles ou d’organisations non gouvernementales dans le domaine du VIH/sida font partie des victimes du crash du vol MH17 Malaysia Airlines en Ukraine (17 juillet). Le 18 juillet, l’AFP indiquait que Glen Thomas, un porte-parole de l'OMS (Organisation mondiale de la Santé), qui devait participer à cette conférence faisait partie des victimes. De même pour Joep Lange, un éminent spécialiste de la lutte contre le sida. Ce spécialiste de la transmission de la mère à l’enfant avait créé la Fondation PharmAccess, qui facilite l'accès à la trithérapie. "C'est une grande perte pour le monde de la lutte contre le sida, une grande perte pour les Pays-Bas et une grande perte pour moi", a indiqué Jaap Goudsmit, un autre spécialiste du sida, collègue de longue date et ami proche de la victime. Né en 1954, Joep Lange avait travaillé dès 1983 au centre médical universitaire d'Amsterdam et est par la suite devenu l'une des références mondiales en matière de lutte contre le virus. Il avait présidé la Société internationale sur le sida (IAS), qui organise la conférence de Melbourne, entre 2002 et 2004. Selon, l’AFP, sur les 283 passagers victimes du crash, une centaine d’entre eux, chercheurs, praticiens et activistes, étaient en route pour la conférence de Melbourne. La conférence ne sera pas annulée, a expliqué sa présidente Francoise Barré-Sinoussi. "Nous avons décidé de continuer, nous pensons à eux et nous savons que c'est ce qu'ils aimeraient que nous fassions".

Commentaires

Portrait de cyril13

...(la mienne) pour la "Déclaration de Melbourne"...

Et vous ?..

Bonne journée (pleine d'espoir !) à Tout le Monde ... Wink