Meng Lin : un combattant IN-DE-PEN-DANT !!

Publié par Mathieu Brancourt le 17.05.2011
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Meng Lin est un combattant. Gay et séropositif, il est le directeur de l’ONG "Ark of Love". Il est également coordinateur de l’Alliance de Chine des personnes séropositives et atteintes du sida (CAP+), créée en 2006. "Ark of Love" fut la première ONG indépendante à apporter soutien aux personnes atteintes par le virus, dans un pays où, au-delà de la difficulté de dire sa séropositivité, la liberté de parole est très contrôlée.
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En Chine, lutter contre le sida est compliqué. La structuration des organisations non gouvernementales l'est aussi. Il en existe en effet trois sortes. Celles affiliées à l'Etat même, puis celles reconnues par ce dernier (appelées "Gongo") et enfin les véritablement indépendantes, seule vraie représentation de la société civile chinoise. Toutes ces ONG dépendent en grande partie des financements du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Dans chaque pays, il existe une instance de coordination nationale (en anglais "CCM") du Fonds mondial. Cette dernière est composée de représentants des secteurs public et privé, des organisations non gouvernementales, des instituts universitaires, des entreprises privées et des personnes vivant avec les maladies. Elle a pour fonction de répartir les financements dans les différentes organisations. Grâce à CAP+, Meng Lin a pu intégrer le CCM chinois et porter ainsi la voix des personnes séropositives. Mais il milite pour des financements du Fonds mondial mieux répartis et une véritable politique de lutte contre le VIH dans son pays. En effet, grâce à sa structure particulière et la création massive d'ONG directement liées à l’Etat, le gouvernement chinois draine la grande majorité des sommes versées au sein des organisations qu’il contrôle. Au détriment bien évidemment des "véritables" ONG. Les (faibles) montants restants sont même taxés par l’Etat. De passage à Paris, Meng Lin s’est rendu dans les locaux de l’association AIDES, après avoir rencontré Christian Andreo, directeur des actions nationales, lors de la conférence Chine et sida de Pékin. Seronet a pu l’interviewer.

Comment vous battez-vous contre l’épidémie dans votre pays ?
J’ai appris ma séropositivité en 1995. En créant "Ark of Love" en 2004, je fus le premier à porter la parole des personnes séropositives dans mon pays. L’alliance CAP+ est, à ce jour, le seul réseau de personnes séropositives existant en Chine. Quand nous avons voulu la créer, je savais que nous allions devoir faire face à des difficultés et des résistances. Nous avons donc établi une stratégie d’action pour éviter au maximum les pressions. L’alliance me donne ainsi la possibilité de porter la voix des personnes vivant avec le VIH dans une instance qui reçoit les financements du Fonds mondial.

Qu’en est-il de l’accès au traitement des personnes séropositives ?
Il y a eu du changement. 2004 fut une année décisive. Avant cette date, il était quasi-impossible d’obtenir un traitement. En outre, nous avions accès qu’à seulement dix combinaisons de médicaments. Aujourd’hui, les choses sont plus simples. Mais la question des opérations chirurgicales reste problématique. Lorsque j’ai du subir une intervention, j’ai eu énormément de difficultés à trouver un chirurgien acceptant de m’opérer. Les discriminations dans l’accès aux soins sont encore fréquentes. Les personnes ne peuvent pas supporter le coût des nouveaux traitements des maladies opportunistes. Comme elles ne peuvent avancer l’argent, on leur refuse leur traitement. Il reste donc de gros soucis quant à l’accès aux soins pour les personnes séropositives. Le ministère de la Santé affiche pourtant une réelle intention, en proposant un plan d’ici à la fin de l’année 2015, visant à réduire le nombre de contamination de 25%.

Pourquoi avez-vous souhaité rencontrer l'association AIDES ?
Nous avons été présentés par l’intermédiaire de l’ambassade de France en Chine. Les officiels de l’ambassade ont vu à quel point je travaillais dur au sein de la CCM pour porter la parole des personnes vivant avec le VIH (L’ambassade possède en fait une section dédiée aux revendications de la société civile, ndlr). Ils soutiennent mon action et m’aident à financer par exemple mes voyages à l’étranger, quand je souhaite rencontrer des partenaires associatifs et financiers. Ils savaient que je pourrais avoir besoin d’eux en termes de support technique et de partage d’expériences avec la société civile française. C’est ce qui m’a motivé à rendre visite à l’association.

Propos recueillis par Mathieu Brancourt

La Chine en chiffres : D’après une estimation de l’ONUSIDA, il y a entre 560 000 et 920 000 personnes séropositives dont 97 000 à 112 000 atteintes du sida. Mais le pays compte seulement 71 144 personnes sous antirétroviraux, d’après le Fonds mondial. Cette différence montre bien la difficulté persistante dans l’accès aux médicaments. La prévalence (nombre de personnes atteintes d'une certaine maladie à un moment donné dans une population donnée) du VIH est de 0.1% et on estime à 39 000 le nombre de décès des suites du sida, depuis le début de l’épidémie, un nombre sans doute sous-évalué. Enfin, le dernier montant versé par le Fonds mondial s’élève à 947 006 389 millions de dollar, réparti en quatorze subventions.