Mobilisation syndicale : le STRASS défend le droit à la retraite pour les travailleurs du sexe

Publié par Mathieu Brancourt le 24.09.2013
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Droit et socialtravail du sexeretraites

Parmi la mobilisation contre la nouvelle réforme des retraites qui a manifesté le 10 septembre partout en France, le syndicat du travail sexuel (STRASS) compte, lui aussi, porter ses revendications sur le sujet. Au-delà des menaces toujours en suspend de la pénalisation du client, les travailleuses et travailleurs du sexe sont tout aussi concernés sur cet acquis social menacé. Voire même plus.

Aux abords de la place de République, à Paris, des parapluies rouges s’agitent au-dessus d’un groupe d’une dizaine de personnes. Les militant-e-s du STRASS ont tenu à être solidaires du grand rassemblement unitaire, mardi 10 septembre, contre la réforme du régime des retraites présentée par le gouvernement socialiste. Ils et elles souhaitent également alerter sur la réalité de l’accès à ce droit pour les personnes travailleuses du sexe. Et leur tract donne le ton.

"Putain de retraites"

Malgré les lois pénalisant leur activité professionnelle, les travailleuses et travailleurs du sexe payent des impôts et des cotisations sociales. "Il a fallu attendre 2004 pour que les putes soient affiliées à la caisse de retraites des indépendants", explique Thierry Schaffauser, porte parole du syndicat. Problème : il est quasi-impossible pour la personne de faire reconnaître ses annuités antérieures auprès de cette caisse. "Le coût est prohibitif pour des travailleurs du sexe qui voudraient les faire valoir, car nous sommes déjà en situation de précarité", ajoute le porte-parole. Dans cette situation, difficile d’obtenir la reconnaissance de ses quarante ans de cotisations, sésame vers une pension dite complète. Nombreuses sont les personnes à ne bénéficier que du minimum vieillesse ou à continuer à fournir des prestations sexuelles bien au-delà de l’âge légal d’activité — et supposé — de départ. "En plus, beaucoup d’entre-nous ne savent même pas que nous disposons d’un droit à la retraite". Toutes ces situations poussent le STRASS à réclamer une hausse de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (anciennement le minimum vieillesse), ainsi que le financement de projets de maison de retraites pour les ex-travailleurs et travailleuses du sexe, imaginés par l’association Avec Nos Aînées (ANA). "Ces initiatives permettraient d’accueillir les prostituées les plus âgées et leur offrir un endroit où elles ne sont pas discriminées pour leurs anciennes activités", ajoute Thierry Schaffauser.

Une rentrée chargée

Sur ces enjeux spécifiques, il reste difficile de mobiliser les syndicats traditionnels, confie le porte-parole. "Nous avons des discussions avec certains, mais dans la très grande majorité les syndicalistes nous ignorent et ne considèrent pas le STRASS comme l’un des leurs", déplore-t-il. Un soutien pourtant salutaire, alors que les orientations politiques sur les grands enjeux de vie des travailleurs du sexe vont être rendues à l’automne. Le rapport Godefroy-Jouanno au Sénat, le travail effectué à l’Assemblée Nationale et au ministère des Droits des femmes devraient aboutir à la présentation, par la députée PS Maud Olivier, d’une nouvelle législation aux orientations, sans doute, répressives sur la question de la prostitution. Alors que la pénalisation du client reste probable, le volet accompagnement social pourrait être mis sur la touche pour cause de rigueur budgétaire : "Nous ne sommes pas étonnés que le PS reste sur sa position quant à la pénalisation du client, malgré les auditions auxquelles nous avons pris part. Nos arguments sont déformés. Et si le volet accompagnement disparaît, c’est l’un des rares points positifs qui passe aux oubliettes". Car ce dernier, s’il était conservé, permettrait de faciliter la régularisation des victimes des réseaux de traite humaine. Même si, du côté du STRASS, on voudrait que cela s’applique à l’ensemble des prostitué-e-s. Concernant l’abrogation du racolage passif, il faudra attendre une niche parlementaire pour redéposer une proposition, c'est-à-dire jusqu’au début 2014. "C’est un calendrier risqué de faire apparaître la pénalisation du client avant une éventuelle dépénalisation du racolage passif, ce qui ne va pas pour nous rassurer quant à la défense de nos droits", déplore Thierry Schaffauser. Des maires, comme Christian Estrosi (Nice), ont d’ores et déjà annoncé que si le délit disparaissait, ils publieraient des arrêtés municipaux pour poursuivre la pression policière. Ce qui inquiète le STRASS, observant un certain retrait de la part du gouvernement. "Najat Vallaud-Belkacem [ministre des Droits des femmes, ndlr] communique moins sur le sujet, laissant la main au groupe socialiste à l’Assemblée Nationale. Et comme depuis trois ans, nous allons rester mobilisés sur ces futures échéances, au cœur de nos revendications", conclut l’activiste.