Monkeypox : on fait le point

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ThérapeutiqueMonkeypox

Ce n’est pas encore la pandémie (personne ne le souhaite), mais le Monkeypox semble passer de « flambée » à un début sérieux d’épidémie car les cas augmentent rapidement. Heureusement, il existe déjà un vaccin efficace dont bénéficient les personnes cas contacts et des traitements sont disponibles. L’enjeu actuel est d’appliquer des règles de base de prévention, de réaliser rapidement un dépistage en cas de symptômes, a fortiori lorsqu’on fait partie du groupe, aujourd’hui majoritairement exposé et concerné : les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes).

Combien de cas ?

La situation évolue rapidement, mais au moment de la rédaction de cet article (2 juin), plus de 557 personnes avaient été diagnostiquées dans le monde, dont 33 en France. Sur ce total en France, 24 cas ont été rapportés en Île-de-France, deux en Auvergne-Rhône-Alpes, un dans les Hauts-de-France, un en Centre-Val de Loire, quatre en Occitanie et un en Normandie, selon les chiffres de Santé publique France (SPF) arrêtés au 1er juin. Tous les cas français ne concernent pas que des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), mais ils sont majoritaires ; neuf personnes revenaient de l’événement gay festif à Gran Canaria. Pas de cas confirmé en Outre-mer à cette date. En France, aucun cas n’a nécessité une hospitalisation. Aucun décès n’a été signalé dans le monde, mais les experts-es de l’OMS ont rappelé (1er juin) que cette maladie tue chaque année des personnes sur le continent africain ; ce qu’a d’ailleurs confirmé le Dr Steve Ahuka Mundeke, chef du département de virologie à l'Institut national de recherche biomédicale (République démocratique du Congo) lors d’un point presse organisé par L’ANRS | MIE sur cette maladie (2 juin). L’ANRS | MIE met à disposition une page web de veille scientifique pour suivre l’actualité de la recherche et les connaissances scientifiques sur les cas de Monkeypox apparus récemment. Cette page recense également le nombre de cas, pays par pays.

De son côté, dans un communiqué publié le 31 mai, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) Europe annonce que l’Europe est l'épicentre de l'épidémie la plus importante et étendue en dehors des zones endémiques habituelles. Sur 321 cas dans l’Union européenne : l’Espagne en recensait 120, le Portugal 96, Les Pays-Bas 26 et le Royaume–Uni 190 cas, selon les chiffres (arrêtés au 1er juin) présentés par Alexandra Mailles, épidémiologiste à la direction des maladies infectieuses de Santé publique France, au point presse de l’ANRS ǀ MIE. À ce jour, en Europe, ces cas sont survenus principalement, mais pas uniquement, chez des HSH, sans lien direct avec des personnes de retour de zone endémique. Selon l’organisation, cette épidémie est certainement en cours depuis la mi-avril. « Nous ne savons pas encore si nous pourrons contenir complètement sa propagation (…). Notre objectif est de contenir cette épidémie en arrêtant la transmission interhumaine dans toute la mesure du possible » prévient l’OMS Europe.

Comment a démarré l’épidémie ?

Pas d’informations précises quant à un-e patient-e zéro ; plutôt une hypothèse : celle d’une « transmission non détectée » durant une assez longue période qui aurait causé la flambée actuelle. Des cas de Monkeypox ont été repérés dans une trentaine de pays, en-dehors des zones endémiques (certains pays du continent africain). Cela suggère que la transmission du virus est passée sous les radars pendant un certain temps, a expliqué (1er juin) l'Organisation mondiale de la santé (OMS) lors d'une conférence de presse. « L’apparition soudaine de la variole du singe dans différents pays au même moment suggère que la transmission n'a pas été détectée pendant un certain temps », a indiqué le directeur de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus. De fait, la maladie a débarqué rapidement en Europe, mais aussi aux États-Unis et au Canada, en Australie ou encore dans certains pays du Moyen-Orient. Dans son message du 1er juin, l’OMS a exhorté « les pays touchés à élargir leur surveillance, et à dépister les cas dans leurs communautés au sens large », rappelant que n'importe qui pouvait être infecté-e par le virus en cas de contact rapproché avec une personne infectée. N’importe qui, mais surtout les HSH, a cependant précisé le directeur de l'OMS. L’agence s’attend à une augmentation du nombre de cas et sans doute du nombre de pays concernés. Reste que pour le moment, elle n’entend pas parler d’une nouvelle pandémie. « Il s'agit d'une flambée de cas, et les flambées de cas peuvent être stoppées », a avancé la responsable technique de l'OMS pour le Monkeypox, Rosamund Lewis, qui a néanmoins fait part du fait que la diffusion actuelle de la maladie était « une source d'inquiétude ». Des experts-es ont souligné que si ce virus pouvait être contracté pendant une activité sexuelle, ce n’est pas pour autant une infection sexuellement transmissible (IST). Cette transmission pourrait être due aux contacts intimes et rapprochés lors de rapports sexuels et non pas par le rapport sexuel en soi. Le linge de maison souillé (drap, serviette de toilette…), les vêtements peuvent être des vecteurs du virus.

La vaccination peut-elle arrêter l’épidémie ?

Le Monkeypox présente des similitudes avec le virus de la variole humaine, éradiqué depuis les années 1980, date à laquelle les campagnes de vaccination contre cette maladie ont cessé. La baisse de l'immunité dans la population qui s'en est suivie (les vaccinations sont trop anciennes pour protéger encore contre le Monkeypox) pourrait expliquer la recrudescence de cas constatée actuellement, selon l'OMS. Alors la vaccination est-elle le principal moyen de contrer l’épidémie ? La vaccination antivariole fonctionne efficacement, a rappelé Brigitte Autran, professeure d'immunologie à la faculté de médecine de Sorbonne Université, lors du point presse de l’ANRS ǀ MIE. Elle peut être utilisée contre le Monkeypox. Il existe des vaccins de première et deuxième générations qui sont très puissants et agissent avec une seule dose, mais comme ils s’appuient sur un virus vivant réplicatif, ils ne peuvent pas être utilisés chez les personnes immunodéprimées ou celles ayant d’importants problèmes dermatologiques. Un vaccin de troisième génération a été mis au point en Allemagne dans les années 60. Il s’appuie sur une autre technologie. Il est, lui aussi, efficace, mais nécessite deux injections à un mois d’intervalle. Sa sécurité est établie et il peut être utilisé chez les personnes immunodéprimées. « La gravité du Monkeypox ne nécessite pas, au stade actuel, de campagne générale de vaccination », explique Brigitte Autran. D’ailleurs, elle n’est pas envisagée par les pouvoirs publics français, pas plus qu’elle n’est à l’ordre du jour du côté de l’OMS. Une stratégie semble privilégiée : la vaccination post-exposition. « La période d’incubation est longue, une à trois semaines, avec une moyenne de 14 jours. Ce mode de vaccination peut fonctionner. Pour cela, il faut identifier rapidement les cas contacts, et leur proposer la vaccination dans les quatre à cinq jours qui suivent l’infection. Cela permettrait de stopper la diffusion du virus », explique la professeure. La vaccination des premiers cas contacts a démarré en France, fin mai, à Paris (Hôpital Bichat, AP-HP) et Bordeaux. Depuis, elle s’étend dans d’autres centres hospitaliers : eux seuls peuvent vacciner actuellement. Ce sont les Agences régionales de santé (ARS) qui enquêtent sur les cas contacts et qui les orientent vers l’accès à cette vaccination. À ce jour, il n’y a qu’un ESR (établissement de santé de référence) par région où la vaccination peut se faire. Pour les personnes qui habitent loin d’un ESR, les vaccins pourront être acheminés au « lieu de vie » (à domicile) par l’ARS au besoin. Pour les personnes nées avant 1977 (a priori vaccinées contre la variole humaine), la vaccination sera proposée quand même, même si une protection partielle acquise est possible. Elle ne semble pas suffisante pour protéger efficacement. Cette vaccination est évidemment très encadrée. La Haute autorité de santé (HAS) a été saisie afin de préciser la stratégie vaccinale à mettre en œuvre pour réduire la transmission interhumaine de ce virus. Dans son avis n° 2022.0034/SESPEV du 20 mai 2022, la HAS a recommandé la mise en œuvre d’une stratégie vaccinale réactive en post-exposition avec les vaccins antivarioliques de troisième génération Imvanex ou Jynneos de la firme Bavarian Nordic. De son côté, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a également émis le 24 mai 2022, un avis relatif à la conduite à tenir autour d’un cas suspect, probable ou confirmé d’infection à Monkeypox virus.

Que faire en cas de symptômes ?

En cas de symptômes (fièvre, frissons, maux de tête, douleurs musculaires, fatigue ou manque d’énergie, ganglions lymphatiques enflés, éruption cutanée sur les mains et le visage, voire les parties génitales, etc.), il faut effectuer un prélèvement PCR ou sur lésions, permettant de confirmer le diagnostic. Théoriquement, ces tests sont accessibles de partout, mais beaucoup de laboratoires d’analyses médicales de ville ne s’engagent pas dans ce test. Le réflexe premier est donc d’appeler le 15, où chaque centre régional dispose d’un-e infectiologue référent-e qui peut orienter. Autre option, se rendre, si vous le connaissez, à l’établissement de santé de référence (ESR) régional le plus proche de chez vous. C’est un hôpital ; en Île-de-France, c’est l’hôpital Bichat - Claude-Bernard, AP-HP). Le délai pour avoir le résultat du test varie entre 24 et 48 heures.

Quels risques pour les PVVIH ?

Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) vient de prendre le 24 mai une première position concernant les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) au regard de l’infection par le Monkeypox. Cet avis indique que les personnes immunodéprimées, dont font partie les PVVIH sont considérées comme à risque de forme plus grave de Monkeypox (avec les enfants et les femmes enceintes), même si des données plus solides manquent encore pour l’instant. Santé publique France précise que c’est notamment le cas des PVVIH qui ne sont pas sous traitement antirétroviral. De son côté, l’association britannique contre le VIH/sida (BHIVA) a mis à jour ses recommandations. En se fondant sur les cas reportés au Nigéria (pays où aurait été infectée la première personne diagnostiquée au Royaume-Uni en mai dernier), la BHIVA estime qu’il n’y a pas de sur risque pour les PVVIH traitées efficacement, mais reste très vigilante concernant les PVVIH avec des CD4 inférieurs à 200 CD4/mm3, une charge virale supérieures à 200 copies/ml et/ou une maladie récente liée au stade sida de l’infection à VIH. Interrogé par Seronet lors du point presse de l’ANRS ǀ MIE, le docteur Xavier Lescure, infectiologue au service de maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Bichat Claude-Bernard AP-HP, confirme qu’il y a un consensus sur les critères indiqués par la BHIVA et que les points de vigilance sont les mêmes — c’était d’ailleurs ceux appliqués pour la Covid-19.

Que peut-on faire en matière de prévention ?

Le Monkeypox peut être transmis par contact direct avec les lésions cutanées ou les muqueuses d’une personne malade, ainsi que par les gouttelettes (salive, éternuements, postillons…). On peut également se contaminer au contact de l’environnement du malade (literie, vêtements, vaisselle, linge de bain…). Il est donc important que les personnes malades respectent un isolement pendant toute la durée de la maladie (jusqu’à disparition des dernières croutes, le plus souvent dans un délai de trois semaines). Important aussi pour les HSH de consulter rapidement en cas d’éruptions sur la peau, de ganglions ou de fièvre. Compte tenu des modes de transmission du Monkeypox, on peut mettre en place une stratégie de prévention qui allie les gestes de prévention par rapport à la Covid-19 et ceux de la réduction des risques sexuels. Cela peut sembler beaucoup, mais dans la vraie vie c’est à chacun d’adapter sa stratégie selon ses besoins, ses possibilités, ses contraintes…

Faire avec les communautés exposées

Alors que le Royaume-Uni est le pays le plus touché par le Monkeypox en Europe avec 190 personnes diagnostiquées (en date du 2 juin), en majorité des HSH, une polémique a éclaté le 30 mai. La « LGB Alliance », association britannique de gays et lesbiennes conservateurs-rices, a réclamé la fermeture des saunas et backrooms gays. Parmi les nombreuses personnes qui ont réagi à cet appel, citons un thread Twitter très intéressant de Mateo Prochazka, épidémiologiste spécialisé en maladies infectieuses et militant gay britannique. L’expert en santé publique explique que des études ont montré que pendant la fermeture des établissements sexuels gays due aux confinements, les réseaux sexuels entre hommes se sont reportés sur des soirées privées. Pour Mateo Prochazka, fermer les lieux commerciaux de rencontres sexuelles ne ferait que faire augmenter les contacts sexuels en soirées privées. Des lieux qui disposent de moins d’outils/brochures/affiches de prévention. Il faut donc, au contraire, accompagner ces établissements dans des mesures de réduction des risques et communiquer avec et pour les communautés les plus exposées et pas contre.

Même son de cloche en France du côté des associations de lutte contre le sida. Dans un thread Twitter, AIDES explique la nécessité d’instaurer une communication ciblée inspirée de la lutte contre le sida : « S’appuyer sur un constat épidémiologique quant à la propagation importante de Monkeypox parmi les HSH, c’est permettre l’organisation et la réponse communautaire, ce qui n’est ni discriminatoire, ni homophobe » explique l’association. « Ce virus ne concerne pas uniquement cette population, ce n’est pas un « virus gay » — il n’en existe pas de tel — mais il est nécessaire de prendre en compte la réalité épidémiologique actuelle afin de permettre aux personnes de mettre en place les stratégies adéquates pour s’en prémunir », poursuit l’association. Et AIDES d’ajouter : « Notre expérience face au VIH/sida nous l’a appris : la meilleure réponse aux épidémies est la réponse communautaire ! ». Nul doute qu’à l’approche de nombreux évènements festifs liés au mois des fiertés LGBT+ (Pride, Tournoi sportif LGBT, Grand rassemblement fetish européen à Paris, Festival Solidays, etc.), les associations expertes en santé communautaires seront sur le front pour prévenir, conseiller et accompagner les personnes les plus exposées au Monkeypox.

La recherche se met en place

Qui dit maladie émergente, dit ANRS | MIE. L’agence de recherche est en train de mettre en place plusieurs projets de recherche. Le sociologue Gabriel Girard coordonne ainsi une étude en sciences sociales et les chercheurs-ses vont suivre, dans le cas d’une cohorte, un groupe de personnes traitées et un autre groupe de personnes vaccinées. Interrogé par Seronet, sur le fait de savoir si les projets de recherche initiés par l’ANRS | MIE comptaient inclure des personnes vivant avec le VIH, le docteur Xavier Lescure a expliqué : «  Oui, et les autres types d'immunodépression aussi ». À suivre, donc.

Qu’est-ce que le Monkeypox ?
Le Monkeypox est une maladie infectieuse due à un orthopoxvirus. Cette maladie zoonotique (de l’animal à l’homme) est habituellement transmise dans les zones forestières d’Afrique du Centre et de l’Ouest par des rongeurs sauvages ou des primates, mais une transmission inter-humaine est également possible, en particulier au sein du foyer familial ou en milieu de soins. Proche de la variole, elle est toutefois à ce jour considérée comme beaucoup moins grave et moins contagieuse. Le Monkeypox est une maladie considérée comme rare, connue chez l'être humain depuis 1970, identifiée pour la première fois en RDC (ex-Zaïre).  Le virus a été découvert pour la première fois en 1958 au sein d’un groupe de macaques qui étaient étudiés à des fins de recherche. Depuis 1970, des cas humains d'orthopoxvirose simienne ont été signalés dans une dizaine de pays africains. Au printemps 2003, des cas ont aussi été confirmés aux États-Unis, marquant ainsi la première apparition de cette maladie en dehors du continent africain.