Monkeypox : vaccination prolongée

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ThérapeutiqueMonkeypox

Ces dernières semaines, les données indiquent l’amorce d’une baisse du nombre d’infections en Europe, dont en France. Les autorités sanitaires restent prudentes et soulignent que la vaccination (qui devrait être poursuivie jusqu’en 2023) ne suffira pas, à elle seule, à endiguer l’épidémie actuelle. La DGS plaide pour une « stratégie de prévention combinée » qui comprend une « modification des comportements ».

Les derniers chiffres

Au 1er septembre 2022, 3 646 cas « confirmés biologiquement » ont été recensés en France, indique Santé publique France (SpF). La région Île-de-France concentre encore le plus grand nombre de cas (2 236), suivie de l’Occitanie (299 cas), de l’Auvergne-Rhône-Alpes (237 cas) et de la Provence-Alpes-Côte d’Azur (231 cas), puis 174 dans les Hauts-de-France, 132 en Nouvelle-Aquitaine, 92 en Grand Est, 76 en Pays de la Loire, 39 en Normandie, 36 en Centre-Val de Loire, 34 en Bretagne, 29 en Bourgogne-Franche-Comté, 6 en Martinique. Pour la Corse, la Guadeloupe, Mayotte et Saint-Martin, chacune de ces régions présentait moins de 5 cas. Vingt cas résident à l’étranger.

Profils des personnes concernées

La très grande majorité des cas confirmés adultes recensés à ce jour sont de sexe masculin ; 59 (1,6 %) cas concernent des femmes (voir plus bas). Neuf enfants de moins de 15 ans ont été déclarés ; filles et garçons. Les cas adultes ont un âge médian de 36 ans ; 25 % des cas adultes ont moins de 30 ans et 25 % ont de 43 à 77 ans, indique le point de situation publié par SpF, le 30 août. Parmi les cas pour lesquels l’information est disponible, 68 (3 %) ont été hospitalisés du fait de leur infection par le Monkeypox, cette proportion reste stable dans le temps, note l’agence sanitaire. Aucun décès n’a été signalé à ce jour en France ; ce qui n’est malheureusement pas le cas chez notre voisin belge où un décès a été signalé, fin août, selon les informations de l'institut de santé publique Sciensano. « Le décès a été signalé chez une personne présentant des problèmes de santé sous-jacents », explique le bulletin de l’institut. À la date du 29 août, les autorités de santé belges recensait 706 cas confirmés, dont 32 avaient nécessité une hospitalisation ; Sciensano, soulignant que deux d'entre eux « avaient un trouble immunitaire sous-jacent ».

Combien de décès et qui est concerné-e ?

Selon le tableau de bord de suivi des cas confirmés de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à la date du 31 août, on recensait plus de 50 496 cas dans le monde, dont seize décès, dans 101 pays et territoires. En Europe, l'Espagne avait déjà recensé, fin juillet, deux décès de personnes atteintes, sans pouvoir établir formellement un lien de cause à effet entre le Monkeypox, seul, et le décès. De son côté, le site Monkeypoxtally fait était de 19 décès dans le monde pour un total de cas estimé à 52 113 (en date du 2 septembre). Outre l’Espagne et la Belgique (voir plus haut), des cas ont été recensés aux États-Unis (1), au Brésil (3), Pérou (2), Mexique (1), Nigeria (4), Ghana (1), Équateur (1), Inde (1), République centrafricaine (2).On en sait désormais plus sur les hospitalisations qui traduisent la gravité de la maladie chez certaines personnes. Sur les 3 547 cas enregistrés en France (données du 29 août), il y a eu 68 hospitalisations (3 %), une proportion qui semble stable dans le temps.

Femmes et des personnes trans infectées

Au 23 août, les données françaises faisaient état de 3 421 cas déclarés, dont 3 359 concernaient des hommes. Cinquante-deux cas concernaient des femmes (15 ans et plus), puis 59 cas au 1er septembre. « Le nombre de cas rapportés chez des femmes est faible (maximum 12 cas signalés en semaine 34) mais la proportion de cas confirmés féminin augmente sur les dernières semaines. Parmi les cas confirmés déclarés en semaine 34 (données non consolidées) 7,5 % sont des femmes (vs 5,3% en semaine 33 et 2,9% en semaine 32). Ces données portent sur un faible nombre de cas, dans un contexte de diminution du nombre total de cas confirmés depuis plusieurs semaines, elles doivent donc être interprétées avec prudence », explique SpF dans son point d’infos du 2 septembre. Dans son point d’infos, fin août, Santé publique France –SpF) rappelle avoir travaillé sur les caractéristiques de 39 cas féminins confirmés ; des cas non identifiés comme femmes trans. Ces cas féminins sont déclarés plus fréquemment en Île-de-France (61 %), en Provence-Alpes Côte d’Azur (15 %) et en Occitanie (10 %). Les professions des femmes concernées ; pour les 18 cas pour lesquels l’information était disponible : sept étaient sans profession, une travaillait dans l’hôtellerie-restauration et une était professionnelle de santé. Sur 23 cas renseignés, trois femmes avaient été vaccinées contre la variole (une avant 1980 et deux récemment. Sur 22 cas pour lesquels l’information était disponible, deux femmes vivaient avec le VIH ; leur charge virale étant indétectable. Parmi les autres, une seule femme prenait la Prep. Santé publique France explique que les « circonstances de l’infection sont difficiles à estimer car peu renseignées lors des entretiens » médicaux. Sur 22 femmes, cinq ont été considérées comme des cas secondaires. C’est-à-dire qu’elles ont rapporté avoir fréquenté une personne infectée par le Monkeypox dans les trois semaines précédant l’apparition de symptômes. « Pour ces femmes, le contact avait eu lieu au foyer familial ou le lieu de vie (cohabitation avec un membre de la famille ou du conjoint lors de rapports sexuels).

On dispose de peu de données pour les personnes trans. Au 22 août, sept cas confirmés concernaient des personnes trans : un homme trans et six femmes trans (âge médian : 40 ans). Ces personnes résidant principalement en Île-de-France. « Parmi ces personnes, quatre semblent être des travailleurs-euses du sexe. Un peu moins de la moitié vivant avec le VIH, parmi les personnes séronégatives pour le VIH, aucune ne prend la Prep » indique SpF.

L’épidémie est-elle en baisse ?

Dans son point d’info (30 août), Santé publique France explique que les données dont elles disposent « suggèrent que le pic de contaminations a eu lieu fin juin/début juillet et que le nombre de cas confirmés a tendance à diminuer depuis ». Le nombre hebdomadaire de nouveaux cas français diminue régulièrement depuis sept semaines. Reste que SpF se veut prudente notamment parce que la « période estivale [qui vient juste de s’achever, ndlr] a pu entrainer des retards au diagnostic et à la déclaration. De même, certaines personnes peuvent ne pas avoir eu recours aux soins [Or, seuls les cas confirmés biologiquement sont comptabilisés, ndlr] ».

Bien sûr, plusieurs autres pays, notamment en Europe, observent également un ralentissement, voire une diminution du nombre de nouveaux cas confirmés déclarés au cours des dernières semaines. « Cette tendance devra être confirmée dans les semaines à venir », indique SpF. Effectivement, confirme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on assiste aux États-Unis, comme en Europe (Allemagne, Pays-Bas…) à une baisse du nombre d’infections. « Ces signes confirment ce que nous avons dit sans cesse depuis le début : avec les mesures adéquates, cette flambée peut être stoppée », a d’ailleurs commenté le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors d’une conférence de presse, le 31 août. Même son de cloche à l’OMS Europe. « Il y a des signes avant-coureurs encourageants qui suggèrent que la flambée épidémique pourrait ralentir, notamment en France, en Allemagne, au Portugal, en Espagne, au Royaume-Uni et dans d'autres pays », a souligné (30 août) Hans Kluge, directeur régional pour l'Europe de l’OMS, lors d'une conférence de presse, citée par Reuters. « Nous pensons qu'il est possible d'éliminer la transmission interhumaine de la variole du singe en Europe », a-t-il assuré, en prévenant que cela nécessite d’accentuer « immédiatement nos efforts » et « d'allouer les ressources nécessaires à cette lutte ». Selon la Dre Catherine Smallwood, une des responsables de la gestion de l’épidémie de Monkeypox au bureau européen de l'OMS, le récent ralentissement des infections dans plusieurs pays européens pourrait s'expliquer par une détection — et donc un isolement — plus précoce des personnes malades, ainsi que par des évolutions des comportements dans les populations les plus exposées, du fait d'une meilleure information. 

Messages de prévention

Du côté des autorités de santé françaises, la Direction générale de la Santé (DGS) estime que la vaccination seule ne permettra pas de contrôler l’épidémie actuelle, et que « c’est bien une stratégie de prévention combinée (incluant aussi des changements de comportements) qui doit être poursuivie », selon les mots du Professeur Jérôme Salomon, le directeur général de la santé, à l’occasion d’un point presse de rentrée (31 août) sur le Monkeypox. Désormais, l’on sait qu’il y a des personnes infectées par le Monkeypox qui sont asymptomatiques (sans symptômes). « La question que l'on peut poser maintenant est : ces patients asymptomatiques sont-ils contaminants ? » s'est interrogé le professeur Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'ANRS ǀ MIE, lors du point presse de la DGS. « Nous n'en avons pas la preuve formelle mais, compte tenu des quantités de virus retrouvées, il n'y a pas de raison que ce ne soit pas le cas », a poursuivi l’infectiologue, comme le rapporte le Quotidien du Médecin. Le professeur Yazdanpanah faisait allusion à une étude française (Hôpital Bichat-Claude Bernard, AP-HP) où les chercheurs-es ont proposé de façon systématique un prélèvement anorectal chez les HSH fréquentant une consultation de Prep. Sur une file active de 706 personnes, 40 % avaient au moins une lésion anale, soit 383 personnes, dont 271 avaient une infection par le Monkeypox confirmée. Parmi les 323 personnes sans symptôme, 213 ont accepté de se plier au prélèvement et une charge virale a été détectée chez 13 d'entre eux, soit une prévalence de 6,5 %. Concernant les personnes infectées, la recommandation est d'utiliser un préservatif pendant huit semaines (c’est douze semaines dans les recommandations en Grande-Bretagne) après la fin de la période de contagiosité (autrement dit avec la disparition complète des croûtes sur les lésions sur la peau).

Vaccination et doses

Selon les chiffres de la DGS : 70 000 injections de vaccin ont d’ores et déjà été faites ; mais pas de précisions quant au nombre exact de personnes vaccinées avec une, deux ou trois doses. Au total, 140 000 doses de vaccin contre la variole ont été déstockées en France. L'expérimentation de la vaccination en pharmacie est positive selon les autorités sanitaires. On peut prôner un « élargissement pragmatique » au cas par cas a expliqué la DGS, qui n’envisage pas de généralisation nationale de la vaccination en officines. La stratégie vaccinale contre le Monkeypox va se poursuivre jusqu'en 2023. Pour rappel, le schéma vaccinal comprend deux doses (ou une dose unique pour les personnes ayant déjà été vaccinées contre la variole, et trois doses pour les personnes immunodéprimées). La vaccination pourra être réalisée par un-e médecin ou par un-e autre professionnel-le de santé sur prescription médicale. La liste des centres de vaccination est consultable sur le site sante.fr.

41 % de PVVIH, mais pas plus de formes sévères
Dans un article publié sur le site aidsmap le 31 août, on apprend qu’une proportion élevée de personnes qui ont contracté le Monkeypox vivent avec le VIH (26 % d’après une analyse au Royaume-Uni, 37 % d’après une autre analyse du Centre européen de prévention et contrôle des maladies et 41 % d’après les données du CDC américain). Une récente analyse internationale portant sur plus de 500 personnes infectées par le Monkeypox publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM) fait également état de 41 % de personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Parmi les personnes séronégatives qui ont contracté le Monkeypox, on trouve également une grande majorité de personnes sous Prep (79 % dans l’analyse britannique et 57 % dans l’analyse internationale publiée dans le NEJM). Comment expliquer une telle proportion de PVVIH ? Plusieurs pistes sont évoquées par les experts-es. Tout d’abord, le taux de prévalence du VIH parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) qui est plus important que dans la population générale. En gardant en tête que plus de 97 % des personnes infectées par le Monkeypox sont des HSH multipartenaires, il n’est donc pas surprenant de retrouver un nombre conséquent de PVVIH et de prépeurs. Par ailleurs, les PVVIH ont plus tendance à se faire dépister et à consulter des professionnels-les de santé spécialisés-es en santé sexuelle et maladies infectieuses que la population générale. D’autres avancent l’hypothèse que le préservatif ne serait pas utilisé de façon systématique chez les personnes sous Tasp et sous Prep multipartenaires ce qui pourrait expliquer, en partie, cette prévalence du Monkeypox dans ces deux groupes. La bonne nouvelle est que les PVVIH qui ont contracté le Monkeypox n’ont pas développé de formes plus sévères que les personnes séronégatives. Dans l’étude internationale publiée dans le NEJM, il apparait que 95 % des PVVIH qui ont contracté le Monkeypox étaient sous traitement VIH efficace avec une charge virale indétectable et un taux moyen de CD4 à 680/mm3. Les formes sévères se sont développées chez les PVVIH avec des CD4 à moins de 200/mm3. Mêmes conclusions dans une autre étude espagnole : « Nous n’avons pas observé de différences dans les caractéristiques cliniques, y compris le nombre de lésions ou la période d’incubation, entre les patients séropositifs au VIH et les autres », ont conclu les chercheurs-ses. Les experts-es se veulent donc rassurants-es quant à l’impact du Monkeypox sur la santé des PVVIH sous traitement efficace, mais alertent sur la nécessité de vacciner et soutenir les PVVIH qui n’ont pas accès à un traitement VIH efficace particulièrement dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires.