Najat Vallaud-Belkacem dans le viseur des travailleurs du sexe

Publié par Mathieu Brancourt le 09.07.2012
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Pigalle, le jour. Un mois après la dernière "Marche des Putes", les travailleur-se-s du sexe sont venu-e-s battre, samedi 7 juillet, le trottoir de cette place emblématique du jouir libre. Sous une pluie battante, les manifestants, à l’initiative du STRASS, réaffirment leurs revendications à la nouvelle ministre des Droits des femmes dont les positions abolitionnistes renouvelées menacent une profession déjà fortement précarisée et stigmatisée.
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"On est pute, on est fière, Belkacem c’est la guerre !" : deuxième round de mégaphone pour les travailleur-se-s du sexe. Après les nouvelles déclarations de Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, sur l’objectif d’abolir "le mythe du plus vieux métier du monde", c’est une nouvelle mobilisation pour faire entendre une autre voix sur la question de la prostitution. Plus d’une centaine de personnes se sont rassemblées place Pigalle, avant une marche hurlante jusqu’à la rue Saint-Denis. Car les Putes sont en colère : le projet de pénalisation du client demeure toujours dans les tuyaux du gouvernement socialiste et la loi sécuritaire de 2003 (LSI) toujours en place depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir.

"Cela fait plusieurs années que le mouvement des travailleurs du sexe porte des revendications, et la ministre ne semble toujours pas les comprendre et tient toujours à l’idée absurde d’abolir la prostitution", déclare Morgane Merteuil, secrétaire générale du STRASS (Syndicat du travail sexuel). Car c’est l’application du droit commun que porte la jeune femme de 26 ans. "Nous demandons l’abrogation du délit de racolage passif, qui avait été annoncée pendant la campagne, et dont on ne parle plus, mais aussi l’abrogation des lois sur le proxénétisme de soutien [toute aide apportée aux travailleuses du sexe, parfois à titre gratuit, peut être assimilée à de l’exploitation et reste pénalement condamnable, ndlr] et bien sûr nous sommes opposés à l’idée d’une loi de pénalisation du client", rappelle encore Morgane Merteuil.

Le Syndicat du travail sexuel a d’ailleurs demandé la tête de la jeune ministre. "Je ne pense pas que cet appel joue en notre défaveur. Dans la manière dont ces lois ont été faites, elles sont des lois de contrôle social des femmes. La décriminalisation du travail sexuel, c’est la déstigmatisation de toutes les femmes, peu importe leur comportement sexuel. Quand une femme qui se revendique représentante de toutes les femmes continue dans cette idée de stigmatisation, c’est dangereux et cela fait plus le jeu du patriarcat que du droit des femmes", affirme encore la secrétaire générale du STRASS.

Les associations de santé comme AIDES, Arcat ou Act Up-Paris, présentes à la marche, soutiennent les prostituées. Elles rappellent les conséquences de cette position abolitionniste, notamment en matière de santé publique. "Nous réclamons des droits pour les travailleur-se-s du sexe et surtout empêcher toute forme d’approche répressive sur les questions du travail sexuel", défend Fred Bladou, qui travaille sur ces questions à AIDES. Car sur le terrain, les associations constatent les effets néfastes de ces politiques de répression. "Les travailleur-se-s du sexe ont dû quitter les villes pour s’éloigner en périphérie, ce qui a dégradé considérablement leur condition de travail. Les personnes sont coupées des acteurs de prévention, du lien social et se retrouvent seules face aux violences des clients ou des badauds. Avec des conséquences délétères en matière de santé publique", ajoute-il. Morgane Merteuil abonde : "Quand on est précarisé, c’est plus difficile d’imposer le port du préservatif et quand on est isolé, c’est plus difficile pour les associations d’apporter des préservatifs et d’avoir accès à l’information à la prévention. C’est évident que cela fait le jeu des épidémies, du VIH aux hépatites, en passant par les IST", déplore-t-elle.

Pourtant l’apparent consensus politique autour de l’abolition commence à se fissurer, au PS comme dans d’autres partis. Cléo Lallement, collaboratrice parlementaire de la sénatrice Europe Ecologie Les Verts (EELV) Aline Archimbaud, est venue à la marche défendre une autre position que celle de son parti. "Il y a plusieurs années, le parti écologiste a adopté une motion, ligne officielle, abolitionniste. Cependant, nous sommes contre le projet de pénalisation du client". Si Cléo Lallement peut être présente et exprimer sa propre vision "légaliste", c’est parce que elle "garde une certaine marge de manœuvre individuelle", même si elle admet que la position officielle de EELV mériterait d’être rediscutée. Comme avec la question du cannabis, "pour casser les mafias et les réseaux, il faut rendre les choses légales, pour les rendre visibles et agir auprès des personnes, et non parler à la place de ces dernières". Elle pointe également le problème de la position abolitionniste en matière de santé : "Plus on pénalise, plus les gens se cachent, et plus il est difficile de les trouver et de les accompagner socialement et sanitairement", affirme la militante écologiste. "Ce n’est pas parce qu’on propose un service sexuel que l’on vend son corps", assène-t-elle. Au final, c’est l’idée de la sacralisation du corps et qui va à l’encontre de la liberté individuelle d’en disposer librement.

Alors, y a-t-il un espoir de voir la majorité infléchir ou pondérer sa position ? Sur le terrain pour l’instant, pas de changement. "On avait constaté une certaine accalmie sur le contrôle policier, mais apparemment cela reprend de plus belle au bois de Boulogne. A Lyon "où s’est déroulée une manifestation des travailleur-se-s du sexe, vendredi 6 juillet], les travailleuses de Gerland se battent depuis des années contre la mairie PS, d’où vient madame Vallaud-Belkacem d’ailleurs", glisse Morgane Merteuil. "Mais tant que le délit de racolage ne sera pas abrogé, l’arbitraire policier aura toujours tous les pouvoirs", conclut Morgane Merteuil. Et cette dernière le promet, le STRASS et les travailleur-se-s du sexe feront fi des déclarations d’intention et ne jugeront "que sur les actes".

Commentaires

Portrait de skyline

Merci de parler de cet enjeu fondamental, dernière frontière du conservatisme le plus réactionnaire. A propos du fameux ''modèle suedois'' que les féministes intégristes prennent en exemple, voici un rapport de féministes pro-choix norvégiennes (la Norvège ayant appliqué le modèle suédois) qui vient de sortir et qui démontre que l'exemplarité et l'efficacité de ce modèle est une illusion, voire le contraire de l'effet escompté : http://feministire.wordpress.com/2012/07/01/the-oslo-report-on-violence-... Mais les féministes intégristes n'en parlent jamais des rapports contradictoires, toujours mieux documentés, plus représentatifs de la diversité des TDS et méthodologiquement non biaisés.
Portrait de skyline

Prostitution : le programme des nations-unies pour le développement condamne sans appel le modèle suédois : http://www.actupparis.org/spip.php?article4869
Portrait de Tenderness75

plus la prostitution se cache : véritable catastrophe ! je suis en soutien total au STRASS à cent pour cent !
Portrait de jean-rene

Moi, je suis pour la création en France d'Eros centers hétéros et homos.