Notification aux partenaires : le CNS donne son avis

Publié par jfl-seronet le 11.04.2018
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Le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) a adopté un avis suivi de recommandations sur la notification formalisée aux partenaires. De quoi s’agit-il ? Dans plusieurs pays, des services ont été mis en place pour encourager et aider les personnes nouvellement diagnostiquées pour une IST à en informer leurs partenaires sexuels, afin d’inviter ceux-ci à se faire dépister à leur tour. L’avis du CNS porte sur cette stratégie de santé publique qui n’est pas appliquée en France.

Les infections sexuellement transmissibles (IST) sont extrêmement fréquentes et parfois graves lorsqu’elles favorisent la survenue de cancers, provoquent des troubles de la fertilité voire menacent la vie des personnes qui en sont atteintes. Parce qu’elles passent souvent inaperçues avant la survenue de complications, elles nécessitent une optimisation des stratégies mises en œuvre pour rendre leur dépistage plus efficace. Extrêmement fréquentes ? Oui, selon les chiffres. Le CNS rappelle ainsi qu’on "estime que plus d’un million de cas survient quotidiennement dans le monde". "Une trentaine d’infections liées à des agents différents, d’origine bactérienne, virale ou parasitaire, peuvent être transmises par voie sexuelle. Les huit plus fréquentes comprennent quatre infections curables (syphilis, gonococcie, chlamydiose et trichomonase) et quatre infections virales dont le traitement ne permet pas aujourd’hui l’éradication (infections par le VIH, les papillomavirus, l’hépatite B et l’herpès). Certaines IST sont peu ou pas symptomatiques ou symptomatiques tardivement au cours de leur évolution, et restent souvent non diagnostiquées, exposant à des séquelles et/ou des complications graves".

Quelle est la situation en France ?

"En France, l’épidémie de VIH reste active : on découvre environ 6 000 infections chaque année et on estime que 153 000 personnes vivent avec le VIH, les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) et les personnes originaires d’Afrique subsaharienne étant les populations les plus touchées par l’épidémie. Le nombre de découvertes d’infections reste globalement stable au cours des dix dernières années ; il diminue progressivement dans la plupart des populations exposées, mais pas chez les HSH", précise le CNS dans son avis. Selon des données anciennes remontant à 2004, plus de trois millions de personnes ont été infectées par le virus de l’hépatite B (VHB) en France. L’exposition sexuelle constitue le principal facteur de contamination. Les IST bactériennes sont très fréquentes et curables avec un traitement antibiotique approprié. Comme ailleurs dans le monde, leur fréquence augmente en France depuis la fin des années 1990, note le CNS. On ne peut pas avoir une estimation directe exhaustive de leur prévalence (le système de surveillance ne le permet pas) mais il donne des éléments permettant de mesurer les évolutions et le contexte. Selon les résultats d’une enquête spécifique, on estimait le nombre de nouvelles infections à chlamydia trachomatis à 72 000, et de gonococcies à 14 000 en 2012. Les infections uro-génitales à chlamydia sont donc les plus fréquentes des IST bactériennes et le nombre d’infections déclarées a augmenté de 10 % entre 2013 et 2015. Si les gonococcies sont globalement moins fréquentes que les chlamydioses, leur nombre a également augmenté depuis 2013 ; elles sont particulièrement fréquentes chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, chez qui leur nombre a doublé en trois ans. Les syphilis partagent les caractéristiques populationnelles et évolutives des gonococcies : leur nombre est en augmentation, et leur fréquence est élevée chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes avec une progression de 56 % en trois ans. Les co-infections VIH/IST sont fréquentes (14,6 %, 26,5 % chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, principalement les co-infections VIH/syphilis. Par ailleurs, les IST bactériennes et particulièrement la syphilis, augmentent le risque de transmission sexuelle du VIH. Le risque de transmission sexuelle des IST bactériennes est très élevé, justifiant un traitement immédiat systématique du (des) partenaire(s) en cas de chlamydiose et/ou de gonococcie. Voilà pour le tableau général.

La piste de la notification aux partenaires

Dans plusieurs pays, des services ont été mis en place pour encourager et aider les personnes nouvellement diagnostiquées pour une IST à en informer leurs partenaires sexuels, afin d’inviter ceux-ci à se faire dépister à leur tour.  Cette démarche de notification est bénéfique pour la santé des partenaires notifiés, en favorisant le dépistage plus précoce des IST qu’ils ont éventuellement contractées et donc leur traitement. Elle représente également un outil de prévention, efficace et probablement coût-efficace en santé publique, en contribuant notamment à interrompre les chaines de transmission… et donc à réduire fortement le nombre de cas. C’est pour cette raison que le CNS s’est intéressé à cette stratégie. Dans le préambule de son avis, le CNS rappelle qu’il a souhaité, dans une approche centrée sur la santé et la protection des droits des personnes, d’une part, évaluer l’intérêt individuel et en santé publique d’introduire dans le dispositif français de prévention, de dépistage et de prise en charge du VIH, des hépatites et des IST une démarche formalisée de notification aux partenaires des personnes nouvellement diagnostiquées. Deuxièmement, le CNS a voulu aussi "explorer les modalités de notification et les types de dispositifs susceptibles d’être préconisés en fonction de leur efficacité attendue et de leur faisabilité en France". Pour ce faire, le Conseil national du sida et des hépatites virales a considéré "le cadre juridique existant et en particulier le droit au respect de la vie privée et du caractère confidentiel des informations sur la santé et l’obligation du secret professionnel, l’acceptabilité de la démarche auprès des patients, de leurs partenaires ainsi que des professionnels de santé et des autres personnels intervenant dans le système de santé ainsi que l’adhésion que celle-ci pourrait susciter, l’organisation de l’offre de santé et de soin et plus précisément les dispositifs susceptibles de favoriser la démarche de notification".

Comment le CNS a-t-il travaillé ?

Une commission a été créée sur le sujet en février 2016. Elle s’est réunie à sept reprises, et a auditionné douze personnalités sélectionnées en raison de leurs pratiques de soins dans les maladies concernées, de leur expérience dans le dépistage non médicalisé du VIH et des hépatites et dans l’accompagnement des personnes dépistées ou de leur activité de recherche dans ce domaine. Elle a également procédé à une évaluation des expériences internationales, puis a sollicité la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) sur les contraintes juridiques susceptibles d’être associées à la mise en œuvre d’une notification formalisée au partenaire, en particulier au regard du respect du secret médical et de la protection de la confidentialité des données personnelles.

Que préconise le CNS ?

Il recommande de mettre en place en France ce type de service d’accompagnement afin qu’il soit systématiquement proposé aux personnes diagnostiquées pour une IST. Ces services devront être organisés au plus près des besoins, en particulier dans les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd), et être fournis par des intervenant-e-s en santé formés.

La pluralité des modalités et des outils susceptibles d’être mis en œuvre pour notifier des partenaires devra permettre de développer des stratégies diversifiées, adaptées aux situations individuelles. L’accompagnement à la notification proposé devra être acceptable pour la personne concernée comme pour son ou ses partenaires, respectueux de leur vie privée, compatible avec le respect du secret professionnel et avec la confidentialité des informations les concernant.

En l’état actuel du droit, le CNS ne recommande pas la pratique de la notification par les intervenant-e-s en santé eux-mêmes, en raison des risques encourus en cas de rupture du secret professionnel. Leur intervention ne devrait être envisagée qu’à la demande de la personne et en préservant son anonymat, dans des circonstances conjuguant absence de risque effectif de rupture de l’anonymat et bénéfice majeur de santé publique. Compte tenu de l’intérêt de l’intervention des intervenant-e-s en santé, le CNS appelle à créer les conditions légales et réglementaires leur permettant, si telle est la demande de la personne, de procéder eux-mêmes à la notification du ou des partenaires sans être exposés à des risques de nature pénale, civile ou ordinale.

La proposition systématique de la démarche de notification aux patients diagnostiqués pour une IST, réalisée dans des conditions respectant les droits tant du patient que de ses partenaires, représente une stratégie efficace de dépistage ciblé en direction de personnes qui ignorent souvent avoir été exposées à un risque d’IST.

En fin d’avis, le CNS adresse ses recommandations aux autorités de santé comme aux autres acteurs. Par exemple,  il recommande à la ministre de la Santé de "mettre en œuvre la notification formalisée au(x) partenaire(s) inscrite dans la Stratégie nationale de santé sexuelle afin de proposer systématiquement aux patients un accompagnement à cette démarche lors de la découverte d’une IST". Il demande aussi à la Haute autorité de santé (HAS) de travailler avec l’appui des sociétés savantes, des professionnels de santé, des associations, de définir les objectifs et conditions de réalisation de l’accompagnement à la notification en tenant compte des impératifs d’efficacité en santé individuelle et en santé publique, de protection de la confidentialité des informations relatives à la santé et de protection de la vie privée de la personne notifiée ; d’établir la liste des infections relevant de la NFP, indiquer l’ancienneté des relations sexuelles à prendre en compte selon les infections, préciser les modalités et stratégies de notification, décrire la conduite des entretiens d’accompagnement à la démarche de notification ; de réaliser un référentiel de compétences, de formation, et de bonnes pratiques, etc.