À nous les petites gélules !

Publié par Costa le 19.07.2008
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Depuis le 15 avril, la méthadone gélule est enfin disponible sur le marché français. Une bonne nouvelle pour l’association Autosupport aux usagers de drogues (Asud) qui met cependant en garde contre les risques de dérives (et avec eux d’overdoses) suscités par une réglementation trop sévère. Des contraintes “spécifiques et absurdes” que dénoncent également de nombreux professionnels.
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La première chose à savoir c'est que la méthadone est mortelle pour les personnes naïves d'opiacés. Comme l'héroïne, me direz-vous ? Et bien non, beaucoup plus ! Car la longue durée d'action de la méthadone dans le corps prolonge le risque fatal du à la dépression respiratoire, en particulier en cas d'association avec l'alcool ou certains médicaments comme le Xanax, le Tranxène, etc. Seuls les patients déjà sous méthadone sont donc peu ou pas vulnérables à la surdose, dans la mesure où leur accoutumance les préserve. Tous les autres, y compris les héroïno-dépendants, courent, par contre, des risques jusque-là inconnus des usagers de drogues (voir Les situations à risque).

Cette mise à disposition de la méthadone en gélule pourrait ne plus être une bonne nouvelle si ce changement devait préfigurer la seconde vague de détournement à grande échelle d'un médicament de substitution vers le marché noir. La méthadone n'ayant pas les mêmes propriétés chimiques que la buprénorphine - le principe actif du Subutex -, une invasion de gélules sur le marché parallèle aura inéluctablement comme conséquence la montée en flèche des overdoses. Car contrairement au Sub, ça tue presque à tous les coups.

Pour les autorités sanitaires, seule la délivrance fractionnée lors de la période probatoire de mise à disposition des gélules de méthadone permettra de prévenir le risque d'inflation des overdoses (voir encadré). Mais tout ce qui relève du contrôle et de la coercition ne sera toujours qu'un pis-aller. Tout système bâti sur la contrainte, les contrôles urinaires ou la délivrance journalière, court, en effet, le risque d'être détourné, truandé, vidé de son sens. La meilleure garantie de voir une règle respectée, c'est de la voir réinterprétée par les patients eux-mêmes, dès lors qu'ils la comprennent comme une composante du succès de leur propre traitement. Il conviendrait donc parfois de faire preuve de psychologie en étant moins répressif, moins tatillon sur les règlements.

Évidemment, la méthadone en gélule ne sera jamais un remède contre la pauvreté, la folie, ou la violence des rues, autant de facteurs qui poussent une partie des plus vulnérables vers le trafic. Mais le marché noir est aussi une soupape de sécurité face aux ratés du système. S'il existe, c'est bien parce que l'offre réglementaire ne couvre pas l'ensemble de la demande des usagers.


Entre la prudence nécessaire pour protéger d'eux-mêmes les usagers vulnérables et la tolérance indispensable pour ne pas rebuter certains besoins légitimes, la marge de manœuvre est ténue. C'est d'ailleurs tout l'enjeu d'une véritable collaboration entre répression des trafics et réduction des risques liés à l'usage, deux politiques non pas alternatives mais au contraire, complémentaires. Car si trop de dérives sont constatées, ce sont les usagers eux-mêmes qui en pâtiront en premier et seront renvoyés dare-dare dans les centres en attendant la prochaine éclaircie.

Une AMM limitée
Le 18 septembre 2007, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a accordé une autorisation de mise sur le marché (AMM) à la méthadone sous forme de gélule. Le débat, déjà ancien autour de cette question sensible, a maintenu les autorités sanitaires dans les limites de la prudence la plus extrême. Comme dit de manière pudique dans le cadre de prescription et de délivrance : "La formule gélule n’est pas destinée à la mise en place d’un traitement…" Seuls sont donc concernés les patients sous métha depuis au moins un an. Selon les termes du décret, les patients pris en charge par un médecin généraliste de ville devront, en outre, obligatoirement repasser tous les six mois dans un centre ou un service hospitalier spécialisé dans l’accueil des usagers de drogues. "Volontaires" et devant "accepter les contraintes du traitement", ils devront également se soumettre à une analyse d'urine au démarrage du traitement et à l’occasion de chaque renouvellement de la prescription, tous les six mois. Enfin, les dosages restent faibles à modérés : 40 mg pour le dosage maximal, puis 20, 10, 5, et 1 mg. La bonne nouvelle, c’est l’arrivée de ce dosage à 1 mg, réclamé depuis des années pour faciliter les diminutions progressives sur le long ou le très long terme.

D'après un article de Fabrice Olivet, Asud-Journal n°36