Nouvelles molécules anti-VHC : enfin des résultats pour les personnes co-infectées !

Publié par Renaud Persiaux le 02.03.2011
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Point fort de cette 18e CROI : les premières données d’utilisation des antiprotéases anti-VHC chez les personnes co-infectées par le VIH et le VHC. L’efficacité semble au rendez-vous, et aucun effet indésirable nouveau n’a été repéré. Mais ces résultats ne concernent que des personnes n’ayant jamais tenté le traitement par interféron et ribavirine. Quelles conséquences auront-ils sur les dispositifs d’accès précoce aux traitements (ATU) et les recherches en cours ?
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C’est peu de dire que ces données étaient attendues. Mais l’attente est récompensée… car ça marche ! Le télaprévir, cette nouvelle qui agit en bloquant la protéase du virus de l’hépatite C (elle est efficace uniquement contre le génotype 1), fonctionne chez les personnes co-infectées par le VIH. Et si l’on peut dire "Enfin", c’est parce que les laboratoires pharmaceutiques s’étaient engagés, aux côtés de médecins, chercheurs, activistes, etc., lors de la Déclaration de Sitges en 2007, à procéder plus rapidement à l’évaluation de leurs molécules chez les personnes co-infectées par le VHC, qui constituent tout de même un quart des personnes vivant avec le VIH.
Certes pour l’instant, ce ne sont que des analyses intermédiaires, publiées en "late breaker" (abstract A146 LB) (vous vous souvenez, ces annonces de dernière minute qui cassent la baraque !). Il n’empêche : "Substantiellement plus de patients recevant le traitement à base de télaprévir [associé à une bithérapie avec interféron pégylé et ribavirine] atteignaient l’objectif d’une charge virale indétectable aux semaines 4 et 12."
Mieux : "La sûreté et la tolérance du traitement télaprévir + interféron + ribavirine est en accord avec ce qui avait été précédemment observé chez les patients mono-infectés [ayant l’hépatite C] ; aucun nouvel effet indésirable n’a été détecté." Et de conclure : "Ces données sont encourageantes pour le traitement des personnes co-infectées par le VIH et le VHC, et l’étude continue pour évaluer la réponse virologique soutenue [RVS]". La RVS, c’est la réponse à six mois : si la charge virale reste indétectable (si le VHC ne repointe pas le bout de son nez), c’est le signe que l’infection est guérie.

Données d’interactions
Télaprévir (molécule développée par le laboratoire Janssen et dont le nom commercial sera Incivo, code 3 lettres "TVR") se prend toutes les 8 heures, pendant trois mois avec la bithérapie interféron pégylé et ribavirine, avant de continuer la bithérapie seule pendant ensuite 9 mois. Télaprévir a été non seulement testée chez les personnes ne prenant pas de médicaments anti-VIH, mais aussi chez celles qui prenaient deux combinaisons antirétrovirales particulières : soit Truvada + Sustiva, soit Truvada + Reyataz boosté par Norvir.
Mardi soir à Boston, les premières données d’interactions (posters A118 et A119) entre médicaments anti-VIH et médicaments anti VHC, testées chez des volontaires séronégatifs pour le VIH et  le VHC, ont été rendues publiques. Pour faire simple, on n’a pas identifié de contre-indication majeure, mais des ajustements de doses seront parfois nécessaires. Car les voies de dégradation des molécules peuvent être en partie communes : ainsi, en cas d’association à Sustiva, il faut augmenter de 50 % la dose de télaprévir (qui passe de 750 mg à 1125 mg à chaque prise). Des données sur le bocéprévir (poster A118), molécule concurrente de Schering Plough-Merck, ont été aussi publiées avec Sustiva (diminution de 44 % de la concentration du bocéprévir), Viread (diminution de 44 % de la concentration de Viread) ou Norvir. Les implications cliniques, c’est-à-dire les éventuelles adaptations de doses à faire dans la pratique, restent à déterminer. Les analyses d’efficacité chez les personnes co-infectées, elles sont en cours.

Accès précoce aux molécules : débats en vue ?
Logiquement, ces données devraient rendre plus rapide l’élargissement aux personnes co-infectées VIH-VHC de l’ATU (autorisation temporaire d’utilisation) de cohorte mise en place au 1er janvier 2011 pour les personnes mono-infectées VHC. Ce mécanisme permettant l’accès précoce aux traitements, avant même leur autorisation de mise sur le marché, est une spécificité et une chance françaises, mais elle est très encadrée, avec notamment la mise en place d’un observatoire, l’étude CUPIC. Pas question de prendre trop de risques. Or, cette ATU concerne des personnes ayant déjà tenté le traitement par la bithérapie (interféron pégylé + ribavirine) et qui ont une cirrhose non décompensée (score F4 de fibrose).
Même conséquence pour les essais prévus par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS). Attention, prévenait, fin février, son directeur Jean François Delfraissy, "les données publiées à la CROI ne concernent que les personnes n’ayant jamais essayé le traitement anti-VHC auparavant. Ce ne sont pas les patients concernés par nos essais". Manière de dire que les deux essais prévus par l’ANRS, Télaprevih (sur le télaprévir) et Boceprevih (sur le bocéprévir), restent dans la course. Si l'Agence française les annonçait pour février, ils devraient finalement débuter au mieux à la fin du mois de mars, voire début avril. Les personnes s’estimant concernées peuvent en parler avec leur médecin dès maintenant. Quant à l’élargissement de l’ATU de cohorte aux personnes co-infectées VIH-VHC, Jean-François Delfraissy ne la voyait pas au mieux avant l’été 2011 voire à l’automne prochain. D’ici là, les recrutements dans les deux essais seront certainement terminés.
D’ici là aussi, on assistera sans doute à des discussions entre cliniciens et associations sur la transposition des résultats présentés à la CROI chez les personnes ayant déjà tenté le traitement par bithérapie précédemment. Le TRT-5, groupe inter-associatif sur les traitements et les recherches thérapeutiques, auquel AIDES prend une part active, avait plaidé en novembre dernier pour la mise en place d’ATU nominatives en protocole pour les personnes co-infectées. Ce dispositif qui fait l’objet d’un suivi plus rapproché que les ATU de cohorte aurait permis un accès plus rapide. Le TRT-5 fera de nouveau entendre sa voix sur cette question. A suivre donc…