Pauvreté : les femmes victimes de la crise !

Publié par jfl-seronet le 20.09.2013
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Le Secours populaire français a lancé une enquête inédite sur la perception de la pauvreté, en particulier chez les femmes, dans le cadre de la publication de la 7ème édition de son baromètre annuel en partenariat avec IPSOS. Les résultats en ont été présentés (5 septembre) à la ministre des Droits des femmes (Najat Vallaud-Belkacem) et à la ministre des Personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. La situation s’aggrave.

Les femmes, et particulièrement les mères isolées, sont les premières victimes de la crise. Une mère isolée sur trois vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Trop souvent, cette situation amène les femmes à renoncer à des dépenses pourtant vitales : la nourriture, ou encore les soins médicaux. Près de la moitié des mères isolées craint de ne pas boucler son budget à la fin du mois, contre 18 % de la population totale. Le sentiment d’angoisse qui est particulièrement fort affecte 44 % des femmes et 60 % des mères isolées, contre 38 % de la population totale. Dans un communiqué commun, les deux ministres réaffirment "leur détermination à combattre ces situations de précarité et de pauvreté. Des mesures majeures ont d'ores et déjà été engagées par le Gouvernement comme par exemple la programmation de 275 000 solutions d’accueil pour les enfants et la réservation de 10 % des places de crèche aux familles en situation de pauvreté, la revalorisation du RSA et de l’allocation de soutien familial, la lutte contre le surendettement et le temps partiel contraint, l’expérimentation d’une garantie publique de pensions alimentaires, mais aussi les compensations pour interruption d'activité introduites dans la future réforme des retraites". Une façon de montrer que le gouvernement s’engage dans le "combat contre la pauvreté". C’est bien, mais pas suffisant. C’est d’autant plus nécessaire de le faire que la pauvreté se développe… en France.

Inexorable hausse de la pauvreté

Sur le site  du Secours populaire, Etienne Mercier, directeur adjoint du pôle Opinion et Recherches sociales d'IPSOS (l’institut qui a mené l’enquête), commente ainsi la 7ème édition de ce baromètre : "Chaque année depuis 2009, le baromètre que nous réalisons pour le Secours populaire met en évidence la montée inexorable de la pauvreté en France. Mais cette année, cette progression s’accélère : 41 % des Français déclarent en effet avoir déjà connu la précarité, soit + 4 points en un an (contre 2 points par an en moyenne depuis 2009). L’enlisement de la crise semble avoir accéléré le basculement de populations fragilisées dans la pauvreté". Et Etienne Mercier de détailler : "Parmi les catégories de population qui ont déjà basculé dans la pauvreté ou qui présentent un risque de précarité accru : les femmes, et surtout celles qui sont à la tête de familles monoparentales. Plus inquiètes encore que les autres femmes, rencontrant pour beaucoup d’importantes difficultés financières, nombre de mères élevant seules leurs enfants se privent au quotidien, au risque de plonger un peu plus dans la spirale de l’exclusion sociale. Pour lutter contre ce risque de précarité aggravé, les Français considèrent qu’il faut avant tout agir sur les écarts de salaires entre hommes et femmes à poste équivalent, manifestation la plus flagrante des inégalités hommes/femmes. Les facteurs qui contribuent à un risque accru pour les femmes de connaître la précarité restent néanmoins beaucoup plus profonds et multiples : pour faire reconnaître que l’on doit obtenir le même salaire au même poste, encore faut-il parvenir à ce poste, et pour cela surmonter les obstacles induits par une éducation toujours très différenciée entre filles et garçons, se traduisant par la valorisation de qualités, de parcours d’études, de carrière ou de parentalité très différents".

La pauvreté au féminin

La formule pourra choquer, surprendre… mais elle n’est nullement ironique ou désinvolte… Il existe bel et bien une pauvreté spécifique aux femmes. D’ailleurs, comme l’indique l’IPSOS, les Français sont conscients que de nombreuses femmes sont touchées en France par la précarité. "Plus de 9 Français sur 10 ont le sentiment qu’autour d’eux des femmes sont dans une situation précaire (91 %). Parmi eux, 41 % déclarent même qu’il y en a "beaucoup". Les Français qui ont le plus le sentiment qu’il y a dans leur entourage beaucoup de femmes en difficulté sont assez logiquement ceux qui sont eux-mêmes dans une situation financière peu favorable (51 % des personnes dont le revenu mensuel net est inférieur ou égal à 1250 euros, 56 % des personnes issues d’un foyer dont le chef de famille est ouvrier ou encore 54 % des personnes à la recherche d’un emploi), sans doute à la fois parce qu’ils vivent dans un environnement moins favorisé (quartier/famille/amis/collègues) et parce que leur propre situation les sensibilise au problème", note Etienne Mercier. Les femmes sont elles aussi plus nombreuses que la moyenne à avoir le sentiment qu’il y a autour d’elles "beaucoup" de femmes en situation précaire (47 %). C’est surtout le cas de près de deux tiers des mères célibataires (63 %).

Plus de difficultés financières

"Les Françaises sont globalement aussi satisfaites de leurs conditions de vie que la moyenne, qu’il s’agisse de leurs conditions de logement (87 % contre 86 %), du soutien de leur entourage (84 % contre 86 %), de leur accès au système de santé et aux soins (79 % contre 80 %) ou de leurs conditions de déplacement (75%)", indique l’IPSOS. "Les femmes sont également très légèrement moins satisfaites de leur niveau de vie (52 % contre 54 % en moyenne). Elles sont d’ailleurs un peu plus nombreuses que la moyenne à avoir rencontré au cours des 12 derniers mois des difficultés financières importantes pour accéder à des biens ou activités culturelles, sportives ou de loisirs (61% contre 57 %), prendre soin de leur apparence physique (59 % contre 48 %) ou encore acheter des vêtements convenables (49 % contre 45 %), domaines dans lesquels la pression sociale envers les femmes est particulièrement forte. Il s’agit par ailleurs de postes sur lesquels les mères sont plus nombreuses à déclarer faire des sacrifices pour faire plaisir à leurs enfants (ou simplement leur offrir de bonnes conditions de vie) que les pères".

Plus d’inquiétudes quant à l’avenir

"C’est surtout en matière d’anticipation de l’avenir que les femmes se distinguent des hommes : 44 % d’entre elles se disent angoissées (contre 38% pour l’ensemble). Cette différence s’explique en partie par leur plus grande inquiétude en ce qui concerne leur niveau de vie à la retraite (79 % sont inquiètes à ce sujet contre 74% en moyenne). Avec des salaires inférieurs aux hommes et des carrières interrompues ou à temps partiel, le niveau de vie futur des femmes reste en effet souvent incertain et dépendant de leur conjoint", écrit Etienne Mercier. Les écarts hommes/femmes en ce qui concerne les difficultés présentes et l’inquiétude pour l’avenir sont démultipliés quand on considère la situation des mères seules en situation de monoparentalité. Les femmes à la tête de familles monoparentales sont en effet 60 % à se dire angoissées quand elles pensent à leur situation actuelle et à leur avenir (contre 44 % de l’ensemble des femmes). Elles sont aussi plus nombreuses à éprouver de la colère (25 % contre 16 % des femmes), ou même du désespoir (17 % contre 12 %). Au total, 72 % d’entre elles citent au moins un sentiment négatif pour décrire ce qu’elles ressentent (contre 54 % des femmes).

Elles sont sans surprise encore plus inquiètes que la moyenne des femmes en ce qui concerne leur niveau de vie au moment de leur retraite (95 % dont 45 % "très inquiètes"). Mais leur niveau de vie actuel est également beaucoup plus problématique. Elles sont d’ailleurs beaucoup plus nombreuses que la moyenne à avoir éprouvé au cours des 12 derniers mois des difficultés importantes dans de très nombreux domaines : pour accéder à des biens ou activités culturelles, sportives et de loisirs (86 % dont 37 % "souvent"), pour s’acheter des vêtements convenables (81 % dont 26 % "souvent") ou prendre soin de leur apparence physique (76 % dont 34 %) par exemple. Si faire garder les enfants ne leur pose pas beaucoup plus de problèmes financiers qu’aux autres femmes (46 % contre 41 %), faire face de manière générale aux dépenses liées à leurs enfants est bien plus problématique (79 % contre 43 % des mères en moyenne).