Pénalisation : la Belgique s’inquiète
"Celui qui aura involontairement causé à autrui une maladie ou une incapacité de travail personnel, en lui administrant des substances qui sont de nature à donner la mort ou à altérer gravement la santé" est sanctionné dans le code pénal belge par l’article 421. C’est sur cette base juridique que s’est ouvert, le 5 mai dernier en Belgique, un procès pour transmission sexuelle du VIH. Cette affaire a incité des médecins, juristes, activistes et associations de lutte contre le sida a publié un texte de réflexion sur les dangers et les limites de la pénalisation de la transmission du virus du sida. D’emblée, les signataires (1) annoncent qu’ils n’entendent pas prendre position sur le procès en cours et que leur réflexion ne concerne pas certains "cas exceptionnels de transmission" marqués par une "intention de nuire" délibérée.
Premier point, les signataires rappellent que la "criminalisation croissante de la transmission du VIH dépasse (…) la Belgique et s’observe depuis le milieu des années 2000 dans de nombreux pays. Cela peut surprendre dans la mesure où l’apparition de traitements antirétroviraux efficaces dès 1996 a permis de réduire fortement la mortalité des personnes vivant avec le VIH et d’améliorer globalement leur qualité de vie". Il n’en demeure pas moins que "le sida reste une pathologie effrayante et stigmatisée, au point que les difficultés sociales et relationnelles des personnes séropositives peuvent surpasser leurs soucis de santé". A cela s’ajoute une propension, désormais plus soutenue, des citoyens à en appeler à la justice. Les signataires notent que cette dernière condamne pour réparer les préjudices subis, mais sanctionne de plus en plus la "mise en danger". Personne ne semble d’ailleurs à l’abri puisque hommes et femmes sont poursuivis et condamnés, certaines femmes sont condamnées pour avoir contaminé leur enfant lors de la grossesse. Les choses se compliquent d’autant que plusieurs législations sanctionnent le fait de ne pas révéler sa séropositivité avant toute relation sexuelle.
Le deuxième point avancé par les signataires est qu’il est souvent difficile dans les affaires de pénalisation de la transmission "de déterminer le moment exact de la commission de l’infraction et l’intention de son auteur (…) D’autre part, plusieurs accusations s’appuient sur l’analyse génotypique (…) cette analyse rend compte de la proximité génétique entre deux souches de virus, mais ne peut en aucun cas : déterminer la date de la transmission, révéler la direction de la transmission (si A a transmis à B ou l’inverse), exclure la possibilité d’une transmission par une troisième source". Une des limites à la pénalisation est en lien avec les avancées de la science. Les signataires notent que l’Organisation mondiale de la santé et l’ONUSIDA font la promotion d’études scientifiques récentes qui "montrent que le risque de transmission sexuelle du VIH est très faible si la personne est sous traitement avec une charge virale indétectable" et cela sous certaines conditions. Cette nouvelle a une grande importance et a notamment permis que des personnes séropositives poursuivies soient acquittées.
Autre argument (souvent utilisé), la "pénalisation de la transmission est problématique voire préjudiciable à la prévention du sida et à la santé publique en général. En effet, elle sous-entend que seules les personnes séropositives sont responsables de la santé de leur partenaire ; ce dernier n’ayant pas le devoir de se protéger et de protéger l’autre. En ce sens, elle remet en cause 30 ans de lutte contre le sida axée sur la responsabilité de chacun et sur la solidarité. N’oublions pas que, dans ces affaires, tout accusé est aussi une "victime" qui pourrait porter plainte à son tour", affirment les signataires. Pour eux, très clairement, la pénalisation complique dramatiquement la donne : elle détourne du dépistage, elle dissuade de parler de sa séropositivité, elle décourage de négocier la prévention, etc. Ils estiment, au bout du compte, que "la pénalisation des cas de transmission involontaire ou de simple exposition au VIH est incompatible avec la lutte contre l’épidémie et ne fait que renforcer la stigmatisation des séropositifs dans leur ensemble. Attention donc aux implications de ces dynamiques, qui pourraient d’ailleurs s’étendre à d’autres IST ou maladies infectieuses, ouvrant le champ à une infinité de motifs de pénalisation".
(1) Les signataires de cette tribune sont Charlotte Pezeril, Observatoire du sida et des sexualités ; Yves Cartuyvels, Facultés universitaires de Saint-Louis ; Bjorn Ketels, Université de Gand ; Dr Lise Thiry ; Dr Michel Roland ; Dr Saphia Mokrane ; Espace P ; Ex Aequo ; Modus Vivendi ; Plate-forme Prévention Sida ; Sid’Aids Migrants/ Siréas ; The Warning (Bruxelles).
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Commentaires
marre
ouais la je suis daccord avec toi c est