Pénurie de médicaments : FAS enquête

Publié par Rédacteur-seronet le 23.01.2019
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Thérapeutiquepénurie médicaments

Le 17 janvier, France Assos Santé (FAS) a publié une enquête exclusive réalisée par l’institut BVA auprès d’un échantillon de 955 personnes représentatif de la population française. Ses résultats pointent les difficultés récurrentes d’accès à certains vaccins et médicaments pour des millions de Français, et leurs conséquences directes sur leur santé et leur qualité de vie. Ils confirment les inquiétudes de France Assos Santé. Décryptage.

Un Français sur quatre a été confronté à une pénurie de médicaments

C’est le principal enseignement de cette enquête de France Assos Santé : nous sommes face à un phénomène récurrent et massif. En effet, 25 % des répondants-es se sont déjà vus-es refuser la délivrance d’un médicament ou d’un vaccin pour cause de pénurie. Ce taux monte à 31 % pour les personnes atteintes par une affection longue durée - ALD), probablement en raison de leur consommation plus importante de produits pharmaceutiques. Cette expérience de la pénurie est par ailleurs plutôt vécue dans une pharmacie d’officine (22 % de Français-es, 29 % parmi les personnes ayant une ALD) qu’à l’hôpital (respectivement 3 % et 4 %). La pénurie concernait principalement les vaccins (36 %) et les médicaments contre l’hypertension (13 %). Ce dernier chiffre passe à 18 % pour les personnes ayant une ALD, qui sont aussi 17 % à avoir manqué de traitements contre des maladies neurologiques.

Un impact délétère sur le suivi du traitement

Selon le sondage : 45 % des personnes confrontées à ces pénuries ont été contraintes de reporter leur traitement, de le modifier, voire d’y renoncer ou de l’arrêter complètement. Une situation jugée anxiogène par 21 % des répondants-es (41 % pour les personnes en ALD). Avec à la clé des conséquences potentiellement graves : augmentation des symptômes dans 14 % des cas, erreurs dans la prise de médicaments de substitution (4 %) et plus inquiétant encore, hospitalisation nécessaire pour une personne sur vingt (4 % en population générale, 5 % pour les personnes en ALD). Dans plus d’un cas sur trois (36 %), ces ruptures d’approvisionnement concernent des vaccins. « Au-delà du risque évident pour la santé individuelle des personnes, ces pénuries de vaccins constituent une menace potentielle pour la santé publique », rappelle Alain Michel Ceretti, président de France Assos Santé.

Un niveau d’information perfectible sur la pénurie

Les informations dont disposent les Français-es sur la pénurie de médicaments apparaissent limitées. Moins d’un-e Français-e sur deux (41 %) s’estime bien informé-e des médicaments et vaccins faisant l’objet d’une pénurie. Les personnes ayant une ALD, plus à même d’avoir un besoin d’information régulier, ne sont seulement qu’un peu mieux informées (49 %). Lorsqu’ils et elles s’estiment bien informés sur ce sujet, les Français-es le sont par des acteurs-trices à la fois dotés d’une expertise médicale et situés dans une interaction directe : près d’un tiers (34 %) sont informés par leur pharmacien d’officine, et un tiers par leur médecin (33 %). Les personnes ayant une ALD sont davantage informées de la pénurie de médicaments par leur pharmacien d’officine (40 %) que par leur médecin (25 %).

Qui est responsable de cette pénurie ?

Les industriels sont considérés par les répondants-es comme les principaux responsables des pénuries. Pas moins de 56 % des Français-es attribuent la raison de la pénurie aux industriels du médicament, qui privilégieraient la production de certains médicaments ou vaccins au détriment d’autres. Les personnes ayant une ALD sont plus nombreuses à établir ce lien (66 %).  Les pouvoirs publics (13 %) et les grossistes répartiteurs (14 %) sont également mis en cause.

Pour France Assos Santé, les « industriels sont en effet très largement responsables de ces pénuries, principalement dues à des stratégies financières contestables (1), à un désengagement de certains médicaments (2) et à une concentration des sites de productions (3). Des mesures correctrices sont annoncées de longue date (stocks de sécurité, sites back-up, recherche de fournisseurs alternatifs (4), mais aucune n’a réellement été mise en œuvre avec succès.  « Nous demandons aux pouvoirs publics et aux autorités de régulation de faire leur travail, et qu’enfin les politiques publiques soient harmonisées à l’échelle européenne », explique Alain Michel Ceretti. « Les mécanismes de fixation des prix, le conditionnement et l’association de traitements et de vaccins diffèrent en effet très largement d’un pays à l’autre, entravant de fait une répartition adaptée et cohérente des produits de santé au sein de l’Union Européenne », pointe France Assos Santé. Le collectif demande « une régulation plus efficace de la part des autorités sanitaires nationales et européennes. Nous demandons une information claire et transparente sur les causes de ces ruptures, les plans de gestion des pénuries (PGP) mis en place, ainsi que sur les sanctions imposées en cas de manquement aux obligations de notification et de mise en œuvre de ces plans ».

Enquête réalisée par BVA du 29 novembre au 1er décembre 2018 par téléphone. Échantillon de 955 répondants, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, constitué d’après la méthode des quotas : sexe, âge, profession du chef de famille, région de résidence et catégorie d’agglomération. Pour chacune des questions posées, la modalité de réponse «Ne se prononce pas » n’était pas suggérée aux interviewés.

(1) : En 2017, la situation de pénurie en vaccin VPP 23 a fait suite à des choix stratégiques des laboratoires Sanofi Pasteur et MSD Vaccins (arrêt de commercialisation du vaccin Pneumo 23) et conduit à un déficit de la couverture des patients immunodéprimés.
(2) : En 2014, Le laboratoire Sanofi-Aventis a arrêté la commercialisation des trois dosages de la spécialité Extencilline poudre et solvant pour suspension injectable (benzathine benzylpénicilline), utilisée notamment dans le traitement de la syphilis et en pédiatrie dans la prophylaxie de la rechute des rhumatismes articulaires aigus.
(3) : Les vaccins monovalents adulte contre l'hépatite B ont connu des tensions d'approvisionnement de janvier 2017 à mars 2018 en raison d’un incident sur une unique chaine de production approvisionnant toute l’Europe (laboratoire GSK).
(4) : Atelier presse du 20 mai 2014, page 15.