Pénuries de médicaments : les assos font pression !

Publié par jfl-seronet le 07.10.2020
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Thérapeutiquerupture médicaments

En finir avec les pénuries de médicaments ? Oui, dans les promesses, mais clairement non dans les faits. Le collectif France Assos Santé est récemment monté au créneau contre un projet de décret qui rend moins protecteur le dispositif de stocks de sécurité de médicaments. La période votée par les députés-es était de quatre mois de couverture des besoins ; le décret propose seulement deux mois… pour fairer plaisir aux industriels du secteur.

Depuis longtemps, France Assos Santé et ses associations membres sont mobilisées contre les pénuries de médicaments et de vaccins qui continuent de « provoquer de lourdes conséquences non seulement pour les personnes malades », mais également en termes de santé publique. Dans un communiqué, publié le 8 septembre dernier ce collectif d’associations a demandé que le décret obligeant les industriels à constituer un stock de sécurité de médicaments soit rapidement publié, conformément à la loi votée par les parlementaires en décembre 2019. Depuis cette demande, France Assos Santé indique que les « échanges avec les autorités se sont (…) intensifiés »… pour finalement découvrir « comment cette disposition, pourtant votée à l’unanimité par les représentants-es de l’assemblée nationale, est vidée de sa substance » du fait du pouvoir exécutif. Le dispositif prévu par la loi en 2019 – qui constitue déjà le fruit d’un compromis – précise que la limite de ces stocks de sécurité ne peut « excéder quatre mois de couverture des besoins ». Or, malgré la volonté du législateur, le décret rédigé par les services gouvernementaux et actuellement proposé définit une mesure a minima répondant à la pression des industriels du secteur : deux mois de stocks… au lieu de quatre. « Aujourd’hui, la santé de nos citoyens-nes perd encore la partie », cingle France Assos Santé, dans son communiqué.

La constitution de stocks de sécurité de médicaments visait à rentrer, enfin, dans une logique de prévention des pénuries. Elle donnait « le temps d’envisager des mesures correctrices (définitions d’alternatives, importation…) limitant ainsi les pertes de chances, les interruptions de traitements, les effets indésirables, parfois graves, causés par des changements de traitements en urgence », note France Assos Santé. « L’obligation de stocks de sécurité désormais limitée à deux mois pour l’ensemble des médicaments, sauf exceptions définies par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), ne répond pas à nos demandes. L’Agence serait donc investie de conduire un dispositif supplémentaire alors qu’elle peine déjà à assurer ses missions », tacle le collectif.

Récemment, un article du Monde (1) expliquait d’ailleurs les lacunes actuelles. Le journal citait des données confidentielles transmises par Santé publique France à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la gestion de la crise de la Covid-19, expliquant qu’entre « 2015 et 2019, la taille du stock [d’antiviraux et d’antibiotiques, ndlr] a (…) été divisée par deux, tant en volume qu’en valeur. On est ainsi passé en cinq ans de 86 millions d’unités d’antibiotiques à 12 millions, de 141 millions d’unités d’antidotes à 96 millions, et de 303 millions d’antiviraux à 51 millions ». Ces baisses ont donc affecté des stocks stratégiques de médicaments, au plus bas alors que la France vivait le tout début de l’épidémie de Covid-19.

Alors pourquoi adopter un dispositif moins protecteur ? « Quelle pertinence d’établir un nouveau dispositif alors que le code de la sécurité publique définit pourtant déjà une liste des classes thérapeutiques contenant des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ? » (2) interroge le collectif. « Le dispositif proposé abandonne (…) tout objectif de prévention : les associations devront, encore, et constamment porter de la voix pour que, péniblement, certains médicaments bénéficient de ce régime d’« exception », dénonce France Assos Santé. L’obligation pour les industriels d’assurer un approvisionnement approprié et continu est pourtant également inscrit au code de la santé publique ! ». Et le communiqué de conclure : « Seule une obligation de constitution d’un stock de sécurité de 4 mois pour l’ensemble des médicaments à intérêt thérapeutique majeur permet de prévenir à minima les pénuries et de protéger tous les malades ».

Le TRT-5 CHV est également monté au créneau pour dénoncer (dans un communiqué du 11 septembre) le choix gouvernemental qui fait « primer les intérêts de l’industrie » sur « la santé des usagers-ères ». Dans son communiqué, le collectif rappelle que la constitution de stocks de sécurité, destinés à prévenir les ruptures de médicaments, est un enjeu majeur. Le collectif a d’ailleurs été, dès 2010, pionnier dans la lutte contre les pénuries de médicaments. Depuis, cette situation s’est largement aggravée, allant jusqu’à doubler entre 2012 et 2016, touchant de nombreuses classes de médicaments et déstabilisant notre système de soin ». Et lui aussi de soulever le problème du décret envisagé. « Malgré de multiples échanges avec les autorités sur le contenu de ce décret, nous constatons que les dispositions retenues après arbitrage gouvernemental sont inapplicables et inefficaces dans la lutte contre les pénuries de médicaments (…)

Ces dispositions sont inacceptables car deux mois sont insuffisants quand on sait que les ruptures durent en moyenne plus de trois mois pour les médicaments et 6 mois pour les vaccins. De plus, pour inscrire un médicament dans la liste d’exception, les patients et leurs associations devront en prouver le caractère essentiel et les risques de rupture. Il est intolérable de faire porter aux patients la charge de rassembler les preuves qui permettront la sécurisation de l’accès de leur traitement. Combien seront en capacité de retracer l’historique des ruptures ? À même de prouver les tensions d’approvisionnement, signes avant-coureurs de ruptures ? Comment expliquer que ce qui pouvait être considéré comme du bon sens avant la crise de la Covid-19 soit remis en cause aujourd’hui ? ». Et le collectif TRT-5 CHV de conclure : « Dans le contexte actuel, où les questions de santé et de sécurité sanitaire sont au cœur des préoccupations de tous, ce choix envoie un signal d’alerte pour la santé des usagers. Nous exigeons qu’une obligation de constitution de stocks de sécurité équivalent à quatre mois de couverture des besoins pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur soit introduite dans le décret ».

(1) : Médicaments : les stocks stratégiques de la France étaient au plus bas au début de l’épidémie de Covid-19, Le Monde, 24 septembre 2020.
(2) : article L5111-4 du code de la santé publique.

Génériques : France Assos Santé vous invite à témoigner
Une nouvelle mesure favorisant les médicaments génériques a été mise en place le 1er janvier 2020. Un médicament générique (s'il existe) vous sera systématiquement proposé par votre pharmacien-ne d'officine. Si vous souhaitez toutefois un médicament de marque (dit « princeps »), le tiers payant ne vous sera pas appliqué et vous ne serez remboursé par la suite que sur la base du médicament générique le plus cher. France Assos Santé a lancé un observatoire qui « vise à objectiver les problématiques rencontrées par les personnes » sur cette question des médicaments génériques. Comme le rappelle France Assos Santé, le-la médecin doit désormais obligatoirement préciser sur l’ordonnance, en plus de la mention « non substituable », la raison médicale qui justifie sa décision de ne pas autoriser la substitution par le pharmacien-ne.
Cette décision doit être fondée exclusivement sur l’une des trois situations médicales suivantes :
- prescription de certains médicaments à marge thérapeutique étroite ;
- prescription chez l’enfant de moins de 6 ans, lorsqu’aucun médicament générique n’a pas une forme galénique adaptée et que le médicament de référence disponible permet cette administration ;
- prescription pour un-e patient-e présentant une contre-indication formelle et démontrée à un excipient à effet notoire présent dans tous les médicaments génériques disponibles, lorsque le médicament de référence correspondant ne comporte pas cet excipient.

Modification de la prise en charge des médicaments
La prise en charge par l’Assurance Maladie des médicaments « princeps » est différenciée selon le contexte de prescription :
- la prise en charge reste inchangée en cas d’acceptation du médicament générique par le-la patient-e : il ne fait pas l’avance des frais et n’a pas de reste à charge à payer ;
- si un-e patient-e refuse le médicament générique en présentant une ordonnance avec une mention « non substituable », justifiée par l’un des critères ci-dessus, le-la pharmacien-ne délivrera et facturera le médicament princeps sur la base de remboursement de celui-ci, sans minoration. Le-la patient-e pourra bénéficier du tiers-payant et ne pas faire l’avance des frais.
- si un-e patient-e refuse le médicament générique sans présenter d’ordonnance comportant une mention « non substituable » ou si cette mention n’est pas conforme, le-la pharmacien-ne délivrera le médicament princeps au-à la patient-e, mais le lui fera payer en totalité, sans bénéfice du tiers-payant. Le-la patient-e devra alors envoyer la feuille de soins papier à sa caisse d’assurance maladie qui le-la remboursera sur une base de remboursement minorée qui sera limitée à celle du médicament générique le plus cher. Si le prix du médicament princeps délivré est supérieur au prix du médicament générique, la personne supportera un reste à charge, correspondant au différentiel de prix entre les 2.