Péril sur l’accès aux médicaments innovants : la balle dans le camp des députés

Publié par jfl-seronet le 19.11.2013
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Thérapeutiquearticle 29AMM

Depuis plusieurs semaines, des associations (AIDES, le CISS, SOS Hépatites, l’AFM Téléthon, le TRT-5…) alertent sur un article, l’article 39, de la future loi de finances de la sécurité sociale qui, s’il était adopté en l’état, priverait des personnes de l’accès à des traitements innovants dont elles ont pourtant absolument besoin. Dans un communiqué "Accès aux médicaments innovants : aucun-e exclu-e, aucune excuse" ( (19 novembre), les associations relancent une nouvelle fois l’alerte alors que l’article est de nouveau examiné en commission des affaires sociales à l’Assemblée Nationale.

Laure va être exclue. Laure, qui vit avec une hépatite C, est inquiète depuis plusieurs semaines. Elle devait, en effet, bénéficier en janvier 2014 d’un nouveau médicament, sitôt après que les autorités du médicament délivrent son autorisation de mise sur le marché (AMM), grâce à un dispositif dérogatoire concernant les médicaments innovants ayant fait l’objet d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU). Or, ce mécanisme d’accès rapide est mis à mal par l’actuelle version de l’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2014. Laure, qui ne relève pas des ATU (car elle n’est pas sur liste d’attente de greffe du foie) pourrait donc, si le texte est adopté en l’état, attendre un an supplémentaire, et pouvoir se soigner en janvier 2015.

Une première version catastrophique !

La première version du texte, déposée par le gouvernement, était catastrophique : tant que le prix de remboursement n’était pas publié au "Journal Officiel", ce qui prend en général un an, l’accès aux médicaments était restreint aux seules indications des ATU (des situations d’extrême urgence nécessitant l’accès aux médicaments avant son évaluation finale). Sous la pression associative, le texte adopté par l'Assemblée nationale a été amélioré, mais seulement sur le papier. Il reste à rendre cette bonne intention réelle et réaliste.

Aucun-e exclu-e, aucune excuse !

Si le texte de l’article 39 revient, en effet, aux indications de l’AMM, il conditionne l’accès aux seules personnes pour lesquelles l’absence d’"alternative thérapeutique appropriée" a été "validée par la Haute Autorité de Santé". Mais le texte ne précise aucun délai pour cette évaluation, alors que la Haute autorité de santé elle-même reconnait qu’elle ne peut se prononcer sur l’alternative thérapeutique appropriée qu’au prix d’une procédure de plusieurs mois ! Elle estime qu’elle peut se prononcer en deux mois mais sur une notion "dégradée" : celle "d’alternative au remboursement". Auquel cas, Laure ne pourrait toujours pas bénéficier immédiatement du nouveau traitement car des médicaments, beaucoup moins efficaces et beaucoup plus lourds, sont déjà remboursés pour l’hépatite C.

Les assos proposent une autre solution

Aussi, les associations proposent de confier la procédure à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en lui demandant de se prononcer sur le "besoin thérapeutique non couvert" plutôt que sur l'"alternative thérapeutique appropriée". Cet examen se placerait ainsi dans le champ des compétences de l'institution officielle, déjà en charge des ATU et ne ferait pas courir de perte de chances aux patients en raison d’un délai non compatible avec l’urgence de leur prise en charge. "Pour Laure, et pour les milliers d’autres malades souffrant de pathologies graves, qui risquent de voir leur santé se dégrader, et même de mourir, nous demandons aux députés d’apporter une solution réelle et réaliste, soutenable par l’ANSM, visant à maintenir ce dispositif d’accès dérogatoire aux médicaments innovants", écrivent les associations (AIDES, le CISS, SOS Hépatites, l’AFM Téléthon) dans leur communiqué. Ah oui, Laure n’est pas un personnage de fiction : elle existe et les risques qu’elle coure si l’article 39 n’est pas modifié sont réels. L'examen du texte est programmé ce mercredi en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et lundi en séance publique.