Personnes handicapées et malades chroniques : les grands oubliés de la réforme des retraites

Publié par jfl-seronet le 16.10.2013
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Droit et socialmaladie chroniquehandicapretraite

Un collectif d’associations (1) a publié (8 octobre) sur le site du "Monde" une tribune qui dénonce l’absence de prise en compte des personnes vivant avec une maladie chronique, accidentées de la vie ou en situation de handicap, dans un texte pourtant majeur : la future réforme des retraites actuellement débattue à l’Assemblée Nationale. AIDES au sein du Collectif [im]Patients Chroniques & Associés est signataire de cette tribune que Seronet publie à son tour.

Nous, personnes vivant avec une maladie chronique, accidentées de la vie ou en situation de handicap, sommes une nouvelle fois absents des débats. Nous aspirons tous à une réforme inclusive, réaliste, tournée vers le vieillir bien, le vieillir mieux. Dès lors, une réforme des retraites ne saurait être "juste" que si elle intègre les évolutions économiques, sociales, mais aussi démographiques et sanitaires de la société française, si elle prend en compte pleinement tous les citoyens. L'allongement de la vie au travail, c'est pour nous la prolongation de la difficulté à concilier vie professionnelle et état de santé. En France, 15 à 25 millions de personnes vivent avec une maladie chronique ou un handicap : peut-on décemment continuer à les ignorer ? Penser l'accès à la retraite pour les personnes malades chroniques et handicapées, c'est poser plus largement la problématique de leur place dans la société, de la capacité de celle-ci à les accueillir. Oui, du fait de nos situations, nous sommes confrontés à des carrières professionnelles inégales, fractionnées : temps partiels subis, emplois précaires, évolutions de carrières ralenties, éloignement durable de l'emploi, arrêts maladies répétés, invalidité subie, parfois imposée... La pénibilité du travail est certes prise en compte dans ce projet, sous l'angle des conditions de travail et de l'exposition à des facteurs de risques professionnels, mais les pénibilités induites par notre état de santé ne sont pas considérées. Ces difficultés liées au travail avec une maladie ou un handicap, trouvent comme point d'orgue le passage à la retraite, quand la pension, si réduite par des parcours professionnels en dents de scie, nous fait encore payer le prix fort, le prix de notre maladie, de notre handicap.

Double peine

Cette double peine, nous ne l'acceptons pas. "Rendre le système plus juste", "ouvrir des solidarités nouvelles", c'est aussi refuser que nos parcours professionnels irréguliers continuent de nous précariser dans l'âge, après la vie active. C'est un principe de Justice entre les citoyens, un principe qu'il faut assumer jusqu'au bout ! Les évolutions des dernières années ont, de fait, creusé notre précarité face à la vieillesse. Nous avons assisté à la construction d'un système qui, en lui-même, posait les bases d'une injustice profonde à notre égard : une retraite calculée sur un salaire de référence des 25 meilleures années, un nombre élevé de trimestres cotisés, un recul de l'âge de départ en retraite, facteurs structurellement inadaptés aux personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap. Alors que les débats pour une nouvelle réforme des retraites sont sur le point de s'ouvrir, nous constatons une fois encore que le parlement reste sourd à nos interpellations, sans voix face à nos revendications. Nous, qui représentons près d'un Français sur trois, refusons cette condamnation tacite à l'invisibilité. Le texte proposé aujourd'hui présente des avancées que nous saluons : pénibilité, départ à la retraite anticipé, reconnaissance des aidants... Mais un système plus juste reste à inventer, un système incluant mieux l'état de santé des personnes. Et pour l'inventer, des idées nous en avons. C'est par exemple la pleine intégration des indemnités journalières ou des périodes d'invalidité dans le calcul de la pension de retraite. Aujourd'hui, ces trimestres d'interruption de carrière sont validés, mais pas cotisés, ce qui réduit le salaire de référence des 25 meilleures années et lamine les pensions de retraite des personnes ayant subi des carrières fractionnées. Pour l'égalité femme-homme, cette mesure a été adoptée pour les périodes de maternité ; pour l'égalité entre les citoyens, elle devrait être généralisée.

C'est aussi favoriser l'emploi des seniors vivant avec une maladie chronique ou en situation de handicap, par l'extension de l'application de la retraite progressive. Temps de travail aménagé, maintien de la rémunération, poursuite des cotisations, la retraite progressive constitue un véritable outil pour l'emploi des seniors malades ou handicapés. Nous en appelons à une adaptation de l'article 11 du projet de loi pour nous permettre une fin de carrière moins brutale, plus adaptée à notre état de santé. Travailler plus longtemps, pouvoir se maintenir dans l'emploi dans de bonnes conditions, nombre d'entre nous le peuvent et le souhaitent. A condition de mettre en place des mécanismes pérennes d'incitation pour les entreprises, encore réticentes à l'aménagement du temps ou du poste de travail. Ce type de mesure a pourtant été expérimenté avec succès par l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées ou AGEFIPH, qu'attendons-nous pour en faire un dispositif public ? Enfin, nous mettons en garde le gouvernement contre la stratégie de bricolage qui consisterait à résoudre une injustice en en créant une autre. La volonté d'abaisser le taux d'incapacité de 80% à 50% pour permettre un départ anticipé est une très bonne initiative, qui mettra fin à des situations aussi absurdes qu'injustes. Mais cela ne peut se faire en écartant les personnes reconnues en qualité de travailleur handicapé (RQTH) de l'accès à ce dispositif.

Nous appelons à la cohérence et à la complémentarité des mesures. Répondre aux injustices, c'est savoir quelle place on accorde, au sein de notre société, à plus d'un tiers de la population. C'est aussi garantir sa représentation au sein de l'hémicycle. Nous refusons d'être cantonnés au rôle de "l'assisté", maintenu non loin du seuil de pauvreté.  Nous voulons exercer notre citoyenneté à part entière. Cela passe par le travail et la reconnaissance de nos spécificités.

(1) Michel Simon, président du collectif [im]Patients Chroniques & Associés (Association François Aupetit / AFD / AFH/AFSEP/ AIDES/ AMALYSTE/ Aptes/Fibromyalgie France/FNAIR/Jeunes Solidarité Cancer/Keratos); Claude Rambaud, présidente du Collectif interassociatif sur la santé (CISS) ; Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH : Associations des accidentés de la vie ; Alain Rochon, président de l'APF : Association des Paralysés de France ; Mathilde Laederich, directrice de l'Association France Parkinson.

Commentaires

Portrait de fp

La Ministre en charge des Personnes handicapées est très occupée actuellement. En 18 mois, elle a déjà contribué à la destruction de 30 000 équivalents temps plein d'auxiliaires de vie. A son retour de Marseille, il lui faudra en détruire 30 000 de plus pour être dans les clous budgétaires. On ne peut pas tout lui demander.

Portrait de frabro

C'est la première fois que je lis une réaction allant dans le sens de la prise en compte du handicap non directement lié au travail dans l'accessibilité à la retraite, et je l'approuve totalement.

mais au delà du communiqué, quelles sont les actions envisagées ?

Portrait de Felix77

Mais au vu de la situation générale actuelle. Je ne cache pas que je n'encaisserais pas cette indignation ultime.

Le moment venu je stopperais mes traitements afin de m'échapper de cet enfer, en priant que l'euthanasie sera en place, afin de partir dignement sans trop de souffrances et le plus rapidement possible.

En effet, j'ai parfaitement conscience de la déscrimination des maisons de retraite vis à vis des malades du SIDA (pas assez de fric à voler), aussi élevé que dans le monde du travail et comme vous le savez, nous sommes tous du bétail pour l'économie mondiale et nous devons rapporter jusqu'au dernier jour de notre vie, sinon...

Mon Dieu, comment oses-tu accepter ceci ? Serais-tu l'architecte de cet enfer ? Comment peux-tu rester les bras balants ? Comment puis-je me tourner vers toi, si je te soupçonne complice ? Comment oses-tu prétendre être cette lumière.

Portrait de frederic16

Et oui entierement d accord avec toi.Pour l euthanasie je pense pas qu il la mette en place.AMITIE

Portrait de clérice nadine

bonjour à tous je me demande si on va nous mettre en maison de retraite ou au four ...

Portrait de frabro

Entre les appel à Dieu, l'euthanasie, le suicide par arrêt des traitements (très long et très douloureux comme méthode, y a plus simple...), l'évocation des fours, bonjour les commentaires !

Et la vie, vous y pensez parfois ?

Moi oui, tout le temps.

Et j'espère bien profiter le moment venu d'une retraite digne et en bonne santé, méritée par une longue vie de travail.

Stop à la victimisation et aux propos mortifères, il s'agit de faire valoir nos droits, pas de tenter d'obtenir des miettes grace à la pitié des "biens portants".