Plan national VIH : des hauts et dégâts !

Publié par tofo le 06.10.2010
1 323 lectures
Notez l'article : 
0
 
dépistageplan nationaldroit des étrangers
La ministre Roselyne Bachelot a du métier… Comme elle est donnée partante du gouvernement, elle ne veut pas donner à celle qui va la remplacer le plaisir de présenter, à sa place, le nouveau Plan national de lutte contre le VIH et les IST. Elle a donc organisé la fuite des bonnes feuilles de celui-ci dans Libération. Pour le moment, les informations diffusées concernent surtout le dépistage… mais AIDES a réagi sur le volet concernant le droit à la santé des étrangers, un droit très amoché à l'Assemblée nationale la nuit dernière par la majorité. Explications.

On se souvient que la première mouture du Plan national sida et IST 2010-2014 avait été particulièrement étrillée par les associations de lutte contre le sida, la Conférence nationale de Santé et le Conseil national du sida. Il faut dire que les rédacteurs d'alors avaient "oublié" de lire le Rapport Lert/Pialoux… Du moins, c'est ce qu'on pouvait comprendre à la lecture, fastidieuse, de l'ensemble. Ce tir de barrage avait valu au plan de revenir sur le métier pour y être repris de fond en comble. C'est chose faite et la nouvelle version prend en compte des idées neuves, lance de nouvelles pistes et sur bien des sujets marquent des changements stratégiques très importants. C'est notamment le cas en matière de dépistage.

Une nouvelle donne pour le dépistage du VIH
Roselyne Bachelot veut inciter toute la population à se faire dépister. Jusqu'à présent, les médecins ne proposaient le test qu'aux personnes ayant eu un comportement à risque ou à certains moments de leur vie. Selon Libération, une campagne nationale d'information appellera en décembre 2010 tous les professionnels de santé à proposer un test de dépistage du VIH à leurs patients âgés de 15 à 70 ans, sans obligation. L'objectif est d'éviter que des personnes séropositives restent dans l'ignorance de leur statut. Le plan de Roselyne Bachelot prévoit d'ailleurs "la création d'un Comité national de pilotage qui suivra mensuellement l'application des mesures et leur efficacité avec des objectifs chiffrés : réduire de 50 % les nouveaux cas en cinq ans, mais aussi réduire de 20 % la mortalité ainsi que la prévalence des autres maladies sexuellement transmissibles."
Autre avancée majeure du Plan sida : la reconnaissance du dépistage communautaire. La ministre avait déjà adressé un signe en ce sens lors de la Conférence de Vienne en venant elle-même passer un test de dépistage à résultat rapide sur le stand de AIDES réalisé par un militant de l'association. "Pour certains groupes, nous allons proposer un dépistage beaucoup plus volontariste, explique la ministre à Libération. Nous voulons qu’il y ait dans les mois à venir plus de dix centres de dépistages communautaires". "C’est là aussi un changement de taille : ce n’est plus un professionnel de santé qui fera le test, mais un militant associatif, formé à cet effet", rappelle Libération.

Le traitement comme outil de prévention

Pour Roselyne Bachelot, c'est une évidence que la "politique de prévention doit s'élargir. Avec l’utilisation de toutes les nouvelles méthodes de prévention : le préservatif bien sûr, mais aussi les traitements qui deviennent aujourd’hui un outil de prévention". Le nouveau plan en annonce clairement la couleur. Reste la question du financement. Dans Libération, la ministre affirme que tout a été réglé en interministériel : "Sur cinq ans, un milliard d’euros est prévu."

Le CNS boude

Willy Rozenbaum, président du Conseil national du sida (CNS), semble bouder. Le plan national a été soumis au CNS pour avis (c'est la règle) et cet organisme devait se prononcer sur son contenu le 14 octobre. Mais voilà, on lui grille la politesse. Du coup, le CNS avance que le "plan sida ne serait à ce stade" qu'un "document de travail". "C'est une version préliminaire, où il reste tout un ensemble de choses qui ne sont pas finalisées", explique le professeur Rozenbaum cité par l'AFP. Bouderie sur la forme, mais sur le fond, cette fois, il semble que le compte y soit. "C'est, en intention, un virage à 90 degrés par rapport à celui de juin, sur des options importantes comme le dépistage en population générale, l'approche du dépistage en France, la prise en compte d'une méthode de prévention combinée, qui ne repose pas sur le seul préservatif", explique Willy Ronzenbaum qui dit s'exprimer à titre personnel.

Un plan déjà partiellement obsolète ?
Cette question est, depuis hier, pertinente. En effet, pendant que Roselyne Bachelot organisait la fuite dans la presse du futur plan sida/IST 2010/2014, qui comporte une partie thématique sur la prévention et l’accès aux soins des populations immigrantes/étrangères, l’Assemblée Nationale votait un amendement restreignant le droit au séjour pour les étrangers gravement malades. C'était dans le cadre des débats sur le projet Besson sur "Immigration, Intégration et Nationalité". Jusqu’à présent, une carte de séjour temporaire était délivrée à tout étranger dont la gravité de l’état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont il ne pouvait bénéficier dans son pays d’origine. L’amendement, voté cette nuit sous l’impulsion du député UMP Thierry Mariani et du ministre de l'Intégration et de l'Identité nationale Eric Besson, introduit la subtile nuance de la "disponibilité dans le pays". Comme le fait remarquer AIDES (6 octobre), le problème, c'est que cette formule ainsi votée ne prend pas "en compte la quantité de traitements accessibles dans le pays d’origine, ni leur coût, ni même la qualité du système sanitaire, etc." Cela signifie que le gouvernement considère donc que les personnes peuvent être soignées dans leur pays dès lors qu'un laboratoire distribue quelques médicaments dans la capitale, même s’ils sont hors de prix, et qu’il n’y en aura pas assez pour tout le monde." On voit bien les drames que sous-tend un tel raisonnement. "Ce sera en tout cas suffisant pour refuser un titre de séjour en France [aux personnes malades]. Les personnes malades qui ont actuellement une carte de séjour pourront aussi se voir opposer un refus de renouvellement. Le message est clair : rentrez mourir chez vous, on paie le charter ! ", dénonce AIDES.


Si l'association se "félicite de l’annonce d’un plan national qui propose un véritable changement de paradigme en termes de prévention et de dépistage, la fête est pour le moins gâchée par l’adoption par l’Assemblée Nationale de mesures qui – outre leur caractère ouvertement xénophobe – auront des répercussions dramatiques en termes de survie des personnes touchées, mais aussi en termes de santé publique sur le territoire français. Près de 10 millions de personnes attendent déjà un accès au traitement dans le pays du Sud. Grâce à cet amendement indigne, ils seront encore plus nombreux ! Merci Monsieur Mariani", explique AIDES.

Plus d'infos sur le site de Aides.