PMA : le sujet qui fait tracas

Publié par jfl-seronet le 13.02.2013
9 803 lectures
Notez l'article : 
0
 
Droit et socialPMAprojet de loihomoparentalité

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la PMA (procréation médicalement assistée) a bien perturbé les débats à l’Assemblée Nationale sur l’ouverture du mariage pour les couples de même sexe… et qu’elle le fait encore. La faute aux atermoiements du gouvernement, atermoiements qui se poursuivent d’ailleurs. Seronet fait le point sur les dernières nouvelles concernant ce sujet… qui tient de plus en plus de la patate chaude.

L’avis du comité national d’éthique, c’est pour quand ?
Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), dont le gouvernement attend l'avis sur les questions sociétales de l'assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA), a un "calendrier chargé" en 2013. Il ne devrait donc se prononcer sur cette question que "vers octobre", selon son président le Pr Jean-Claude Ameisen. "La médecine doit-elle répondre à des demandes sociétales quand elles ne sont pas dues à une maladie ? C'est une question très générale sur le rôle que la société entend donner à la médecine", a expliqué Jean-Claude Ameisen, cité par l’AFP. "Les questions peuvent être à la fois médicales (recours à l'AMP dans le cadre d'une maladie ou d'un problème de fertilité) et sociétales : une femme seule ou un couple de femmes qui a un problème de stérilité et une femme seule ou un couple de femmes qui n'en a pas. Ce n'est pas le même cas de figure", avance-t-il. Plutôt que d'aborder les choses au cas par cas, l'idée est de poser une réflexion générale, explique le chercheur. Enfin, concernant l'organisation d'états généraux sur l'AMP, ce pourrait être au Parlement ou au gouvernement de se prononcer sur leur éventuelle tenue. L'AMP est actuellement réservée aux couples formés d'un homme et d'une femme, ne pouvant avoir d'enfant pour des raisons médicales et/ou à risque de transmettre une maladie génétique grave à leur enfant.
 
L'avis du comité d'éthique "indispensable" mais "pas contraignant"
Spécialiste des questions de biotéhique (il a présidé dans la précédente législature la commission parlementaire spéciale sur les lois de bioéthique), le député socialiste Alain Claeys a jugé (4 février) "indispensable" que le Parlement dispose de l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) pour légiférer sur la procréation médicalement assistée (PMA), même si cela fait prendre "quelques mois de retard". "Il y a plusieurs sujets importants sur lequel le Comité consultatif national d'éthique doit se pencher : l'anonymat des donneurs, la congélation des ovocytes, l'évaluation des centres de PMA, dont l'efficacité est très variable avec des taux de réussite très variables d'un centre à l'autre, et l'ouverture à des couples d'homosexuelles", a-t-il déclaré à l'AFP. "Que le gouvernement veuille attendre l'avis, consultatif, du CCNE sur ces questions est très logique. Même si la loi Famille doit prendre quelques mois de retard, il est indispensable que le législateur puisse disposer de ces éléments", a estimé ce député. Mais quelles conséquences aura cet avis du Comité consultatif national d'éthique ? On ne sait pas, mais à en croire la porte-parole du gouvernement et ministre des Droits des Femmes Najat Vallaud-Belkacem, cet avis ne contraindrait "aucunement" le gouvernement. Par le passé, "certains" avis "ont été suivis, d'autres pas", a-t-elle ajouté, estimant que cet avis "vient éclairer le débat". La porte-parole a également assuré que la PMA figurerait "bien" dans le projet de loi famille "présenté au Parlement d'ici à la fin de 2013".
 
PMA : la gauche est divisée
Déjà connu pour son soutien a minima du mariage pour les couples de même sexe, le sénateur-maire PS de Lyon, Gérard Collomb a expliqué (5 février) être opposé à la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes (PMA) et à la gestation pour autrui (GPA), lors de l'émission "Preuves par 3" Public Sénat/AFP. "Pour la PMA et la gestation pour autrui, il y a des bornes qu'il faut marquer. Je suis contre la PMA et la GPA, on s'arrête là (au mariage pour tous)", a-t-il déclaré. Autre voix de gauche défavorable, celle du député PS de Paris Jean-Christophe Cambadélis. Il a assuré (4 février) : "La PMA, ce n'est pas maintenant et ce n'est pas le moment, c'est un débat qui aura lieu en son temps", a déclaré l'élu de Paris sur LCI. Comme on lui faisait observer que Dominique Bertinotti, la ministre déléguée à la Famille, avait évoqué un projet de loi famille incluant la PMA arrivant avant la fin de l'année 2013, il a répliqué : "La ministre de la Famille a dit ce qu'elle voulait dire, mais ce n'est pas la philosophie du gouvernement et de l'ensemble des parlementaires socialistes qui ont décidé ensemble que sur ce débat, il y aurait simplement le mariage et l'adoption". Le député socialiste a toujours marqué son hostilité à l'introduction de la PMA pour les couples de lesbiennes. "C'est inopportun, et cela pose des problèmes" car "derrière, il y a évidemment d'autres évolutions que l'on ne pourra pas combattre, comme la gestation pour autrui", avait-il ainsi expliqué en janvier dernier.
 
Ayrault en fait trop… et recadre
Le 3 février, en plein débat à l'Assemblée Nationale sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, la ministre déléguée de la Famille, Dominique Bertinotti, invitée par des députés écologistes à préciser le calendrier du gouvernement sur la PMA, reparle de la loi sur la famille attendue en mars, précisant qu'elle inclura la PMA et viendra au Parlement "avant fin 2013". De son côté, Matignon vient de signifier l'importance d'attendre l'avis du CCNE, la ministre est recadrée, assez séchement, par Jean-Marc Ayrault depuis Phnom Penh où le Premier ministre effectue un déplacement. Le Premier ministre déclare en substance que sa ministre ne peut s'avancer sur les dates car "il faut de toute façon attendre le CCNE, c'est la moindre des choses". A l'Assemblée, l'opposition hurle au "couac", et Alain Vidalies, ministre des Relations avec le Parlement, doit clarifier. Il assure qu'il n'y aura qu'une seule loi sur la famille, intégrant "la proposition du gouvernement sur la PMA", avec un débat au Parlement après que le CCNE aura rendu son avis. Exit donc l'échéance de mars pour une loi famille. Soit un beau bordel et une mise en difficulté de ministres suffisamment exposés lors des débats parlementaires. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault (4 février) exhorte à une approche "raisonnée, sérieuse" de cette question. Des parlementaires — notamment des socialistes et écologistes — souhaitaient que l'ouverture aux couples de lesbiennes de la PMA (aujourd'hui réservée aux couples hétérosexuels qui ne peuvent avoir d'enfant pour raison médicale) figure dans le projet de loi ouvrant le mariage aux homosexuels, en cours d'examen au Parlement. Puis avait été évoqué un texte différent promis par le gouvernement pour la fin mars… on sait maintenant que le projet de loi sur la famille ne verra donc pas le jour avant octobre 2013.