Populations clés : au cœur de la riposte et en marge des priorités

Publié par Rédacteur-seronet le 07.08.2016
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ConférencesAids 2016

Cette année, la conférence mondiale sur le sida de Durban avait pour thème "l'accès, l'équité et les droits, dès maintenant !". Un excellent sujet qui s’inscrivait dans un contexte assez paradoxal comme l’a d’ailleurs pointé AIDES lors de la conférence. Explications.

Une action militante pour dénoncer le manque de financements alloués au combat mondial contre le sida a marqué la cérémonie d’ouverture de la conférence de Durban, une façon de replacer aussi les populations clés dans le débat… avec des militants issus de ces groupes envahissant la tribune officielle. C’est ce qu’a voulu faire également dans son intervention en séance plénière, le juge constitutionnel sud-africain Edwin Cameron, importante figure militante de la lutte contre le sida en Afrique-du-Sud. Ouvertement gay, séropo et fier, Edwin Cameron a rappelé le rôle central des droits humains et des populations clés pour lutter efficacement contre le sida, avant d’inviter, une nouvelle fois, les militantes et militants présents dans le public à investir la scène. Les activistes se sont saisis de cette tribune pour dénoncer la criminalisation des personnes vivant avec le VIH, des travailleurs et travailleuses du sexe et de l’ensemble des populations clés, au Nord comme au Sud.

Ungass sida : une "conférence de la honte"

"Les activistes sont une lumière dans la sombre histoire de cette épidémie" a conclu Edwin Cameron, acclamé par une salle conquise. Ce message a contrasté très nettement avec la récente conférence de haut niveau sur le sida, qui a réuni la communauté internationale au siège de l’Onu, à New York, en juin dernier", a constaté AIDES. "En effet, sous la pression des Etats conservateurs, les populations clés ont presque intégralement disparu de la feuille de route de l’Onu "pour en finir avec l’épidémie du VIH/sida en 2030". Symbole de cette "conférence de la honte", 22 associations majoritairement LGBT avaient été exclues des débats, a rappelé AIDES dans son communiqué à Durban. Heureusement, les populations clés n’attendent pas les gouvernements pour se mobiliser pour leurs droits et leur santé, comme en témoigne le réseau Africagay contre le sida, présent à Durban. Le réseau est notamment intervenu sur la question du fameux objectif 90-90-90 et de sa réalité dans des contextes répressifs qui éloignent les populations clés du dépistage, de la prévention et du soin.

Fonds mondial : l’influence nuisible de certains bailleurs

Dans son communiqué, AIDES a indiqué que "les activistes se sont également réunis en marge du programme officiel pour définir les stratégies visant à éviter un effondrement de la prévention et du plaidoyer pour les droits des populations clés dans les pays à revenu moyen, comme le Maroc et la Roumanie, menacés par un retrait brutal du Fonds mondial de lutte contre le sida. A cause du manque de financements supplémentaires et de l’influence nuisible de certains bailleurs comme la Commission européenne, le Fonds mondial est en effet sous pression pour limiter son soutien aux pays les plus pauvres de la planète". "Dans des pays à revenu moyen, comme la Tunisie ou Maurice, un retrait du Fonds mondial aurait des conséquences gravissimes pour les populations clés", a prévenu Aurélien Beaucamp, président de AIDES. Dans ces pays, les programmes dédiés aux populations les plus exposées – gays, travailleur-se-s du sexe, usager-e-s de drogue, personnes trans – dépendent, en effet, majoritairement des financements du Fonds mondial, et ses instances sont bien souvent le seul espace de dialogue entre ces populations marginalisées et les autorités. On imagine, sans difficultés, quelles seraient les conséquences d’un désengagement du Fonds mondial.

A Durban, AIDES a voulu rappeler que "le combat mondial contre le sida ne se gagnera pas sans la mobilisation des populations clés, mobilisation qui doit être au centre de la riposte à l'épidémie. Cet objectif implique la mise en place d'un cadre protecteur pour ces populations et le respect de leurs droits les plus élémentaires".