Positive Generation, obtient le PRIX ONE 2012

Publié par jfl-seronet le 05.01.2013
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Mondeprix one 2012

Association camerounaise de lutte contre le sida, Positive Generation, partenaire de AIDES dans le cadre du projet Plaidoyer Sud, a obtenu le PRIX ONE 2012. Cette récompense vient concrétiser l'engagement de longue date de cette association dans le plaidoyer en faveur de l'accès universel aux traitements. On imagine que ce prix international donnera du courage aux militants de Positive Generation qui sont actuellement poursuivis en justice pour avoir revendiquer l'augmentation du budget de l’Etat camerounais consacré à la santé. Fogué Foguito, directeur exécutif de l’association, a prononcé un discours lors de la remise de cette récompense. En voici quelques extraits. Remerciements à Florence Giard, Chargée de mission International à AIDES, qui a rendu possible cette publication sur Seronet.

"En recevant la distinction dont l’organisation ONE a bien voulu nous honorer, notre gratitude est d'autant plus profonde que nous mesurons à quel point cette récompense dépasse nos mérites personnels. Tout homme et, à plus forte raison, toute organisation ou artiste, désire être reconnu. Nous le désirons aussi. Mais il ne nous a pas été possible d'apprendre votre décision sans comparer son retentissement à ce que nous sommes réellement. Comment une organisation presque jeune, riche de ses seuls doutes et d'une œuvre encore en chantier, n'aurait-elle pas appris avec une sorte de panique un arrêt qui le 20 novembre dernier la portait d'un coup, seule et réduite à elle-même, au centre d'une lumière crue ? De quel cœur aussi pouvait-elle recevoir cet honneur à l'heure où, en Afrique, d'autres organisations, parmi les plus grandes, sont réduites au silence, et dans le temps même où dans son pays les questions auxquelles elle s’attaque deviennent un mythe de Sisyphe ou chaque victoire est remise en cause au quotidien ? (…)

Personnellement, nous ne croyons pas au regard des défis de terrain, vivre sans notre art qu’est le plaidoyer. Mais nous n’avons jamais placé cet art au-dessus de tout. S'il nous est nécessaire au contraire, c'est qu'il facilite le rapprochement entre les hommes, les communautés et nous permet de vivre, tel que nous sommes, au niveau de tous, avec tous et pour tous. Le plaidoyer n'est pas à nos yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen de toucher et de mobiliser le plus grand nombre d'hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Le plaidoyer permet à des personnes de participer à des processus décisionnels qui influencent leur vie. Il oblige donc le plaideur à ne pas s'isoler ; il le soumet au contact permanent avec les siens. Et celui qui, souvent, a choisi son destin de plaideur ou d’acteur de développement parce qu'il se sentait différent, apprend bien vite qu'il ne nourrira son art, et sa différence, qu'en avouant sa ressemblance avec tous ses semblables. Une organisation à base communautaire comme la nôtre se forge dans cet aller et retour permanent de lui aux autres, à mi-chemin du rêve dont il ne peut se passer et de la réalité des communautés à laquelle il ne peut s'arracher. C'est pourquoi les vraies associations de plaidoyer ne méprisent rien ; elles s'obligent à comprendre au lieu de juger. Et, si elles ont un parti à prendre, ce ne peut être que celui d'une société où, ne régnera plus l’injustice et toutes les causes de sous-développement qui déshumanise l’homme. Le rôle d’une organisation comme le nôtre, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, elle ne peut se mettre aujourd'hui qu’au service de ceux qui font l'histoire : Positive-Generation est au service de ceux qui la subissent et aucun de nous n'est assez grand pour une pareille vocation. Mais, dans toutes les circonstances de sa vie, obscure ou provisoirement célèbre, jetée dans les fers des difficiles conditions de vie des communautés qu’elle accompagne, une organisation peut retrouver le sentiment d'une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu'il accepte, autant qu'il peut, les deux charges qui font la grandeur de son action: le service de la vérité et celui de la liberté. Puisque sa vocation est de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des communautés qu’elle sert, elle ne peut s'accommoder du mensonge et de la servitude qui, là où ils règnent, font proliférer les injustices. Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de nos interventions s'enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir ou de voiler la face sur ce que l'on sait ou voit et la résistance à l'oppression. (…)

Ce serait dommage, pour le plaideur que nous sommes, de ne pas saisir une telle opportunité, pour lancer un vibrant appel à nos décideurs pour plus d’investissement, plus d’engagement politique et financier à cette cause qu’est la santé des populations notamment en contexte de VIH/sida. Des efforts immenses ont été fait ces dernières années, mais beaucoup de choses restent à parfaire et à améliorer et il faut dans ce cas aller de l’avant car le challenge lui va de l’avant (…) Pour ne pas se voiler la face, la problématique de l’accès permanent au traitement demeure un rêve pour nos populations en Afrique. Plus qu’une simple question de thérapie, c’est un véritable sujet de droit de l’homme. C’est un problème de justice sociale, de civilité et surtout de démocratie. En effet, il serait difficile, pour un État qui aura démissionné de ses obligations de protection de ses populations atteintes par différents fléaux/maux sociaux de s’arroger fièrement le qualificatif démocratique. De même, un Etat, qui n’aura pas fait preuve d’humanisme, de solidarité et qui aura laissé mourir des milliers de ses citoyens prétendra difficilement au nom de nation civilisée. En définitif, le degré de respect du droit à la vie des personnes affectées, se présente désormais comme un baromètre notable d’atteinte des objectifs de développement d’un Etat, mais surtout, un véritable indicateur du degré d’humanisme, de solidarité, de civilité et de démocratie d’une nation. (…)

Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Vous êtes sans l’ignorer, cette activité arrive dans un moment particulier dans l’effort mondial de lutte contre la pandémie du VIH ; Dans un contexte marqué par la difficulté de mobilisation des ressources financières où la crise financière est servie comme prétexte de nos jours pour justifier l’hypothèque de la vie des millions de malades dans le monde et en Afrique en particulier. Face à cette situation, nous appelons les dirigeants africains d’aujourd’hui à avoir le courage et la volonté politique des pères des indépendances africaines pour dire non à tous cette dépendance criarde (…) Ramenés ainsi à ce que nous sommes réellement, à nos limites, à nos doutes, à nos peines, nous nous sentons plus libres de vous montrer, pour finir, l'étendue et la générosité de la distinction que vous venez de nous accorder, plus libres de vous dire aussi que nous voulons la recevoir comme un hommage rendu à tous ceux qui, partageant le même combat, n'en ont reçu aucun privilège, mais ont connu au contraire malheur et persécution (…) Il nous reste à vous remercier, du fond notre cœur, et à vous faire publiquement, témoignage de gratitude et reconnaissance pour ce Prix".

Commentaires

Portrait de chrysogone

Très ravi d'etre un des membres de cette jeune association.je me rejouis pour autant du travail et des différents efforts consentis par tout le staff.

Encore une fois merci à vous pour cette distinction.comme pour dire qu'un beinfait n'est jamais perdu.

L'esprit d'enthousiasme et la grande famille dont font preuve tous les membres de PG donnent à nous autres beaucoup d'espoir,l'espoir d'une vie,l'espoir d'un sourire retrouvé(...)

Espoir de former une famille,espoir de ne pas etre seul,espoir d'etre entendu et écouté(...)