Pour nous, cette décision est raisonnée

Publié par olivier-seronet le 24.07.2008
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Cela fait maintenant un peu plus de deux ans que Taylor et François vivent ensemble. Ils se sont rencontrés lors d'une réunion aux Narcotiques anonymes. François est coinfecté par le VIH. Taylor est séronégative. La charge virale de François est "écrasée". Après discussion avec le médecin, ils ont décidé de ne pas utiliser le préservatif lors de leurs rapports.

Illustration : Yul StudioFrançois : Lorsque j'ai rencontré Taylor, je lui ai dit que j'étais séropositif. De par mon expérience personnelle, je sais que c'est plus simple de le dire assez vite que d'attendre. Plus on attend, plus cela devient difficile.


Taylor : Tu m'as dit d'emblée que tu étais "plombé", lors de notre première rencontre. Je t'ai d'ailleurs répondu que cela ne se voyait pas.


François : Ça m'a fait plaisir que tu me le dises. Pour Taylor comme pour moi, l'idée d'avoir des rapports avec préservatif était difficile. Pour moi, c'était un obstacle à l'érection. J'ai donc demandé à mon médecin qu'on me prescrive du viagra. C'était une situation difficile parce que je sortais d'une longue période d'abstinence sexuelle. Le médecin a prescrit les doses les plus basses.


Taylor : Il faut le dire clairement : le viagra, ça marche. Ce qui est très bien. Je sais que cela t'a donné des maux de tête. Je ne sais pas si cela était lié au fait que tu avais du mal à accepter d'avoir à prendre du viagra ou un simple effet physique ou les deux, mais le médicament a marché.


François : Il y avait ce problème d'érection et puis les difficultés liées à l'utilisation du préservatif. Assez rapidement, j'ai pris l'habitude d'aller consulter [le médecin VIH] avec Taylor. Nous allons à chaque rendez-vous ensemble. C'est plus simple. C'est mieux parce que Taylor a les mêmes informations que moi.


Taylor : Cela n'a pas posé de problème au médecin. Cela ne m'aurait sans doute pas gêné que tu ne veuilles pas que j'y aille, mais je me poserais des questions si tu me demandais maintenant de ne plus t'accompagner.


François : Notre médecin est très bien. On peut parler avec lui très librement de sexualité. Il y a un vrai lien de confiance qui s'est établi. Il me suit depuis 1999. Assez vite, nous avons parlé avec lui de nos difficultés par rapport au préservatif. Ma charge virale est "écrasée" depuis un bon moment. Nous avons interrogé notre médecin sur ça. Il nous a dit que dans ce cas, le risque était un risque théorique, quasi nul. Cela fait maintenant deux ans que nous avons des rapports sans préservatifs parce que mon traitement marche. Je m'appuyais aussi sur mon expérience personnelle. Avant Taylor, j'ai vécu, là aussi dans un couple sérodifférent, pendant six ou sept ans. Nous prenions des drogues et la protection lors de chaque rapport sexuel n'était pas d'actualité. Et ma compagne d'alors est restée séronégative...


Taylor : Ce n'est pas ça qui m'a convaincu. Pour moi, ce n'est pas un argument. Ce qui m'a convaincu, c'est ce que nous a dit le médecin et les informations que d'autres personnes nous ont données, notamment une amie militante qui a beaucoup de connaissance en matière de VIH. Nous lui faisons confiance parce qu'elle sait reconnaître ses erreurs. Et puis, il y a la confiance que j'ai en toi. Cette confiance est très importante entre nous. Il y a surtout le fait que nous suivons ce que le médecin nous a indiqué. Nous n'avons pas de rapports traumatisants. Nous n'avons pas non plus de rapports anaux. Et puis, tu prends Truvada et le médecin nous a dit que ce traitement efficace se retrouvait aussi dans le liquide séminal. Il a même dit avec humour que ce traitement tu le "déposais juste où il fallait".


François : L'abandon du préservatif s'est imposé à nous, mais nous en avons parlé avec notre médecin. On n'est pas idiot. C'est devenu notre mode de fonctionnement à un moment où on n'avait pas entendu parler de la méthode suisse.


Taylor : Nous n'avons pas fait ce choix pour avoir un enfant. Moi, j'ai déjà deux grands gars qui ont 18 et 27 ans et je ne me vois pas m'y remettre ! De toute façon, c'est désormais impossible sauf en forçant la nature, ce que je ferais peut-être si je n'avais pas ou plus d'enfant.


François : J'ai 48 ans et je ne sais pas si j'aurais la patience nécessaire.


Taylor : Je me dis que tu la trouverais... Pour revenir aux rapports sans préservatifs et à notre décision, j'y ai réfléchi bien entendu. Il y a des choses que je fais dans la vie où je prends, selon moi, bien plus de risques. Je prends un risque lorsque je sors de chez moi... J'ai l'impression que si je devais éviter tout risque, je ne vivrais pas. Notre médecin, à qui je fais confiance, a parlé d'un risque théorique. Je l'accepte.


François : Mais si tu étais contaminée ?


Taylor : Ce serait la poisse. Ce serait vraiment un manque de chance... Cela ne m'étonne pas que cette nouvelle provoque des remous. Il y a dans ce type de débats beaucoup de positions très affectives et pas beaucoup de rationnelles. Pour nous, cette décision est raisonnée.