Première guérison du VIH : c’est possible mais quasiment pas reproductible

Rappel
Il y a 3 ans, les hôpitaux de Berlin en Allemagne annonçaient avoir effectué une transplantation de moelle chez un homme souffrant d’une leucémie myéloïde (un cancer du sang). Cet homme était par ailleurs atteint du VIH et prenait un traitement antirétroviral. Le Dr Hütter, qui n’était pas un spécialiste du VIH a eu cette idée simple mais géniale de voir que dans les donneurs de moelles consentants à ce moment là, l’un d’eux avait une caractéristique génétique très rare, il avait une mutation sur les CCR5, ces récepteurs situés à la surface des lymphocytes T4, qui permettent notamment au VIH de s’accrocher au T4 avant de le pénétrer. La mutation appelée delta 32 était homozygote (‘absolue’ pourrait on dire). C’est donc tout un concours de circonstances qui a eu lieu. L’homme séropositif a vu sa greffe réussir et a vécu. Sa charge virale VIH après les greffes a diminué, comme les médecins et lui-même en faisaient le pari, un pari risqué sur ses chances de succès mais un pari qui pouvait se tenter dans sa situation.
Aujourd’hui, 3 ans après où en est-on ?
L’homme a subi deux transplantations. Ses T4 sont aujourd’hui remontés à un taux considéré comme normal, en l’occurrence au dessus de 800 T4 sans aucun traitement anti VIH depuis 3 ans. Ce qui est déjà assez extraordinaire, puisqu’on peut penser qu’il rejoint ainsi les « contrôleurs d’élite » et « non progresseurs à long terme », ces personnes qui arrivent à contrôler naturellement le virus et/ou leur immunité. Mais il y a mieux. Si l’ARN du VIH (ce qu’on appelle la charge virale) est écrasé et que les T4 montent, cela ne veut pas forcément dire qu’on a éradiqué le virus. C’est ainsi le cas de plus en plus de personnes en France, avec charge virale indétectable et T4 à un niveau relativement satisfaisant (> 500/mm3). L’homme de Berlin a vu ses macrophages, cellules « réservoirs de VIH » qui vivent très longtemps, se vider de l‘ADN du virus (nous aurons l’occasion de revenir sur ces fameux réservoirs). Sur cette base, on peut dire que l’homme a guéri de son infection à VIH ou qu’il a fait une « serodéconversion » (l’inverse d’une séroconversion).
Et maintenant, quelles leçons en tirer ?
Les circonstances qui ont amené à cette guérison sont si exceptionnelles qu’on ne sait même pas si elles sont reproductibles comme cela. Ainsi depuis 3 ans, le Dr Hütter a essayé de retenter l’opération avec d’autres patients atteints de cancer leucémique. Cela représente (heureusement) peu de personnes. Et on ne peut tenter une telle intervention chez quelqu’un qui n’aurait pas un risque vital grave lié au cancer, car la transplantation représente également de nombreux risques et est lourde à supporter. Mais malheureusement les donneurs potentiels du moment n’avaient pas la mutation delta 32 homozygote sur CCR5. Il faut aussi savoir que dans certains pays, comme les USA, on sélectionne à peu près jusqu’à 10 donneurs potentiels pour vérifier les compatibilités et voir si la transplantation peut se faire. Le nombre de personnes avec mutation CCR5 homozygote est tellement rare qu’on a très peu de chance d’en trouver un au bon moment sur de si faibles nombres de donneurs sélectionnés. De fait, il n’y a pas encore de « deuxième homme de Berlin ». En revanche les scientifiques savent que cette voie doit faire l’objet de recherches et ils ont déjà commencé à travailler sur des cellules avec CCR5 modifiés pour essayer d’avoir des lots de cellules du même type. Ce n’est peut être pas cette voie qui nous mènera à un traitement curatif du VIH un jour, mais on sait aujourd’hui que c’est possible. Enfin, n’oublions pas que guérir de l’infection à VIH ne veut pas dire guérir de toutes les conséquences du VIH, dans le sens où le virus a pu faire un certain nombre de dégâts pendant toutes les années de vie avec lui, qui ne font pas revenir forcément le corps et les organes dans le même état de santé qu’ils avaient avant l’infection.
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Commentaires
Ne faudrait-il pas attendre plus de 3 ans
et lui (le malade) ?
Top
Euh...
du leurre
Oui moi aussi le "François" m'a un peu