PrEP accessible et remboursée : premières réactions !

Publié par jfl-seronet le 27.11.2015
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SexualitéPrEP

L’annonce du feu vert et du remboursement de la PrEP par la ministre de la Santé le 23 novembre à l’Assemblée Nationale a suscité de nombreuses réactions. Voici les premières publiées ou recueillies. Seronet a, par ailleurs, sollicité d’autres structures et personnes. A suivre...

Aurélien Beaucamp, président de AIDES

"C’est une immense satisfaction pour nous de voir ce dossier aboutir. Cela signifie que très bientôt, nous allons pouvoir accompagner partout en France les personnes qui ont besoin d’un nouvel outil de prévention adapté à leur situation de vie. Nous remercions la ministre de la Santé d’avoir su prendre la bonne décision et décider d’une prise en charge à 100 % de la PrEP".

Warning

L’association Warning est, avec AIDES, une des seules à avoir défendu dès le début la PrEP en France. Comme l’a fait AIDES, Warning a demandé à l’ANSM de se prononcer sur une RTU (recommandation temporaire d’utilisation) de Truvada en préventif. Très logiquement, l’association a salué, dans un communiqué (25 novembre), une "décision qui doit être suivie d'engagements concrets". Pour Warning, cette "bonne nouvelle ne doit pas jeter le voile sur plusieurs points problématiques". Le premier est le délai : "La France autorise donc la pilule préventive, mais trois ans après les Etats-Unis (2012) et alors qu'à Montréal les gais y ont accès aussi depuis la même année (…)". Ce délai très long, Warning l’impute au choix des "autorités médicales françaises, soutenues par plusieurs associations de lutte contre le sida et LGBT", d’avoir voulu attendre les résultats de l'essai ANRS-Ipergay, ce qui aurait décalé d’autant la décision française. Pour Warning, il fallait se contenter des résultats des essais américains qui avaient conduit l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à prendre position dès 2012 en faveur de la PrEP. On peut noter qu’aucun autre pays (en dehors de ceux cités par Warning) n’avait fait ce choix et que la décision politique d’aujourd’hui n’aurait pas été prise à l’aune des seules études américaines. Dans son communiqué, Warning explique qu’il y a aujourd’hui deux priorités relatives à la PrEP. "Il faut tout d'abord diffuser une information claire et précise autour de la PrEP car le niveau de connaissance sur le sujet est encore nettement insuffisant à la fois dans les populations concernées et dans le monde médical. Les résistances à ce nouvel outil révolutionnaire sont fortes", note l’association. "L'autre priorité est que les services hospitaliers partout en France puissent proposer celle-ci (…) Pour étendre l'accès aux plus près des individus, il est impératif de modifier la réglementation sur les prescriptions d'antirétroviraux afin de permettre aux futurs centres de dépistage (CeGIDD) de fournir la pilule préventive parce qu'actuellement cette prescription ne peut être faite qu'à l'hôpital", explique Warning. C’est prévu ! Et cela a d’ailleurs été annoncé par la ministre de la Santé lors de son intervention à l’Assemblée nationale. Enfin, Warning avance que le "mieux serait que les médecins de ville puissent aussi prescrire la PrEP car ils sont proches de leurs patients et couvrent l'ensemble du territoire".

Michel Bourrelly, directeur du Crips Ile-de-France

"Le positionnement clair de la ministre de la Santé est une avancée considérable en matière de lutte contre le sida dans notre pays. Loin des considérations moralisatrices qui ont pollué le débat sur la PrEP, la ministre de la Santé, avec beaucoup de courage, a privilégié les données scientifiques sur les traitements de pré-exposition rassemblées depuis plusieurs années. Elle a rappelé aussi à juste titre l’intérêt de ne pas abandonner le préservatif. La PrEP ne remplace pas le préservatif, c'est un outil supplémentaire.
Maintenant, il faut faire fonctionner la PrEP avec une diffusion d'une information claire, débarrassée des idées fausses, avec des accompagnateurs ou médiateurs formés et en nombre suffisant. Il serait aussi temps de promouvoir avec une volonté grande l'information autour du Tasp [traitement comme prévention, ndlr], c'est-à-dire qu'une personne séropositive traitée avec une charge virale indétectable ne contamine plus."

Le professeur Gilles Pialoux

Intervenant lors d’une conférence de presse sur l’infection VIH chez les plus de 40 ans, le 24 novembre, le professeur Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Tenon à Paris et investigateur de l’essai ANRS-Ipergay, s’est exprimé sur l’annonce de Marisol Touraine. "Je suis très ému [de cette nouvelle] qui clôt un combat mené depuis quatre ans. A l’époque, nous nous faisions traiter de Mengele [médecin nazi et criminel qui exerça au camp d’Auschwitz en réalisant des expérimentations médicales criminelles et délirantes sur des détenus enfants et adultes, ndlr] parce que nous avions dans l’essai Ipergay un bras placebo [un des deux groupes de l’essai ne recevait pas le traitement. Tous les participants étant informés qu’il y avait une possibilité sur deux de ne pas avoir de Truvada, mais un placebo, ndlr]". Gilles Pialoux a aussi largement rappelé que cette bonne nouvelle ne "ringardisait en rien les autres outils de prévention". "Il ne s’agit pas d’opposer les outils. Notre objectif doit être la prévention combinée et la santé sexuelle", a-t-il indiqué.

Jean-Luc Romero-Michel, Elus locaux contre le sida

"La PrEP, c’est clairement un pas vers la fin du sida !", affirme Jean-Luc Romero-Michel, président d’Elus locaux contre le sida. Cette mesure constitue même "une révolution dans la prévention en France". Dans un communiqué, il rappelle que la "PrEP, du fait de son efficacité constatée, fait l’objet d’un soutien unanime du monde scientifique et médical (….) La question qui se posait était évidemment celle de l’accessibilité, principalement financière : oui, la PrEP sera remboursée à 100 % ! C’est totalement justifié [car] la PrEP, lorsqu’elle est bien ciblée, est très largement coût-efficace".

Anne Hidalgo, Maire de Paris

"Autorisation et remboursement à 100 % de la PrEP. Bravo ! C'est une avancée politique forte dans la lutte contre la contamination par le VIH"

Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS

"Je salue la décision de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Marisol Touraine. C'est une avancée majeure (…)  Elle va permettre aux différents acteurs – professionnels de santé, associations, municipalités, chercheurs – de se mobiliser autour d’un nouvel objectif : Eradiquer le VIH (…) Cette décision devrait maintenant ouvrir les portes à une autorisation de la PrEP dans les autres pays européens."

Guillaume Goubert, éditorialiste à "La Croix"

L’éditorialiste du journal catholique "La Croix" a avancé un argument assez inattendu suite à l’annonce de Marisol Touraine : "(...) Le feu vert donné à l'utilisation préventive du Truvada pose une autre question. Depuis des décennies, les autorités sanitaires insistent sur la nécessité d'un discours univoque en faveur du préservatif comme moyen de lutte le plus efficace contre le sida. La décision annoncée mardi par Marisol Touraine vient souligner que ce seul instrument ne suffit pas et qu'il faut en ajouter un autre. Est-il alors légitime de continuer à bannir du discours public certains mots, dépréciés comme "moralistes" ? Ce moment est opportun pour affirmer que la fidélité et la chasteté (entendue non comme l'abstinence mais comme le respect de l'autre) sont aussi des moyens d'éviter la propagation de l'épidémie."

Le professeur Jean-Michel Molina, investigateur principal de l’essai ANRS-Ipergay

"C’est une excellente nouvelle pour la lutte contre le sida", a indiqué Jean-Michel Molina qui est aussi chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’Hôpital Saint-Louis. "Il a fallu un certain courage politique pour mettre cette mesure en place. Le remboursement ouvre un large accès à la PrEP et évite la discrimination. La France va être le premier pays européen à prendre cette mesure qui va avoir un impact majeur sur le cours de l’épidémie", indique-t-il, cité par le "Quotidien du Médecin" (26 novembre).

Michel Mangin, délégué de l’Inter-LGBT

L'Inter-LGBT se félicite de "l'annonce faite par la ministre de la Santé d'une imminente inclusion de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) dans l'offre de prévention combinée du VIH et sa prise en charge par la Sécurité sociale". L’Inter-LGBT demande "la mise en application officielle de cette annonce". "La lutte contre le sida a évolué ces dernières années. Elle s’est enrichie de nouveaux outils pour faire reculer l’épidémie : information et prévention combinée, préservatifs, dépistages, traitements. Ces stratégies et outils qui permettront de mettre fin à l’épidémie vont prochainement se voir complétés d’un nouvel outil qui est la prophylaxie pré-exposition (PrEP)", précise le communiqué (25 novembre) de l’Inter-LGBT. Le communiqué rappelle aussi qu’à la suite de l’actualisation des recommandations des experts sous la direction du Professeur Morlat, "un certain nombre de groupes de populations ont été proposés en fonction de la prévalence, de l’incidence et des risques d’acquisition du VIH. Cette actualisation souligne l’intérêt de la PrEP, entre autres, pour : Les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes et à haut risque d’acquisition du VIH ; les personnes trans ayant des relations sexuelles à haut risque d’acquisition du VIH". Comme d’autres acteurs, l'Inter-LGBT considère que "la PrEP est un nouvel outil de prévention qui vient s'ajouter aux dispositifs actuels et non pas s'y substituer. Les dispositifs actuels de prophylaxie doivent être maintenus et leur promotion renforcée. La PrEP doit être une porte d’entrée sur un parcours en santé sexuelle adapté aux personnes LGBT et groupes visés par le rapport, ce avec un suivi coordonné", indique l’Inter. Et celle-ci d’ajouter : "Ce parcours doit intégrer notamment les vaccinations nécessaires et le dépistage régulier des autres IST. Il doit se faire avec un accompagnement — généralisé à toutes les personnes sous PrEP — visant à favoriser l’adhésion à cette modalité de prévention et l’adoption, à terme, de comportements et pratiques sexuelles plus favorables à la santé, notamment par rapport aux IST". Enfin l’Inter-LGBT demande à ce que "le prix du Truvada en PrEP soit fixé à un prix inférieur au prix actuel, en se rapprochant du prix du futur générique".

Catherine Lemorton, présidente de la Commission des Affaires sociales à l’Assemblée Nationale

"Je me félicite de l’annonce faite par la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, concernant l'avis favorable sur la prochaine autorisation de la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) du Truvada, médicament, qui va permettre de mettre en œuvre la prophylaxie pré-exposition (PrEP) pour lutter contre la contamination par le VIH d'une catégorie de la population à risque augmenté. Je tiens à rappeler que la meilleure des préventions reste et restera toujours l’utilisation du préservatif, néanmoins, nous devons tenir compte des personnes qui se retrouvent surexposées à la contamination par le VIH. Le Truvada administré de façon préventive a démontré son efficacité dans deux études scientifiques majeures : la première aux Etats-Unis et la seconde, appelée Ipergay, menée en France depuis 2011 sous la coordination du Pr Jean-Michel Molina, chef du service de maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), sous l’égide également de l’ANRS [agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales, ndlr] (…) Notre Gouvernement prend ainsi ses responsabilités en ajoutant donc un outil supplémentaire pour lutter contre l’épidémie, chez les personnes les plus exposées au risque de transmission, et de façon très encadrée, au sein de consultations spécialisées et accompagnées en hôpitaux. En France, le nombre de séropositifs qui s’ignorent, faute de se soumettre aux dépistages, reste encore trop élevé : 30 000 personnes. En 2014, 6 600 personnes ont été diagnostiquées séropositives.

J'ajoute que l'ANSM, dans son avis, recommandait aussi de donner la possibilité aux centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CeGIDD) de mettre en place ce traitement de prophylaxie pré-exposition (PrEP). C'est pourquoi j'ai fait adopter, avec l'accord du ministère de la santé, un amendement dans la loi Santé afin de leur ajouter cette compétence. Plus que jamais, nous sommes mobilisés et aux côtés des associations et des professionnels qui luttent contre la propagation du VIH. Je ne peux donc que me réjouir, une fois de plus, de ces décisions courageuses de notre ministre prises avec toutes les précautions nécessaires."

Le docteur Anne Simon, présidente de la Société française de lutte contre le sida (SFLS)

"La SFLS soutient cette initiative qu’elle a appelée de ses vœux. La PrEP est un impératif éthique et politique en tant qu’outil qui augmente la palette des moyens de  prévention disponibles selon les pratiques. La SFLS est décidée, pour la promouvoir, à s'inscrire dans la démarche de formation et d'aide des soignants à l'usage de cet outil de prévention. La PrEP, dispositif intégrant la dispensation d'un médicament, nécessite un accompagnement médical et un suivi appropriés.  Quels qu'ils soient, les usages sont à accompagner dans une confiance réciproque soignant-usager et suivant les recommandations des experts."

Le professeur Patrick Yeni, président du Conseil national du sida et des hépatites virales

"La ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes a annoncé le 23 novembre 2015 la publication imminente de la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) du traitement antirétroviral nécessaire à la mise en œuvre de la PrEP, ainsi que sa prise en charge à 100 % début 2016. Le Conseil national du sida et des hépatites virales se félicite de cette décision qui permet d’ajouter à l’offre de prévention existante un outil supplémentaire attendu et indispensable pour lutter efficacement contre l’épidémie chez les personnes les plus exposées au risque de transmission".

Dominique Ganaye, Fédération LGBT, porte-parole et référant Santé

"Présent à la table ronde du 1er décembre 2014 à l'hôpital Saint Louis à Paris, organisée dans le cadre de l'essai ANRS-Ipergay, dont la Fédération LGBT est membre actif du Comité associatif, j'avais, à titre personnel et comme porte-parole et référant Santé de la Fédération, interpellé assez vivement la ministre quant à l'existence en France d'une PreP sauvage. A cette époque, j'avais vertement critiqué la réponse de Marisol Touraine "téléguidée", et plutôt très mal, par ses conseillers. La méconnaissance du dossier et son refus de reconnaître cette existence m’avaient agacé, alors qu'acteur de terrain du milieu LGBT et de surcroît gay ayant des pratiques à risque d'un niveau supérieur à la moyenne, j'étais plutôt largement mieux placé que ses conseillers et qu'elle même pour affirmer de façon certaine et justifiée ce que j'avançais. Force est de reconnaître que depuis ce temps, la ministre a (…) largement et positivement évolué. Ne pas le reconnaître serait malhonnête. J’avais, par la suite, au nom de la Fédération, enjoint la ministre a annoncé au plus vite son accord en faveur d’une RTU et de son remboursement par la Sécurité sociale (...) La réaction de la Fédération LGBT est un total plébiscite de cette annonce. Oui, l'autorisation de l'utilisation du Truvada en PrEP et son indissociable outil de mise en œuvre qu'est sa prise en charge à 100 % par la Sécurité Sociale, sont une avancée notable dans la lutte contre le sida en France. La France est le premier pays en Europe à permettre cela. La Fédération LGBT et moi-même saurons y être attentifs et ferons tout pour faciliter cette mise en place. Le plus difficile reste à faire mais de telles annonces donnent du cœur à l'ouvrage. C'est un travail inlassable d'explication, d'accompagnement, de suivi, qui doit maintenant se mettre en place rapidement et dans une collaboration nouvelle. L'arrivée de ce nouvel outil dans la palette de la prévention et de la réduction des risques devrait être saisie par le milieu médical, les pouvoirs publics, le milieu associatif de lutte contre le sida et les hépatites virales et le milieu LGBT (…) pour permettre la redéfinition du paradigme de la prévention. C'est désormais à partir de l'indispensable dépistage [que] tous les autres outils de prévention et réduction des risques devraient maintenant s'articuler. Aucun de ces outils ne doit être exclu (…)N'opposons pas  les outils ! Ils sont complémentaires (…) Avec la PrEP, ce sont des pratiques de plus en plus répandues, et de plus en plus tôt dans la vie, notamment chez les gays, qui vont pouvoir bénéficier de plus de sécurité et d’une réduction des risques (…) Ne nous opposons pas à la redéfinition du paradigme de la prévention, cela pourrait être l'occasion d'une nouvelle et grande collaboration particulièrement des associations spécifiques VIH et des associations généralistes !

Saurons-nous collectivement saisir cette opportunité ? La Fédération LGBT appelle de ses vœux le lancement de ce chantier."

Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, candidat PS à la présidence de la région Ile-de-France

Dans une tribune publiée sur le "Huffington Post" le 1er décembre 2015 et co-signée avec Jean-Luc Romero-Michel,  Claude Bartolone écrit : "Nous saluons la justesse et la pertinence de la décision de la ministre de la santé, Marisol Touraine, d'autoriser la PrEP, c'est-à-dire l'utilisation à titre préventif d'un antirétroviral. Cette stratégie de prévention, aussi efficace que le préservatif, était réclamée à tous les niveaux : mondial par l'Organisation mondiale de la santé, européen par la Société européenne de recherche clinique sur le sida, national par le groupe d'experts coordonné par le professeur Morlat. Cette décision de la ministre, que nous approuvons sans réserve, permettra, à coup sûr, d'éviter un nombre important de contaminations".

Article mis à jour avec de nouvelles réactions le 1er décembre 2015