PrEP : des recommandations qui font pression !

Publié par jfl-seronet le 16.08.2014
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SexualitéPrEPTruvada

En juillet dernier, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) publie, à la veille de la conférence de Melbourne, de nouvelles recommandations sur le VIH/sida et notamment sur l’intérêt de la PrEP pour les populations les plus exposées au risque d’acquisition du VIH. Pour des associations françaises, c’est une occasion de demander une nouvelle fois au ministère de la Santé la mise en place de la PrEP. Explications.

L’OMS, très clairement, pointe un échec de la lutte contre le VIH/sida concernant certaines catégories de la population, celles qui sont les plus exposées et donc les plus vulnérables au risque d’acquisition du VIH. Il s’agit des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, des personnes détenues, des trans, des travailleurs et travailleuses du sexe et des personnes usagères de drogues injectables. L’OMS affirme qu’il y a une "incapacité" à fournir à ces groupes des soins et une prévention adaptés ; ce qui, selon l’institution internationale, "met en péril les progrès déjà réalisés". Parmi ces groupes, ce sont les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes qui inquiètent tout spécialement l’OMS. Et l’organisme de souligner : "Les taux d’infection parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes restent partout élevés et de nouvelles solutions deviennent urgentes". Une solution, l’OMS en voit bien une : le recours à une stratégie de prophylaxie pré exposition (PrEP) chez les gays. Et l’agence internationale de recommander "fortement aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes le recours aux traitements antirétroviraux en prévention (PrEP) en complément de l’utilisation des préservatifs". Pourquoi une telle recommandation ? Parce qu’il y a urgence estime l’OMS. Elle note que l’incidence chez les homos est 19 fois plus importante que celle de la population générale. Autre donnée, une mise en place large de la PrEP un peu partout dans les communautés gay permettrait d’éviter jusqu’à 1 million de nouvelles infections en 10 ans dans cette population.

L’OMS précise…

Comme il arrive parfois, le message de l’OMS n’est pas tout à fait compris et certains (assez nombreux) y voient une injonction au traitement voire même une volonté de traiter tous les gays sans même leur demander leur avis ! Du coup, l’OMS précise sa communication. Ses dernières recommandations - qui demandent aux homosexuels d'envisager de se servir de la PrEP comme outil de prévention - ne s'appliquent pas à tous et cette décision doit reposer sur un choix personnel. "Si vous avez une relation amoureuse stable, ou si les deux partenaires sont séronégatifs et qu'il n'y a pas de risque, vous n'avez absolument aucune raison de prendre la PrEP", explique ainsi Gottfried Hirnschall, qui dirige le département VIH de l’OMS, à l'AFP. "S'il s'agit d'une relation où l'un des partenaires est séropositif et l'autre séronégatif, c'est une option que celui des deux qui est séronégatif doit considérer", précise-t-il. "Les études qui ont été faites ne montrent pas d'effets indésirables très importants, mais ce sont des médicaments, ce sont des traitements, et donc cet aspect doit être évidemment pris en considération avant de prendre une décision", note-t-il.

Pressions sur la RTU en France

Les recommandations de l’OMS sur la PrEP viennent à la suite des recommandations américaines pour soutenir une mise à disposition rapide et large de la PrEP. Dans un communiqué (15 juillet), l’association française Warning avance même l’idée que la "prise de position de l’OMS place désormais les autorités françaises dans une quasi obligation d’organiser le libre accès à la PrEP. Tout retard supplémentaire se traduirait par une perte de chance en matière de prévention, dont l’Etat serait responsable", affirme l’association qui, comme AIDES a demandé l’ouverture d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) pour la prise de Truvada dans une stratégie de PrEP. Cette demande est, depuis plusieurs mois, à l’examen à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). "Le temps des tergiversations est donc dépassé et le ministère de la Santé doit maintenant appliquer ces recommandations de l’OMS. Il y a, chaque année, près de 6 000 nouvelles infections au VIH en France", indique Warning. "Le libre accès à la prophylaxie pré-exposition du VIH en France ne se résume pas à une simple question scientifique, c’est désormais un problème politique. Toutes les pistes doivent être envisagées afin de faire sauter les verrous qui bloquent ce dossier depuis deux ans. Si l’interpellation de la ministre de la Santé ne suffit pas, pour qu’elle se conforme aux recommandations de l’OMS, l’implication des députés et sénateurs s’impose sur un plan politique", conclut l’association qui indique qu’elle n’a "pas l’intention de lâcher ce dossier".

AIDES au front

Depuis plus de 18 mois, AIDES est au front. L’association a demandé que la PrEP soit accessible en France où "l'épidémie est particulièrement active parmi les homosexuels masculins". Cette demande a, bien entendu, été réitérée suite aux recommandations de l'OMS. Pour l’association, la prise de position de l'OMS, à quelques jours de l'ouverture de la Conférence de Melbourne, "n'a rien d'anodin". L’association se félicite que l'OMS vienne "conforter (son) plaidoyer pour la mise à disposition immédiate des antirétroviraux à titre préventif pour les groupes les plus exposés au VIH. C'est un pas de plus vers la généralisation de la prévention combinée, à savoir l'utilisation complémentaire du dépistage, du préservatif et des traitements préventifs et thérapeutiques pour endiguer l'épidémie", a-t-elle expliqué. Face à une épidémie particulièrement active en France parmi les homosexuels, AIDES rappelle que "ce nouvel outil permettrait d'éviter de nombreuses contaminations". Elle appelle "une nouvelle fois la ministre de la Santé à sortir de l’immobilisme", jugeant urgent de donner aux homosexuels l'accès au traitement préventif, via une recommandation temporaire d'utilisation (RTU). Cette procédure permet de délivrer un médicament pour une indication qui n'est pas autorisée en France. Le Truvada a une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement des personnes vivant avec le VIH, mais n’est pas autorisé actuellement pour un usage préventif chez des personnes séronégatives, au contraire des Etats-Unis qui l'autorisent. La RTU bénéficierait aux personnes les plus exposées et n’ayant pas accès aux essais cliniques.