Prep en France : lente remontada

Publié par Fred Lebreton le 13.12.2021
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SexualitéPrEP

Chaque année, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) révèle les chiffres des prescriptions de la Prep en France à travers son enquête Epi-Phare (1). Après une forte chute constatée en 2020, les résultats actualisés montrent une remontée encore trop lente, conséquence de la crise sanitaire qui n’en finit pas... Explications.

Un net ralentissement

Au 30 juin 2021, le nombre total de personnes de 15 ans et plus ayant initié un traitement Prep en France a atteint 42 159, soit une hausse de 42 % par rapport au chiffre de fin juin 2020, alors que l’augmentation du nombre des initiations entre juin 2018 et juin 2019 avait été deux fois plus forte (+83 %). Ce nombre ne tient pas compte des personnes qui ont arrêté la Prep entre temps. Pour 12 408 (29 %) d’entre elles, l’initiation de la Prep a eu lieu au cours de la dernière année de suivi (entre le 1er juillet 2020 et le 30 juin 2021). Ces résultats actualisés montrent que, suite à l’effondrement des initiations de Prep lors de la première vague de l’épidémie de Covid-19 au printemps 2020, la diffusion de la Prep a repris au cours de la dernière année en France, mais en marquant un net ralentissement par rapport à la période précédant l’épidémie. Une tendance à la reprise d’une hausse des initiations s’est dessinée à partir de février 2021 et plus particulièrement au mois de juin 2021, marqué par la sortie de la troisième vague de l’épidémie de Covid-19 et par l’élargissement de la primo-prescription de la Prep à tous les médecins, notamment les généralistes.

Où sont les femmes ?

Qui sont les personnes qui prennent la Prep en France ? À ce jour, 97,5 % des usagers de Prep sont des hommes âgés de 36 ans en moyenne. Ce chiffre n'a quasiment pas bougé en cinq ans et il questionne. Pourquoi cet outil de protection très efficace ne se diffuse pratiquement pas chez les femmes ? De toute évidence, Il y a un travail considérable à faire pour promouvoir la Prep notamment auprès des gynécologues, généralistes, sages-femmes, etc. Parmi l’ensemble des 42 159 personnes ayant initié une Prep, 18 721 (44 %) résidaient en Île-de-France, dont 11 182 (26 %) à Paris, 5 139 (12 %) dans un département de la petite couronne et 2 400 (6 %) dans un département de la grande couronne. Dix pour cent résidaient en Auvergne-Rhône-Alpes, 9 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) et 8 % en Occitanie. La part des initiateurs-rices résidant en Île-de-France (et plus particulièrement à Paris) a légèrement diminué au cours de la dernière année au profit des autres régions françaises. Par ailleurs, seuls-es 7 % des usagers-ères de Prep étaient bénéficiaires de la CMU complémentaire (indicateur de situation socio-économique défavorable) et 1 % de l’AME (Aide Médicale d’État). L’usage de la Prep ne s’est donc pas étendu au cours de la dernière année aux autres populations exposées face au VIH qui devraient pouvoir en bénéficier, comme les personnes nées à l’étranger, résidant dans les DOM, les personnes s’injectant des drogues et les travailleurs-ses du sexe.

L’impact de la Covid-19

Ces chiffres mettent en évidence l’impact majeur de l’épidémie de Covid-19 sur le déploiement de la Prep et un infléchissement marqué et durable dans la dynamique de diffusion de la Prep en France depuis le début de la crise sanitaire. La poursuite du suivi de l’utilisation de la Prep à partir des données du SNDS (Système national des données de santé) permettra d’évaluer dans quelle mesure la généralisation à partir de juin 2021 de l’initiation de la Prep à tous-tes les prescripteurs-rices, notamment aux médecins généralistes, permettra une plus grande accessibilité à la Prep pour toutes les populations concernées en France. En mai dernier, le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) publiait un avis suivi de recommandations sur la place de la Prep dans la prévention du VIH en France. Dans cet avis, un changement de paradigme important était encouragé par le CNS, qui considère que la Prep doit être mise au même niveau que le préservatif, sans hiérarchie, dans la palette de prévention du VIH : « Le CNS considère que le positionnement actuel de la Prep en tant qu’outil subsidiaire par rapport à la prévention par l’usage systématique du préservatif, qui est demeuré jusqu’ici l’outil de référence, doit être remis en cause ». L’enjeu est de casser la représentation selon laquelle un rapport sexuel ne peut être protégé qu’avec un préservatif : « L’idée qu’une personne séronégative ne risque pas de se contaminer par le VIH lors d’un rapport sans préservatif dès lors qu’elle se protège avec une Prep doit progressivement s’installer, tout comme d’ailleurs, symétriquement, celle qu’une personne séropositive dont la charge virale est indétectable grâce à son traitement ne risque pas de transmettre pas le VIH », expliquait le CNS. Force est de constater que nous sommes loin du compte et, près de six ans après l’autorisation de la Prep en France, aucune campagne de communication d’envergure nationale, portée par le Ministère de la Santé, n’a vu le jour.

(1) : Depuis 2017, Epi-Phare, groupement d’intérêt scientifique associant l’ANSM et la CPAM, réalise le suivi annuel de l’évolution de l’utilisation de la Prep en France à partir des données du Système national des données de santé (SNDS).

 

Commentaires

Portrait de Superpoussin

... plutôt que "où sont les femmes?", car si peu de femmes prennent la PREP c'est moins du fait d'une sous-information genrée que d'une information sur le VIH trop peu dirigée vers la population hétérosexuelle, hommes hétéros inclus.

Allez-y, informez enfin massivement la population hétéro, ainsi nous y serons peut-être un jour moins stigmatisés du fait de notre statut sérologique, la prep étant selon moi un sujet bien secondaire en comparaison, un sujet pour nantis.

 

Portrait de Chris13012

je suis tout à fait d’accord avec toi, et je denonce la meme chose. Les hétéros sont trop peu représentés et les hommes hétéros encore moins.