Prep en France : remontée confirmée

Publié par Fred Lebreton le 05.12.2022
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SexualitéPrEP

Chaque année, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) révèle les chiffres des prescriptions de la Prep en France à travers son enquête Epi-Phare (1). Après une forte chute constatée en 2020 en raison de la crise sanitaire et une lente remontée en 2021, les résultats actualisés au 30 juin 2022 montrent une « reprise soutenue » des prescriptions. Explications.

Combien d’usagers-ères de Prep en France ?

Commençons par les bonnes de nouvelles car cette actualisation des données Prep a des raisons de nous réjouir. La Prep a repris son rythme pré- crise Covid-19 en France. La reprise des initiations de Prep, esquissée au premier semestre 2021, s'est confirmée au second semestre 2021 et au premier semestre 2022. Ainsi, au 30 juin 2022, le nombre total de personnes de 15 ans et plus ayant initié la Prep en France a atteint 64 821, soit une augmentation de 39 % par rapport à fin juin 2021. Ce nombre totalise toutes les personnes qui ont commencé la Prep entre 2016 et 2022 y compris celles qui l’ont arrêtée entre temps. Pour avoir une vision plus fine des personnes effectivement sous Prep en 2022, il faut regarder dans les six derniers mois (entre janvier et juin 2022). Au total, 42 583 personnes ont eu recours à la Prep (en initiation ou en renouvellement) au cours du premier semestre 2022, ce qui correspond à 66 % de l’ensemble des 64 821 personnes ayant initié une Prep depuis le premier semestre 2016. Le nombre de personnes ayant effectivement utilisé la Prep est également en hausse au premier semestre 2022 par rapport à la même période de l’année précédente : 42 583 versus 30 376 au premier semestre 2021, soit une augmentation de 40 % au cours de la dernière année. Et ça aussi c’est un signal encourageant.

Qui prescrit la Prep ?

Autre bonne nouvelle, l’ouverture de la primo-prescription de la Prep aux médecins de ville en juin 2021 a permis une nette augmentation des initiations de Prep prescrites en ville ; en particulier par des médecins généralistes. Ainsi, au premier semestre 2022, ce sont presque 3 800 primo-prescriptions, soit 41 % de l’ensemble des initiations de Prep, qui ont été effectuées par des prescripteurs-rices libéraux-les (dont 88 % par des médecins généralistes). En comparaison, ce chiffre s’élevait à 1 389 (19 % des initiations) au premier semestre 2021. Dans une moindre mesure, la part des médecins libéraux-les dans les prescriptions de renouvellement de Prep a également augmenté, passant de 26 % au premier semestre 2021 à 37 % au premier semestre 2022.

Qui prend la Prep ?

Moins réjouissant, le profil des personnes qui prennent la Prep a peu changé depuis 2016. Ce sont en très grande majorité des hommes (97 %), âgés de 36 ans en moyenne. La grande majorité (72 %) résidait dans des communes appartenant à des unités urbaines de plus de 200 000 habitants-es. Le niveau de vie était rarement précaire avec seulement 7 % qui étaient bénéficiaires de la CMU-C et moins de 1 % bénéficiaient de l’AME. L’âge moyen à l’initiation de la Prep, en baisse régulière depuis 2016, a continué à diminuer au cours de la période récente, passant de 33 ans au premier semestre 2021, à 32 ans au premier semestre 2022. Ceci reflète la poursuite de l’augmentation de la part des personnes âgées de 25 ans ou moins, passée de 21 % au premier semestre 2021 à 24 % au premier semestre 2022. Au total, la grande majorité des usagers-ères de Prep est âgée entre 25 et 45 ans (79 %). Peu de personnes séniors prennent la Prep avec  seulement 5,6 % de personnes âgées entre 56 et 65 ans et 1,4 % de personnes de plus de 65 ans. Parmi l’ensemble des 64 821 personnes ayant initié une Prep entre janvier 2016 et fin juin 2022, 27 583 (43 %) résidaient en Île-de-France, dont 15 906 (25 %) à Paris, 7 904 (12 %) dans un département de la petite couronne et 3 773 (6 %) dans un département de la grande couronne. Dix pour cents résidaient en Auvergne-Rhône-Alpes, 9 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) et 8 % en Occitanie.

Nous le répétons chaque année, mais il faut le souligner, les personnes nées à l’étranger et notamment les femmes nées à l’étranger n’ont pratiquement pas accès à cet outil de prévention. Certes, au cours de la dernière année, la proportion de femmes qui prennent la Prep a légèrement augmenté, passant de 2 % au premier semestre 2021 à 4 % au premier semestre 2022, mais cela reste largement insuffisant quand on sait qu’en France, les femmes représentent 29 % des nouveaux diagnostics VIH (données 2021 de Santé publique France). Interrogé à ce sujet lors d’un point presse organisé par l’ANRS | MIE, le 28 novembre dernier, le Pr Gilles Pialoux (chef du service de maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Tenon, AP-HP, Paris et vice-président de la SFLS) parlait d’un « échec collectif ».

Attention aux interruptions précoces

Un point important est relevé dans la dernière enquête Epi-Phare, les interruptions précoces de la Prep : « Parmi les personnes ayant recours à la Prep, le taux de maintien du traitement préventif d’un semestre à l’autre est élevé, atteignant plus de 80 % et même 90 % depuis fin 2020. Toutefois, dans la période précoce des six premiers mois suivant l’initiation de la Prep, une part substantielle des nouveaux-lles utilisateurs-rices ne reçoit aucune délivrance de renouvellement de la Prep. De telles interruptions précoces de la Prep, dont la fréquence est en hausse, ont concerné environ un quart des personnes ayant initié la Prep au second semestre 2021 ». Une récente étude réalisée par Epi-Phare montre que, parmi les hommes à haut risque d’infection au VIH par voie sexuelle en France, l’efficacité de la Prep en vie réelle atteint un niveau très élevé, à condition que l’observance au traitement soit bonne. Les résultats montrent que l’efficacité de la Prep atteint un niveau élevé : 93 %, proche de celui rapporté dans les essais cliniques chez les usagers-ères qui sont le plus observant. En revanche, l’efficacité de la Prep n’est que de 18 % en cas de consommation faible de Truvada et ses génériques. L'efficacité de la Prep apparaît réduite chez les hommes âgés de moins de 30 ans et ceux bénéficiaires de la CMUc, parmi lesquels une consommation faible de Truvada et les interruptions de Prep sont particulièrement fréquentes. « Le renforcement des efforts visant à améliorer l'observance à la Prep est essentiel pour garantir son efficacité, en particulier chez les jeunes et les personnes défavorisées sur le plan socio-économique, qui sont de plus en plus nombreux à utiliser la Prep à mesure que celle-ci continue à se généraliser », concluent les auteurs-rices de l’étude publiée dans The Lancet. Un plaidoyer pour l’accompagnement communautaire par les pairs-es tel qu’il a été proposé dans les études Ipergay et Prévenir.

(1) Depuis 2017, Epi-Phare, groupement d’intérêt scientifique associant l’ANSM et la CPAM, réalise le suivi annuel de l’évolution de l’utilisation de la Prep en France à partir des données du Système national des données de santé (SNDS).