Prep : les données Prevagay 2015

Publié par jfl-seronet le 27.10.2018
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SexualitéPrEPgay

Entre janvier 2016 et juillet 2017, le nombre de personnes ayant initié une Prep par Truvada ou génériques en France a été assez limité (environ 5 300 personnes) par rapport à la population susceptible d’en bénéficier (1). La très grande majorité (97,5 %) de ces personnes sont des hommes, vraisemblablement des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, indiquent les auteurs-es (2) d’une étude sur le niveau de connaissance de la Prep et de son niveau d’utilisation, publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH, 25 septembre 2018).

L’étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire porte sur la « connaissance et l’utilisation de la prophylaxie pré-exposition (Prep) parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes fréquentant les lieux de convivialité gay de cinq villes françaises » (Lille, Lyon, Montpellier, Nice et Paris) qui sont celles de l’étude Prevagay 2015.

Le champ de la prévention a considérablement bougé ces dernières années. En complément du préservatif, d’autres outils sont désormais disponibles et notamment la prophylaxie pré-exposition (Prep) par un traitement antirétroviral (association d’emtricitabine + ténofovir), initialement disponible sous le nom de Truvadapuis sous formes génériques depuis mars 2017. Pris lors d’un rapport sexuel exposant à un risque d’infection, il permet d’éviter le risque de contamination par le VIH. Dans le cadre de Prevagay 2015, les chercheurs-ses ont souhaité évaluer la connaissance et l’utilisation de la Prep qu’avaient les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) fréquentant les lieux de convivialité gay de cinq villes françaises, au dernier trimestre 2015, soit avant la mise en œuvre de la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) du Truvada dans l’indication préventive.

Comme le détaille l’article du BEH, au total, 2 164 hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes non séropositifs pour le VIH et résidant en France ont été retenus pour cette analyse. Parmi eux, 53 % déclaraient avoir connaissance de la Prep, principalement des hommes enquêtés à Nice ou Paris, âgés de 25 ans ou plus et ayant fait des études supérieures. Par ailleurs, 2,3 % déclaraient avoir utilisé ce traitement préventif au cours des douze derniers mois. La majorité d’entre eux s’était procurée la Prep en participant à l’essai ANRS- Ipergay (29 %) ou par prescription médicale (27 %).

Quels résultats ?

Les 2 164 hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes non séropositifs pour le VIH et résidant en France avaient un âge médian de 40 ans ; 65 % d’entre eux avaient fait des études supérieures, 71 % n’avaient pas de problèmes financiers, 53 % habitaient dans une commune de plus de 100 000 habitants et 82 % s’identifiaient comme étant homosexuels.

Connaissance de la Prep

Plus de la moitié des HSH (53%) ont déclaré avoir déjà entendu parler de la Prep. Le niveau de connaissance était significativement plus élevé parmi les HSH enquêtés à Nice (57 %) et Paris (59 %), âgés de 25 ans et plus (56 %), ayant fait des études supérieures (60 %), vivant dans une ville de plus de 100 000 habitants (57 %) et se définissant homosexuels (56 %). La connaissance de la Prep était également meilleure parmi les HSH fréquentant les backrooms et les lieux de drague extérieurs, ainsi que les sites de rencontre virtuelle (sites de rencontre gay sur Internet ou applications de rencontre gay géolocalisées). Plus le nombre de lieux de socialisation gay, avec ou sans échanges sexuels, fréquentés était important, plus la part de HSH informés de l’existence de la Prep était élevée : 44 % pour ceux ne fréquentant qu’un seul lieu versus 72 % pour ceux fréquentant les six types de lieux (bar, sauna, backroom, lieu extérieur de drague, site Internet de rencontre gay et application de rencontre gay géolocalisée), rapportent les auteurs-es.

Les HSH qui connaissaient le mieux la Prep étaient également ceux qui avaient un fort risque d’exposition au VIH dans l’année, que ce soit en termes de nombre de partenaires, de non-usage du préservatif ou de pratique du chemsex.

Utilisation de la Prep

Parmi les 2 164 hommes concernés par cette analyse, 2,3 % avaient utilisé la Prep dans l’année précédant l’étude. Il s’agissait davantage d’HSH en situation financière difficile (4 %), qui fréquentaient les backrooms (4 %), les sites de rencontre gay sur Internet (4 %) et les applications de rencontre gay géolocalisées (3 %). L’utilisation de la Prep était également plus fréquemment rapportée par les HSH les plus exposés au VIH au cours des douze derniers mois. Dans le modèle ajusté, les facteurs indépendamment associés à l’utilisation de la Prep au cours des douze derniers mois étaient : la fréquentation des sites de rencontre gay sur Internet, la pratique de la pénétration anale non protégée par un préservatif avec des partenaires de statut sérologique VIH différent ou inconnu, avoir eu au moins une infection sexuellement transmissible (IST) et avoir réalisé un test de dépistage de l’hépatite C (VHC) au cours des douze derniers mois. Une association était également retrouvée entre le fait d’avoir utilisé la Prep et le fait de se déclarer satisfait de sa vie sexuelle. Parmi les HSH ayant utilisé la Prep, les modalités pour se la procurer se répartissaient à parts égales : 29 % en participant à l’essai ANRS-Ipergay, 27 % sur prescription d’un médecin, 26 % auprès de personnes séropositives de leur entourage et 24 % par un autre moyen que ceux cités, sans plus de précision. Aucun HSH n’a déclaré s’être procuré la Prep par Internet.

Dans les éléments de discussion, les auteurs-es notent que la moitié (53 %) des HSH interrogés avait connaissance de la Prep. « Ce pourcentage semble faible pour une population qui, de par sa fréquentation des lieux de convivialité gay, a pu être exposée aux messages d’information sur la PrEP antérieurs à 2015, que ce soit sous forme de flyers ou d’échanges avec les associations menant des actions de prévention dans ces lieux. Néanmoins, aucune annonce officielle n’avait encore été faite sur sa disponibilité ». La connaissance de ce traitement était plus importante à Paris et Nice, villes dans lesquelles ont été recrutés des volontaires de l’essai ANRS-Ipergay et où ont été ouvertes les premières consultations Prep. Lille et Lyon étaient également des villes de recrutement de l’essai, mais la PrEP y était significativement moins connue des HSH, notent les auteurs-es. « La France a été le premier pays européen à rendre disponible la Prep de façon gratuite, en intégrant son remboursement par la Sécurité sociale. Si cet outil de prévention est très efficace au niveau individuel, il est nécessaire que les HSH s’en emparent largement afin qu’il le devienne également au niveau collectif et permette ainsi de réduire la transmission du VIH (…) Il est donc indispensable de diffuser une information complète sur ce nouvel outil préventif en prenant en compte, autant que possible, la capacité des personnes à pouvoir le comprendre et y accéder. Notre étude a montré que le niveau de connaissance de la Prep était moindre chez les plus jeunes et les moins diplômés. Il faut donc parvenir à toucher tous les publics HSH dans leur diversité, et notamment les plus éloignés de la communauté gay, afin que chacun puisse choisir sa protection de manière éclairée (…) C’est en informant au mieux, par différents canaux, les populations concernées, que la Prep deviendra, au même titre que les autres modes de prévention, un moyen de faire reculer la dynamique de l’épidémie du VIH », concluent les auteurs-es.

Références : Sauvage C, Saboni L, Sommen C, Lydié N, Alexandre A, Lot F, et al. Connaissance et utilisation de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes fréquentant les lieux de convivialité gay de cinq villes françaises. Prevagay 2015. Bull Epidémiol Hebd. 2018 ; (29):602-10.

(1) : ANSM. Suivi de l’utilisation de Truvada ou génériques pour une prophylaxie pré-exposition (Prep) au VIH à partir du Sniiram – Période du 01/01/2016 au 31/07/2017. Novembre 2017. 19 p.
(2) : Claire Sauvage, Leïla Saboni, Cécile Sommen, Nathalie Lydié, Antonio Alexandre, Florence Lot, Annie Velter et le groupe Prevagay 2015.

L’étude Prevagay 2015
Prevagay 2015 est une étude de séroprévalence du VIH, anonyme et aléatoire, qui a permis de renseigner un questionnaire comportemental et de recueillir un prélèvement de sang auprès des hommes aynat des relations sexuelles avec d’autres hommes fréquentant les bars, saunas et backrooms de cinq villes françaises (Lille, Lyon, Montpellier, Nice et Paris).

La Prep : petite chronologie
Des recherches scientifiques ont prouvé l’efficacité d’une stratégie de prévention nouvelle et complémentaire aux autres outils (1) : la prophylaxie pré-exposition (Prep). Elle consiste à proposer à des personnes à haut risque d’acquisition du VIH de bénéficier d’un traitement antirétroviral (Truvada, puis ses versions génériques depuis mars 2017), de façon continue ou lors d’un rapport sexuel exposant à un risque, dans le but d’éviter le risque de contamination par le VIH. Le premier essai ayant mis en évidence l’efficacité de la Prep chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) en prise continue est l’essai iPrEx, réalisé aux États-Unis et publié fin 2010. Mi-2012, la prescription de la Prep a été rendue possible aux États-Unis, tandis que démarraient deux essais en Europe dans la population HSH : l’essai franco-canadien ANRS-Ipergay (Truvada à la demande), puis l’essai Proud au Royaume-Uni (administration en continu). Fin février 2015, les résultats de ces essais ont montré que la Prep diminuait de 86 % le risque de contamination par le VIH chez les HSH. Sur la base de ces éléments nouveaux, des recommandations d’un comité scientifique mis en place par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), des conclusions du groupe d’experts-es sur la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH et de la décision de rembourser le médicament, l’ANSM a rendu effective la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) du Truvada dans la Prep le 4 janvier 2016. Une extension d’autorisation de mise sur le marché (AMM) a été accordée à la spécialité (Truvada) en août 2016 par la Commission européenne et mise en place en France au 1er mars 2017. C’est dans ce contexte que l’étude Prevagay a été réalisée à Lille, Lyon, Montpellier, Nice et Paris, sous la responsabilité de Santé publique France et en partenariat avec l’Équipe nationale d’intervention en prévention et santé pour les entreprises (Enipse), les centres nationaux de référence (CNR) pour le VIH et les hépatites virales B, C et Delta et l’Inserm.

(1) : Grant RM, Lama JR, Anderson PL, McMahan V, Liu AY, Vargas L, et al. Preexposure chemoprophylaxis for HIV prevention in men who have sex with men. N Engl J Med. 2010;363(27):2587-99 ; Molina JM, Capitant C, Spire B, Pialoux G, Cotte L, Charreau I, et al. On-demand preexposure prophylaxis in men at high risk for HIV-1 infection. N Engl J Med. 2015;373(23):2237‑46 ; McCormack S, Dunn DT, Desai M, Dolling DI, Gafos M, Gilson R, et al. Pre-exposure prophylaxis to prevent the acquisition of HIV-1 infection (PROUD): Effectiveness results from the pilot phase of a pragmatic open-label randomised trial. Lancet. 2016;387(10013):53-60.