Prep : pourquoi autant d’arrêts ?

Publié par Fred Lebreton le 02.05.2022
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SexualitéPrEP

La Prep fonctionne... quand on la prend ! Une méta analyse de 59 études sur l'utilisation de la Prep dans le monde montre que quatre personnes sur dix qui ont commencé cet outil de prévention l'ont arrêté au bout de six mois rapporte le site aidsmap. Explications.

41 % d’arrêts au bout de six mois

Les interruptions de Prep avaient déjà été documentées dans certaines études, notamment aux États-Unis, avec une étude qui montraient que 52 % des personnes qui ont initié la Prep entre 2012 et 2019 l’ont arrêtée au moins une fois au bout d’une période de quatre mois, mais 60 % d’entre elles l’ont recommencée par la suite.

Cette méta analyse internationale est une collaboration entre le Professeur Hong Shang de l’Université de Shenyang (Chine) et le Dr Weiming Tang de l’Université de la Caroline du Nord (États-Unis) avec des contributions de chercheurs-ses à Londres (Royaume-Uni) et Melbourne (Australie). Au total, les chercheurs-ses ont analysé les données de 43 917 personnes sous Prep issues de 59 études en « vie réelle » (suivi des personnes en dehors d’essai cliniques). Les études venaient de tous les continents, dont une majorité d’Amérique du Nord (54 %), puis Afrique subsaharienne (22 %), Asie et Europe (10 %) et Amérique du Sud (3,4 %). Près de la moitié des études (47 %) étaient concentrées sur les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et les femmes trans.

Un arrêt de Prep était défini par le fait d’arrêter son suivi, de ne pas renouveler son ordonnance ou d’être considéré-e comme « perdu-e de vue » sans transfert du dossier médical. Ces données montrent que 41 % des personnes qui ont initié un traitement Prep l'ont arrêté au bout de six mois et 35 % au bout de douze mois. En moyenne, le taux d’arrêt était de 31 % chez les HSH et les femmes trans, 51 % chez les travailleuses du sexe, 62 % chez les personnes qui s’injectent des drogues et 72 % chez les hommes et femmes hétérosexuels-les. Les auteurs-rices précisent que certaines de ces populations n’étaient pas suivies dans toutes les études. À titre d’exemple, une seule étude concernait les personnes qui s’injectent des drogues et trois études concernaient uniquement les travailleuses du sexe. Les arrêts étaient plus faibles chez les personnes qui prenaient la Prep à la demande (17,5 %) par rapport à celles qui prenaient la Prep en continue (31,5 %). Le taux d’incidence du VIH (estimation du nombre de nouveaux cas d’infection par le VIH au sein d’une population pendant une période donnée) était plus élevé dans les études avec le plus d’arrêts de la Prep, et en particulier chez les HSH et les femmes trans.

Pour quelles raisons ?

Dans les études où la question était posée, les deux raisons principales invoquées étaient la survenue d’effets indésirables (dans 25 études) et la perception d’un risque faible d’exposition au VIH (21 études). Les difficultés d’observance (bien prendre son traitement) et les déménagements étaient évoqués dans sept études. Une étude kenyane indiquait que de nombreuses personnes avaient initié un traitement Prep après que leur partenaire ait été diagnostiqué-e séropositif-ve au VIH, mais une fois la personne sous Tasp avec une charge virale indétectable, son partenaire séronégatif-ve arrêtait la Prep. Le taux d’observance a également été analysé à partir de données issues de 24 études qui concernaient 10 183 personnes. Les chercheurs-ses ont analysé les taux de Prep dans le sang, les auto-déclarations de personnes sous Prep et les taux de renouvellement des traitements en pharmacies. Le taux moyen d’observance sous-optimale, c’est-à-dire en dessous du seuil de protection efficace du VIH, était de 38 %. Ce taux était plus élevé chez les hommes et femmes hétéros (49 %), chez les travailleuses du sexe (62 %) et chez les personnes qui s’injectent des drogues (75 %). Les chercheurs-ses ont constaté que tandis que les taux d’interruptions de la Prep s’améliorait avec le temps (du fait de reprises), le taux d’observance sous-optimale augmentait. Ainsi, ce taux était de 38 % dans les études de six mois et il montait à 43 % dans les études de suivis à douze mois. L’incidence du VIH était beaucoup plus associée à une mauvaise observance qu’à des interruptions de Prep.

47 % de reprises

Seules huit études ont analysé la proportion de personnes qui ont recommencé la Prep après une interruption. Le taux moyen de personnes qui avaient repris la Prep était de 37 %. Dans les trois études qui avaient un suivi à six mois après un arrêt de la Prep, ce taux était de seulement 18 %. Cependant, il augmentait dans les études à plus long terme. Ainsi dans l’étude iPrEX Ole qui suivait des HSH et des femmes trans, 39 % des personnes ont recommencé la Prep dans une période de douze mois après l’interruption. Ce taux montait à 50 % dans une large étude menée au Kenya et en Ouganda et 69 % dans une étude menée dans une clinique de santé sexuelle LGBT à Boston (États-Unis). En moyenne, dans les études de suivi d’interruption de la Prep à douze mois et plus, 47 % des personnes avaient ré-initié le traitement.
« 70 % des personnes usagères de Prep ont soit arrêté de la prendre, soit avaient un taux d’observance sous-optimale dans les six mois qui ont suivi l’initiation du traitement », ont conclu les auteurs-rices de cette méta analyse. Mais ils-elles ont également souligné que près de 50 % des personnes avait repris la Prep dans les douze mois qui ont suivi cet arrêt. « Des stratégies pour encourager la reprise de la Prep pour faire face à des risques nouveaux ou persistants devraient être une priorité dans le déploiement de la Prep », ont conclu les auteurs-rices.