Prisons et travail : la loi du plus fort

Publié par jfl-seronet le 05.07.2013
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La récente décision du Conseil constitutionnel sur le travail en prison a suscité des réactions dont celle de l’Observatoire international des prisons (OIP) qui estime qu’elle "consacre le non-droit du travail en prison". Pendant, ce temps-là, les chiffres officiels indiquent que la surpopulation carcérale bat son plein.

Deux personnes détenues qui contestaient le régime de travail qui leur était applicable avaient saisi le Conseil constitutionnel. Ce dernier a rendu son avis (mi juin) et à la surprise de beaucoup il considère que "les dispositions de l'article 717-3 du Code du travail qui exclut les personnes détenues du bénéfice d'un contrat de travail ne portent "aucune atteinte" au "principe d'égalité" ni à "aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit". Pour l’Observatoire international des prisons, cette décision vient de consacrer la "zone de non droit" qui caractérise le travail en prison. Ainsi, les Sages ont estimé "constitutionnel le fait que les personnes détenues puissent être des travailleurs sans contrat, sans droit d'expression collective et soumis à des rémunérations en moyenne quatre fois inférieures au salaire minimum". Bons princes, ils ajoutent : "qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits". Désormais, c’est au gouvernement et tout particulièrement à la garde des Sceaux, Christiane Taubira, qu’il reviendrait de faire évoluer la situation. Le problème, c’est que la ministre de la Justice s’est déclarée satisfaite de la décision du Conseil constitutionnel en soulignant qu'il a su "prendre en compte les spécificités du travail en milieu pénitentiaire" et que l'acte unilatéral qui "lie l’administration pénitentiaire à la personne détenue pour déterminer les conditions de son activité" a d'ores et déjà "marqué un progrès considérable dans la reconnaissance des droits des détenus". Une position curieuse de la part d’une ministre qu’on a connue plus sourcilleuse des droits des personnes.

Mémoire courte… et renoncement

Dans un communiqué (14 juin), l’Observatoire international des prisons a la cruauté de rappeler que lors des "débats relatifs à la loi pénitentiaire en 2009, le groupe socialiste à l'Assemblée nationale dont faisaient partie Christiane Taubira, François Hollande et Jean-Marc Ayrault, s'élevait contre ce statut dérogatoire et exigeait l'introduction de contrat de travail en prison. Le groupe expliquait alors : "Pour nous, un travailleur en détention est certes un détenu mais c'est d'abord un travailleur. Cela implique que la personne incarcérée bénéficie d'un contrat de travail qui fixe ses devoirs et lui donne aussi accès à l'ensemble des droits sociaux (…) Aucun des arguments invoqués" pour refuser l'introduction d'un contrat "ne nous semble justifiable. Le contrat de travail (...) s'impose". On sait désormais à quoi s’en tenir.

Surpopulation : de pire en pire !

Combien de personnes détenues pour combien de places ? Au 1er juin 2013, il y avait en France 67 977 personnes incarcérées pour une disponibilité de 57 325 places. Soit une surpopulation de 10 652 personnes. Le Journal du Dimanche (JDD) a interviewé Pierre-Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS et spécialiste de démographie pénale. Il commente (18 juin) les derniers chiffres officiels. "Le nombre de détenus en surnombre [calculé uniquement à partir des chiffres des établissements en sous-capacité, ndlr] atteint aujourd'hui 10 652. Ces personnes n'ont pas de place, selon les critères de l'administration pénitentiaire. C'est un record depuis décembre 2008. On ne s'attendait pas à se retrouver dans cette situation avec un gouvernement de gauche. Mais en revanche, il est faux de dire que ce chiffre n'a jamais été aussi élevé : il était de 14 589 au 1er juillet 2008 et de 16 086 au 1er juin 2004. Cette baisse est liée à l'ouverture d'une série d'établissements. Fin avril, plus de 950 détenus dormaient sur un matelas à même le sol".

Commentaires

Portrait de jean-rene

On ne peut pas dire que la surpopulation carcérale soit "de pire en pire" si elle est passée de 16100 en 2004, à 14600 en 2008 et à 11700 en 2013; même s'il est parfaitement anormal qu'il y ait encore 11700 prisonniers qui n'aient pas de cellule.