Prisons : la France "dégrade" la santé !

Publié par jfl-seronet le 01.08.2011
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La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné (26 mai 2011) la France pour avoir soumis une personne détenue au port des menottes pendant ses consultations médicales, et lui avoir imposé la présence d'un personnel de surveillance durant ses examens médicaux. L’Observatoire international des prisons (OIP) note que c’est la quatrième condamnation de la France en matière pénitentiaire en moins de six mois.
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A l’unanimité, la France a été condamnée (26 mai) pour les mesures de sécurité imposées aux personnes détenues lors des extractions médicales. La plainte avait été déposée par une personne détenue, Michel D., qui s’estimait victime de moyens de contrainte et de sécurité "dégradants" lors de plusieurs extractions et consultations médicales aux centres hospitaliers d'Amiens et Laon entre février 2000 et septembre 2005. Dans cette affaire particulièrement emblématique, l’OIP avait saisi l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui avait réalisé un rapport. C’est à la lumière de ce rapport que "les juges ont apprécié les faits" et qu’ils les ont jugés constitutifs d'un "traitement dégradant". Michel D. avait 61 ans au moment des faits et il était porteur d'une prothèse à la hanche, rappelle l’OIP. Les juges ont estimé que les mesures de contraintes utilisées, des entraves et des menottes y compris lors de consultation étaient disproportionnées et d’autant plus que les consultations et examens médicaux s’effectuaient, au mépris du secret médical, en présence de surveillants pénitentiaires ou de policiers. Comme le précise l’OIP, la "cour s'est notamment référée à la position du Comité de prévention contre la torture du Conseil de l'Europe (CPT), selon laquelle l’examen médical des détenus soumis à des moyens de contrainte constitue "une pratique hautement contestable tant du point de vue de l’éthique que du point de vue clinique", le Comité recommandant d’effectuer tous actes médicaux de détenus hors de l’écoute et – sauf demande contraire du médecin concerné dans un cas particulier – hors de la vue du personnel d’escorte".
Autre élément qui a manifestement été pris en compte : les rapports du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe. En 2005, de passage en France, il avait dénoncé la pratique résultant de la circulaire toujours en vigueur du 18 novembre 2004, relative à l’organisation des escortes pénitentiaires des détenus faisant l’objet d’une consultation médicale : "Le transfert et l’hospitalisation se déroulent souvent dans des conditions qui entravent l’accès aux soins [...]. Les dispositions introduites par cette circulaire nuisent aux droits de la personne : le secret médical n’est pas respecté ; le port d’entraves et de menottes rajoutent à la souffrance et à l’inconfort et peut ainsi constituer une humiliation et un traitement inhumain et dégradant". Le même constat était fait en 2008, rappelle l’OIP. Pour l’association, cet arrêt du 26 mai 2011 vient remettre en cause les mesures de contrainte et de sécurité prises à l’occasion des quelque 50 000 extractions médicales dont les personnes détenues bénéficient chaque année en France. L'OIP rappelle qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants", que l'article 46 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose que : "La qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l'ensemble de la population" et que "l'administration pénitentiaire respecte le droit au secret médical des personnes détenues ainsi que le secret de la consultation".