Prix du médicament : le PLFSS 2020 innove

Publié par jfl-seronet le 17.12.2019
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Politiqueprix du médicament

C'est une victoire concernant le prix des médicaments ! Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2020 adopté le 3 décembre dernier par l’Assemblée nationale inclut une avancée majeure pour la transparence des prix.

On doit cette « avancée majeure » à un amendement du député LREM Olivier Véran, également rapporteur du PLFSS 2020. Cet amendement oblige désormais les firmes pharmaceutiques à rendre public « le montant des investissements publics de recherche et développement [R&D, ndlr] dont elles ont bénéficié pour le développement [des] médicaments ».

Cette mesure est le résultat d’une mobilisation commune avec plusieurs partenaires de AIDES, qu’il s’agisse d’associations de personnes malades, de consommateurs-rices, d’étudiants-es, de professionnels-les de santé ou de plaidoyer (Action Santé Mondiale, Médecins du Monde, la Ligue contre le cancer, etc.). Ces dernières années, plusieurs nouvelles thérapies contre les cancers et les maladies rares ont été mises sur le marché européen, pour des milliers voire des millions d’euros. Par exemple, un traitement contre l’hépatite C, le sofosbuvir (Sovaldi) a été commercialisé par Gilead d’abord au prix de 41 000 euros la cure de trois mois, puis au prix de 28 700 euros alors qu’une étude a montré que le traitement serait rentable pour le fabricant, à partir de 62 euros.

Cette course au prix est d’autant moins compréhensible et acceptable que la recherche et le développement concernant ces thérapies sont notamment rendus possibles par des investissements publics, et leur montant n’était jusque-là pas connu. Dans un communiqué, AIDES explique : « Nous nous réjouissons de l’adoption de cette mesure, qui permettra de nouveau de saisir l’écart entre le prix réel du médicament et celui fixé par les laboratoires pharmaceutiques. C’est une grande avancée vers des négociations de prix plus justes et soutenables pour le médicament ».

Le 26 novembre dernier, plusieurs organisations non gouvernementales (Action santé mondiale, AIDES, Médecins du Monde, La Ligue contre le cancer, Sidaction et UAEM/Universités alliées pour les médicaments essentiels) avaient déjà pointé cette avancée qui venait juste d’être adoptée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale ; cette mesure est donc désormais (depuis le 3 décembre) définitivement adoptée.

Les ONG expliquaient alors : « L’amendement déposé par Olivier Veran, et inspiré de propositions d’associations de santé et de personnes malades, oblige les firmes pharmaceutiques à rendre public : le montant des investissements publics de recherche et développement dont elles ont bénéficié pour le développement d’un médicament ».

En mai 2019, lors de l’Assemblée mondiale de la Santé, la France s’engageait, par la voix d’Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, à mettre en œuvre une « plus grande transparence sur le marché du médicament ». En effet, le marché du médicament est marqué par une absence de transparence justifiée par le secret des affaires. Ce manque de transparence apparait à tous les niveaux : la recherche fondamentale, l’accès au marché, les prix des médicaments…  « Cette opacité permet aux firmes pharmaceutiques de mettre les systèmes de santé et les personnes malades en concurrence et d’exiger des prix exorbitants injustifiés qui menacent l’accès aux soins pour tous-tes », dénonçaient alors les ONG dans leur communiqué commun.

Suite au vote de cette résolution sur la transparence, plusieurs associations de personnes malades, de consommateurs-rices d’étudiants-e, de professionnels-les de santé et de plaidoyer se sont alors mobilisées pour mettre en œuvre dans les lois françaises cet engagement international, et tout spécialement dans le PLFSS 2020, alors en cours de rédaction. Des propositions d’amendements ont été présentées aux différents groupes politiques. Ces amendements visaient à organiser la transparence sur le prix réel, les négociations de ces prix, les coûts de la recherche et développement (R&D), les investissements publics et privés dans cette recherche, ou le progrès thérapeutique réel.

L’Assemblée nationale avait donc adopté, en novembre, l’un de ces amendements. Celui-ci vise à obliger les firmes pharmaceutiques à rendre public « le montant des investissements publics de recherche et développement dont elles ont bénéficié lors du développement » d’un médicament. « L’objectif est que pour chaque nouveau médicament, les financements publics qui ont contribué au développement, soient référencés et pris en compte dans la négociation des prix », expliquait le communiqué des ONG.

Cet amendement fait notamment suite à l’arrivée sur le marché européen de plusieurs nouvelles thérapies contre les cancers et les maladies rares. Ces thérapies valent des centaines de milliers voire des millions d’euros, lorsqu’on compte le nombre de personnes malades potentiellement concernées par lesdits médicaments, alors même que le développement a été rendu possible par des financements publics. Il s’agit donc de faire en sorte que le médicament ne soit pas payé deux fois par l’État : une première fois pour le développer, et une seconde fois pour y avoir accès.

En novembre 2019, les ONG expliquaient qu’il s’agissait cependant d’une première étape. « Le rapporteur Olivier Véran avait, en première lecture, défendu un amendement, adopté en commission mais rejeté en séance, visant à renforcer les révisions de prix des médicaments les plus innovants à l’issue d’une période de cinq ans (période pendant laquelle un prix fort est accordé aux industriels pour qu’ils rentabilisent leur produit). Or à l’issue de cette période, la Cour des comptes note que le prix du médicament est en pratique assez peu révisé à la baisse : l’amendement du rapporteur visait à rendre cette révision obligatoire. Cette disposition n’a pas été rediscutée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

Enfin, dans leur communiqué, les ONG indiquaient que « d’autres chantiers de la transparence restent [à faire] : le rapport d’activité du Comité économique des produits de santé (CEPS) pour 2018 montre que les autorités sont de plus en plus contraintes à négocier des remises secrètes sur le prix du médicament, pour plus de deux milliards d’euros. Ces remises organisent une déconnexion croissante entre le prix réel du médicament et ce qui est rendu public. Surtout, elles banalisent et cherchent à rendre acceptable des prix exorbitants, fictifs, qui remettent en cause l’accès aux soins. En rendant ces remises publiques, la transparence permettra d’aller vers un prix plus juste et soutenable. C’est pourquoi nous attendons du gouvernement qu’il lance ces travaux sans délais.