"Prostitution : la pénalisation nuit gravement à la santé"

Publié par Rédacteur-seronet le 19.03.2015
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Mode de vieprostitutiontravail du sexe

Il y a douze ans, le 18 mars, était instauré dans la loi de Sécurité intérieure (LSI) de Nicolas Sarkozy le délit de racolage. Les 30 et 31 mars prochains, le Sénat va examiner en première lecture la proposition de loi "renforçant la lutte contre le système prostitutionnel". A cette occasion, plusieurs associations de défense des droits des travailleurs et travailleuses du sexe, et associations de lutte contre le sida (1) ont voulu rappelé que la pénalisation des clients prévue dans le texte "nuit gravement à la santé". Elles s’en expliquent dans un communiqué de presse que voici.

Les 30 et 31 mars prochains, la proposition de loi sur la prostitution sera examinée en première lecture au Sénat.Nous — associations de santé — qui travaillons au plus près des prostitué-e-s, avons à maintes reprises alerté les parlementaires sur les risques sanitaires et les violations de droit que constituait ce texte pour les personnes concernées.
Dans son avis rendu en juillet 2014, la commission spéciale du Sénat a entendu certaines de nos recommandations : elle a confirmé l'abrogation du délit de racolage et supprimé l'article 16, qui visait à pénaliser les clients. Si cet avis ne permet pas de dissiper nos inquiétudes sur le caractère globalement néfaste d’une loi spécifique sur la prostitution, il reconnaît néanmoins que pénaliser le racolage ou pénaliser les clients, c'est d'abord pénaliser les prostitué-e-s et entraver dangereusement leur accès à la santé et aux droits.

Voté il y a douze ans, jour pour jour, le délit de racolage a largement dégradé les conditions de santé et d'exercice des personnes qui se prostituent. Rejetées de l'espace public, moins accessibles aux associations de soutien et de prévention, elles sont aussi davantage exposées aux violences et aux risques, et moins en capacité de négocier des rapports protégés. Voilà le bilan d'un article de loi absurde guidé en 2003 par des préoccupations morales et sécuritaires.

Or la pénalisation des clients répond aux mêmes postures idéologiques, ignorant délibérément la réalité de terrain et le vécu des personnes concernées ; tout laisse donc à penser qu'elle sera suivie des mêmes effets. Le "modèle" suédois, cité en référence par les partisans de la pénalisation, a d'ailleurs été vivement critiqué dans une série de publications de la revue scientifique "The Lancet" (1) en juillet 2014. Qualifié de "pire modèle qui puisse exister", il s'est traduit par de graves violations de droits pour les personnes qui se prostituent et une exposition accrue aux violences et au VIH. Ce bilan est d'ailleurs parfaitement en phase avec les nombreux avis rendus ces dernières années par les institutions internationales (PNUD, Organisation mondiale de la santé, ONUSIDA) ou françaises (Conseil national du sida, Inspection générale des affaires sociales, Commission nationale consultative des droits de l’Homme).

La Commission spéciale du Sénat a, elle aussi, fait valoir que la pénalisation des clients "serait inefficace pour lutter contre les réseaux et placerait les prostituées dans un isolement encore plus grand". Nous approuvons cette position et demandons aux parlementaires de la confirmer en séance.

Nous appelons sénatrices et sénateurs à rejeter toute mesure coercitive ou stigmatisante à l'égard des prostitué-e-s. Nous les invitons à concentrer leurs efforts sur la lutte contre la traite et pour un accès inconditionnel aux dispositifs de droit commun d'accompagnement social et sanitaire.

Ne sacrifions pas la santé et la sécurité des personnes concernées par la mise en place de mesures répressives dont elles seraient à nouveau les premières victimes.

(1) : Act Up-Paris, Aides, Arcat, Autres regards, Médecins du Monde, Le Planning Familial, Les Amis du Bus des Femmes.
(2) : The Lancet, HIV and Sex workers, July 2014, P66 "Human rights violations against sex workers: burden and effect on HIV". Decker, Crago, Chu, Sherman, Seshu, Buthelezi, Dhaliwal, Beyrer.

Ce qu’a dit la commission spéciale du Sénat (extraits, rapport du 8 juillet 2014)
Le Chapitre IV de la loi concerne l’interdiction de l’achat d’un acte sexuel. L’article 16 tend à créer une infraction contraventionnelle de "recours à la prostitution". "A l'issue d'un débat approfondi, la majorité de [la] commission a considéré que les inconvénients probables de la création d'une infraction de recours à la prostitution étaient trop importants par rapport aux bénéfices attendus. En particulier, elle a estimé que cette pénalisation ne contribuerait pas significativement à la lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme, qui doivent pourtant constituer la cible principale des actions des pouvoirs publics dans ce domaine". Elle propose donc la suppression de cet article. Par cohérence avec cette décision, la Commission spéciale a choisi aussi de supprimer l’article 17 de la loi qui visait à "créer une peine complémentaire consistant en un stage de sensibilisation aux conditions d'exercice de la prostitution".

Commentaires

Portrait de IMIM

que ds certains pays c'est un métier reconnu qui fonctionne avec les institutions, pour la sexualité des handicapées, par ex.,  dont les actes sont remboursés par le système de santé et qu'en France ils en sont encore à pénaliser...........

C'est le + vieux métier du monde, bandes d'hypocrites !!!!!!!!!!!!!!!!!

Là encore,  le juste équilibre entre "l'abbatage" des années 70 et le tt caché d'aujourd'hui leur est difficile à trouver !!!???!!!