PUMa : les étrangers vont-ils encore trinquer ?

Publié par jfl-seronet le 27.03.2016
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Droit et socialPUMaprotection universelle maladieEtrangers malades

La réforme de la protection universelle maladie (PUMa) est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Elle remplace la CMU (couverture maladie universelle) de base. Elle vise à simplifier l’ensemble des régimes d’assurance maladie (salariés, indépendants, etc.). Désormais, on bénéficie d’une couverture unique et commune à tous, dès lors qu’on réside de manière stable et régulière en France. Sur le fond, c’est une bonne réforme, mais malheureusement, elle pourrait ne pas être bénéfique pour tout le monde : les personnes étrangères en situation administrative précaire. C’est ce qu’indiquent les décrets d’application en préparation. Des associations protestent. Explications.

La protection universelle maladie garantit à toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière, un droit à la prise en charge de ses frais de santé à titre personnel et de manière continue tout au long de la vie, explique le site de l’assurance maladie. Ce nouveau dispositif remplace la couverture maladie universelle (CMU) de base, créée en 1999, qui a donc été supprimée au 1er janvier 2016. C’est ce qu'expliquait un article de Seronet publié en janvier dernier, au moment de la mise en œuvre de la réforme. L’article pointait que si la réforme était bonne, il y avait, malgré tout, des incertitudes et des inquiétudes concernant ce dispositif.

L’incertitude portait et porte toujours sur la situation des assurés étrangers. Ces derniers vont devoir justifier de la régularité de leur séjour (c’était déjà le cas avant), mais dans des conditions qui n’étaient pas complètement claires en janvier 2015, malgré l’entrée en vigueur du dispositif, et qui devraient avec les nouveaux décrets être dissuasives et restrictives, c’est ce que dénoncent l’ODSE (Observatoire du droit à la santé des étrangers dont AIDES est membre), le Secours catholique/Caritas France et la Fnars, dans un communiqué du 17 mars.

L’inquiétude concerne un risque de non-ouverture de droits, et d'interruption/non-renouvellement de droits, en cas de titre de séjour précaire, comme le fait d’avoir seulement un rendez-vous ou une convocation en préfecture et non un titre de séjour en bonne et due forme. On sait pourtant, qu’en pratique, les préfectures délivrent fréquemment des titres précaires : il ne faudrait pas que les pratiques défavorables des préfectures compromettent, voire interdisent, de bénéficier d’une couverture Santé ! Dans la même logique, il ne faudrait pas que des retards dans le renouvellement du titre interrompent la couverture maladie et que cette dernière s’arrête à la date stricte d’expiration du titre. On en était là en janvier dernier. AIDES, en lien avec des partenaires comme le Comede, a alerté, dès novembre 2015, le cabinet du ministère de la Santé et la direction de la Sécurité sociale de ce risque. Des contacts qu’a eus l’association, il ressortait que les dispositions relatives à la justification du séjour régulier, applicables jusqu'à présent, restaient en vigueur tant que de nouveaux décrets n'avaient pas été pris. Ils devraient l'être au cours du premier trimestre 2016. Autrement dit, la circulaire du 3 mai 2000 peut être invoquée en cas de difficulté, jusqu’à parution des nouveaux décrets. Cette circulaire prévoit que les caisses doivent ouvrir des droits à toute personne étrangère munie d’une carte de séjour ou d’un récépissé, mais aussi d’une convocation, d’un rendez-vous ou de tout autre document prouvant des démarches en cours auprès d’une préfecture. Telle est l’instruction donnée à la Caisse nationale d’Assurance maladie, à la Mutualité sociale agricole, au Régime social des indépendants le 16 décembre 2015 par le ministère de la Santé. Nous en étions donc là en janvier dernier. La situation semble désormais moins favorable à tel point que l’ODSE, le Secours catholique/Caritas France et la Fnars sont montées au créneau indiquant que la réforme de la protection maladie universelle amenait vers "une régression catastrophique pour la Sécurité sociale des personnes étrangères".

"Les décrets en préparation de la toute nouvelle réforme dite "Protection universelle maladie (PUMa)" vont empêcher l’accès et le renouvellement de l’Assurance maladie de 700 000 ressortissants étrangers pourtant en séjour parfaitement légal en France", indique le communiqué des associations. "A rebours des excellentes intentions de la réforme PUMa visant à simplifier les formalités administratives pour la majorité des assurés, les projets de décrets font le choix de durcir les conditions pour les personnes étrangères en situation régulière. Malgré les alertes répétées et les exemples concrets donnés par nos associations au ministère de la Santé depuis quatre mois, ces décrets, s’ils restent en l’état, vont créer des périodes d’exclusion pure et simple de l’Assurance maladie :

  • non-ouverture de droits, ou ouverture de droits limitée à quelques mois, selon la durée des titres de séjour provisoires ;
  • suppression de la durée d’ouverture des droits incompressible de un an ;
  • rupture de droits lors des renouvellements de titres de séjour, etc.

La complexité juridique et bureaucratique annoncée va pénaliser les personnes et augmenter inutilement les charges de travail des Caisses d’assurance maladie", dénoncent les associations. "Il s’agirait d’une remise en cause des acquis de la réforme CMU (1999) qui, elle, avait choisi de simplifier les procédures pour tous, Français ou étrangers. Faire de l’accès aux droits un parcours du combattant ne peut pas tenir lieu de politique de santé", concluent les associations qui appellent "à consolider pour tous, les améliorations apportées par la réforme CMU".

PUMa et étrangers : l’analyse critique de l’ODSEL’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) a réalisé une note technique reprenant les exemples sur lesquels il a, depuis quelques mois, attiré l’attention du cabinet du ministère de la Santé et de la direction de la Sécurité sociale. La loi de réforme de l’Assurance maladie dite PUMa va simplifier les formalités administratives en cas de changement de situation pour des millions de citoyens. "Un mécanisme de "présomption de droits" vise à éviter les coupures de droits en cas de perte d’emploi, de changement de régime, de déménagement ou autres changements de situation", rappelle l’ODSE. Pour les ressortissants étrangers, la réforme pourrait être catastrophique, explique le Collectif qui indique que le ministère des Affaires sociales en charge des textes d’application de la loi s’apprête à durcir spécifiquement les conditions d’ouverture des droits et de maintien des droits, et cela au détriment des étrangers. Ainsi, il est prévu le "durcissement de la condition de régularité de séjour pour les étrangers". Par exemple, à l’entrée dans le droit (première demande d’Assurance maladie), des nouveaux entrants en France, ou personnes déjà présentes de longue date et demandant une régularisation en préfecture, il y aurait impossibilité d’accéder à l’assurance maladie pour les titulaires de "convocation préfecture", "attestation de demande de titre de séjour" (sauf demandeur d’asile) et autres documents de séjour "hors norme" délivrés par les préfectures (en lieu et place des récépissés prévus par le Ceseda - Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile), soit des restrictions très importantes par rapport aux dispositions actuelles. Et l’ODSE d’expliquer : "En retirant de la liste officielle des titres de séjour les "convocations préfectures", "attestation de dépôt" et autres documents "hors normes" (non prévus explicitement par le Ceseda), et en ne précisant ni par la loi, ni par décret la durée d’ouverture des droits en cas de titre de séjour de courte durée, la réforme va avoir pour effet d’empêcher l’entrée à l’Assurance maladie : pour les titulaires des titres de séjour hors liste officielle (convocation préfecture, attestation de dépôt d’une demande de titre de séjour, rendez-vous en vue de l’examen d’une demande, autres…) ; pour les étrangers dont le titre de séjour est pourtant prévu dans la liste, mais de courte durée de validité (les caisses étant en droit de demander, à l’infini, la copie du titre de séjour suivant, sans traiter la demande). Les demandeurs d’asile seront particulièrement exposés à cette contrainte pratique (si les textes sont adoptés dans la version actuelle en projet)".