Quelle retraite pour les personnes handicapées ou en invalidité ?

Publié par jfl-seronet le 04.02.2020
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Droit et socialhandicapinvaliditéretraites

Les personnes en situation de handicap, celles faisant face à une maladie invalidante et les publics les plus précaires sont les grands-es oubliés-es du débat public sur la réforme des retraites, estime AIDES dans un communiqué. Elle n’est d’ailleurs pas la seule ONG à faire ce constat. Face à ce silence inacceptable, l’association a initié un front commun avec l'APF France handicap, l’Unapei, l’Uniopss et le Collectif Handicaps regroupant 47 associations du secteur, pour expliquer les « impacts délétères de cette réforme » pour les personnes en situation de handicap, comme à celles faisant face à une maladie invalidante : carrières atypiques non prises en compte, critères d'accès à la retraite anticipée ou pour inaptitude trop restreints, absence de dispositions spécifiques pour les personnes en situation de handicap et leurs proches aidants...

« Alors que l’objectif de la réforme [des retraites] est de gagner en justice et en universalité nous, associations de santé et de soutien aux personnes en situation de handicap, rappelons l’importance d’adapter le système aux particularités des parcours et de prendre en compte la diversité des profils et des carrières qui constituent le monde du travail. Nous alertons aujourd’hui sur les risques de précarisation des publics les plus vulnérables qu’impliquent certains manquements de cette réforme », explique un communiqué commun.

Quelle prise en compte des carrières atypiques ?

Les personnes en situation de handicap ou de maladie invalidante qui doivent adapter leur parcours professionnels aux contraintes liées à leurs situations sont confrontées, tout au long de leurs carrières, à des difficultés : taux d’emploi bas (seules 45 % des personnes en situation de handicap et 58/,5 % des personnes vivant avec le VIH travaillent), temps partiels fréquents… Des situations qui ne sont pas assez prises en compte dans la réforme en cours : si une pension de retraite contributive minimale est bien prévue, celle-ci est réservée aux carrières complètes, rappellent les associations. Or, comment avoir une carrière complète lorsque sa santé ou sa situation de handicap ne le permet pas ? Des points supplémentaires seront attribués, nous dit le gouvernement à ce stade, mais selon quelles modalités et suivant quelles garanties par rapport à l’esprit général de la réforme ? Enfin, pour les personnes pensionnées d’invalidité, le calcul des points se fondera sur les salaires touchés avant l’octroi de la pension d’invalidité, souvent en début de carrière professionnelle, où le salaire est souvent le plus bas.

Pas d’amélioration des retraites anticipées et pour inaptitude

En termes de droits à la retraite des personnes en situation de handicap, le projet de loi (avant les débats parlementaires qui ont débuté le 3 février) ne comporte aucune nouveauté : pas de modification, ni d’amélioration concernant la retraite anticipée ou la retraite pour inaptitude. Pourtant, l’accès à la retraite anticipée est bien trop restreint : en 2018, moins de 3 000 personnes ont pu en bénéficier. La durée de cotisation exigée en situation de handicap et les critères d’appréciation du taux d’incapacité excluent aujourd’hui des milliers de personnes du bénéfice de ces droits. Les critères pour l’obtention d’une retraite pour inaptitude restent également inchangés… et injustes, en excluant toujours les personnes en affection de longue durée (ALD) dont les personnes vivant avec le VIH.

Des zones d’ombre à éclaircir

« Dispositions en pointillés, mesures à trous, le texte proposé comporte son lot d’imprécisions », dénoncent les associations. Concernant un système de retraite progressive adapté aux personnes en situation de handicap ? Rien. Des dispositions spécifiques pour les travailleurs d’ESAT (établissement et service d'aide par le travail) qui cotisent sur leur seule rémunération garantie ? Non plus. Concernant les parents d’enfant handicapé dont les carrières professionnelles sont très souvent impactées et les aidants familiaux qui ont dû renoncer à leur activité professionnelle ou la réduire et qui, dans le système actuel, bénéficient en autres d’une majoration de trimestres ? Pas de majoration envisagée.

« Nous, associations, exprimons nos craintes et notre vigilance envers cette réforme opaque qui fait disparaitre un certain nombre dispositifs existants et risque d’engendrer une dégradation des droits des personnes handicapées et leur famille ; ou à d’autres niveaux se contente, sur de nombreux enjeux majeurs, de prolonger l’existant imparfait et  de renvoyer à des textes réglementaires sans plus de précisions. Nous appelons à une réforme qui améliore les protections et garantisse une retraite digne aux personnes dont la carrière a été hachée du fait de leur santé ou de leur handicap. En plus des enjeux de cohésion et d’équité, ce sont  des enjeux de santé, individuelle et publique, qui se jouent », concluent les associations.