Quelles sont les dynamiques du VIH en France ?

Publié par Mathieu Brancourt le 07.10.2016
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ConférencesSFLS 2016

L’enjeu de faire une photographie des moteurs et dynamiques de l’épidémie de VIH, en France, Virginie Supervie, chercheure à l’Inserm, y travaille au quotidien. Lors du Congrès de la Société française contre le sida (SFLS) à Montpellier, la chercheure a présenté de nouvelles données. Retour sur sa présentation.

Montpellier est cette semaine la capitale française de la lutte contre le sida. Lors de l’édition 2016 du Congrès de la SFLS (Société française contre le sida), l’épidémiologiste, spécialiste des modélisations, Virginie Supervie, a livré une fournée de chiffres récents concernant l’évolution de l’épidémie en France. Nouveaux diagnostics, cascade de soin et répartitions géographiques des contaminations, cette prise de hauteur, sur des données de 2013, est un moyen de dresser le tableau de la situation française, d’en pointer les enjeux et de mieux comprendre les objectifs à atteindre… pour en finir avec l’épidémie.

153 000

C’est l’évaluation du nombre de personnes vivant avec le VIH sur l’ensemble du territoire français. Soit une prévalence du virus de 0,4 % dans la population générale. Un chiffre équivalent aux précédentes estimations. Chez les personnes usagères de drogues, le chiffre reste très faible (100 nouvelles contamination/an), mais ne diminue plus. On estime à environ 25 000, le nombre de personnes non-diagnostiquées réparties dans les différentes populations exposées. 70 % d’entre elles sont des hommes. Par ailleurs, 40 % de l’ensemble sont hétérosexuels (homme ou femme) d’origine étrangère, 40 % d’hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) et 20 % nés en France et moins de 2 % des usagers de drogues. En nombre, la moitié de cette épidémie cachée se concentre en Ile-de-France et dans les deux régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Rhône-Alpes. Mais si on regarde en proportion face à la population générale, ce sont dans les départements et région français d’Amérique, comme la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique que la prévalence est la plus forte.

Des "pôles" de contamination en régions

Le nombre de contaminations (incidence) sur la période 2004-2013 chez les gays ne baisse pas, voire remonte chez certains sous-groupes. 17 % des nouvelles infections chez les gays concernent des HSH d’origine étrangère. On observe une stagnation chez les hétéros étrangers ou nés en France, hommes ou femmes. Sur les 7 100 infections annuelles, 3 000 concernent l’Ile-de-France, 500 la région Paca et 400 la région Rhône-Alpes. Les populations les plus représentées dans ces contaminations sont les HSH (surtout en Paca), les hétérosexuels étrangers d’origine africaine (notamment en Ile-de-France et en Rhône-Alpes). Comme pour l’épidémie cachée, même si ces trois régions métropolitaines concentrent la grande majorité des nouvelles infections, ce sont les territoires ultra-marins qui sont en proportion les plus touchés (Guyane et Guadeloupe).

Des diagnostics qui restent très tardifs

En 2013, la cascade française de la prise en charge du VIH s’est améliorée. Cette dernière représente l’évaluation des objectifs vers la fin de l’épidémie, représentés par les fameux 90-90-90. En France, les deux derniers 90, la mise sous traitement antirétroviral et la suppression de la charge virale (indétectabilité) sont atteints selon les chiffres de Virginie Supervie. Seul le critère concernant le dépistage reste insuffisant (84 %) et c’est un frein vers la chute du nombre de contaminations. Pour preuve, le délai entre l’infection et le diagnostic de séropositivité au VIH se compte encore en années. Trois ans pour les hommes gays et les femmes hétérosexuelles, et quatre ans pour les hommes hétérosexuels et ceux qui consomment des drogues. Pire encore, le délai entre l’infection et le début d’initiation du traitement ARV est trop tardif pour tous les groupes vulnérables, avec près de quatre ans chez les HSH et les femmes hétéros. On atteint huit ans chez les personnes usagères de drogues. Les délais entre l’entrée dans le soin et l’initiation de traitement antirétroviral ont malgré tout baissé depuis 2010. Cela s’arrange une fois l’étape du dépistage franchi, avec seulement un mois entre le diagnostic et la mise sous traitement, sauf pour les personnes usagères de drogues, avec six mois en moyenne.

Face à ces constats, l’épidémiologiste dresse quelques pistes et objectifs pour améliorer la cascade et donc la réponse à l’épidémie. Devant des dynamiques régionales spécifiques, la chercheure recommande d’intensifier l’action dans les zones les plus touchées. Mais surtout, c’est sur le délai de dépistage, trop long, et la diminution des contaminations chez les HSH, avec la PrEP et une proposition de dépistage renforcée, qu’il faut travailler. Sans parler d’un travail spécifique pour l’entrée et le maintien dans le soin des consommateurs de produits.